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Mistral : en Bourgogne, les biscuits parlent le langage du terroir

Semur-en-Auxois (Côte-d’Or, 21) – Bourgogne-Franche-Comté. Dans un coin tranquille de Bourgogne-Franche-Comté, une alliance un peu singulière dessine les contours d’un avenir alimentaire plus durable. Une biscuiterie artisanale, Mistral, portée par la volonté de proposer des produits de qualité et ancrés dans leur territoire, s’est associée à Dijon Céréales, une coopérative agricole de 3 800 membres. Objectif : produire des biscuits à base de matières premières cultivées ou produites localement.

“On veut savoir ce qu’on mange, d’où ça vient et qui l’a produit. Aujourd’hui, c’est possible. Et c’est même savoureux”, s’enthousiasme Laura Hapulka, Directrice générale adjointe de Mistral, entreprise fondée en 1954. La biscuiterie, implantée à 1 heure de route de Dijon, a toujours cultivé un certain attachement au local, mais le virage pris récemment va bien plus loin qu’une simple stratégie marketing. Preuve en est : en 2023, Mistral a été rachetée par Dijon Céréales.

biscuiterie mistral
La biscuiterie Mistral possède son magasin à Semur-en-Auxois mais vend aussi dans toute la région et sur Internet. Crédit : Jérémy Lempin / WD.

De la parcelle à la pâte : un circuit court structurant

La collaboration entre Mistral et Dijon Céréales est née d’une conviction commune : le modèle alimentaire doit évoluer. “Il y avait une vraie envie de construire une filière du champ à l’assiette, avec une traçabilité totale”, explique Didier Lenoir, président de Dijon Céréales. Grâce à ce partenariat, les agriculteurs membres de la coopérative cultivent du blé spécifiquement destiné à la biscuiterie. Le beurre, les œufs… de la recette proviennent également de producteurs de la région. Tout comme le cassis, fruit roi de la Bourgogne, présent dans certaines déclinaisons des madeleines Mistral.

Cette logique de filière intégrée permet non seulement de réduire les transports — donc les émissions — mais aussi de valoriser le travail des agriculteurs. “C’est gratifiant de savoir que notre blé ne finira pas noyé dans un silo anonyme, mais dans une recette qu’on peut goûter à l’épicerie du coin”, témoigne Didier Lenoir.

madeleines Mistral
La biscuiterie Mistral est particulièrement connue pour ses madeleines. Crédit : Jérémy Lempin / WD.

La souveraineté alimentaire prend des saveurs concrètes

Ce modèle illustre à merveille les enjeux de souveraineté alimentaire, souvent évoqués mais rarement incarnés aussi concrètement. Reconnecter production et consommation sur un même territoire, c’est aussi gagner en résilience face aux aléas logistiques et climatiques. “La crise du Covid, puis celle des intrants agricoles, nous ont montré la fragilité de nos chaînes d’approvisionnement. Repenser les circuits, c’est aussi une stratégie de long terme”, analyse Didier Lenoir.

Côté biscuiterie, le bénéfice est également gustatif. “Travailler avec des farines locales, c’est comme choisir de bons fruits pour une confiture : la qualité se sent tout de suite”, assure Laura Hapulka.

Didier Lenoir
Didier Lenoir, président de la coopérative Dijon Céréales. Crédit : Jérémy Lempin / WD.

Une coopérative qui prend les défis actuels à bras le corps

Face aux défis climatiques et économiques, la coopérative a su évoluer, repensant ses approvisionnements et ses modèles de production. Nous Autrement, la marque portée par Dijon Céréales, incarne cette dynamique : garantir aux consommateurs des produits issus du territoire, tout en assurant une juste rémunération aux producteurs. “C’est une marque qui raconte une histoire, celle de nos agriculteurs et de leur savoir-faire“, explique Laura Halupka. “On crée de la valeur pour tout le monde : agriculteurs, artisans et consommateurs”, ajoute Didier Lenoir.

Laura Hapulka
Laura Hapulka, directrice générale adjointe et responsable RSE de Mistral. Crédit : Jérémy Lempin / WD.

Dijon Céréales explore toutes les solutions pour s’adapter aux défis du changement climatique. Dernièrement, la coopérative a investi quelque 100 millions d’euros pour créer un méthaniseur géant, installé sur 12 hectares et fonctionnant à partir des cultures intermédiaires (Chia, trèfle, seigle, cameline…) et des déchets de triage des silos. C’est le plus gros projet de ce genre en France à ce jour. Il est approvisionné par pas moins de 150 agriculteurs du département de la Côte d’Or, qui représentent 65 à 70 % de la collecte de grains du département. « C’est une opportunité pour nos adhérents : ils valorisent leurs terres tout en participant à la transition énergétique », explique Didier Lenoir.

Le biogaz créé par l’unité de méthanisation alimente en énergie 15 % de la Côte d’Or et 25 % de Dijon Métropole. En outre, le digestat produit est utilisé comme fertilisant naturel, réduisant ainsi la dépendance aux engrais chimiques. Une boucle vertueuse qui illustre parfaitement la vision systémique de la coopérative : produire, transformer et valoriser au sein d’un même territoire.

Réinventer l’économie du bon sens

À l’heure où les grands discours sur l’alimentation durable se multiplient, cette démarche locale, concrète et coopérative semble faire figure d’exception… mais aussi de modèle. Loin du folklore de la ferme et du panier en osier, Dijon Céréales et Mistral s’inscrivent dans une logique économique sérieuse, pérenne, qui crée de la valeur sur le territoire. Cette alliance démontre que durabilité peut rimer avec viabilité.

La contractualisation entre les acteurs sécurise les revenus des producteurs tout en permettant à la biscuiterie de maîtriser ses approvisionnements. “Ce genre de partenariat, c’est du gagnant-gagnant”, se réjouit Didier Lenoir. Une bonne idée parfaitement reproductible dans d’autres territoires. « La territorialité est cruciale pour la résilience », conclut-il.

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