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Morbihan : à Grand-Champ, un village intergénérationnel redonne vie au centre-bourg
Grand-Champ (Morbihan, 56), Bretagne – En 2014, la commune de Grand-Champ (Morbihan), située à 25 minutes au nord de Vannes, se retrouve face à une friche en plein cœur du bourg. L’ancien EHPAD de 123 lits vient de déménager. Que faire de ce site, situé à deux pas de l’église et de la mairie ? Pour les élus, la réponse passera par un diagnostic territorial sans langue de bois.
“Nous avions deux urgences silencieuses : des personnes âgées isolées, souvent issues du monde agricole, vivant dans des maisons inadaptées et trop éloignées du centre-bourg ; et des jeunes en formation, apprentis ou alternants, sans solution de logement”, résume Yves Bleunven, sénateur et ancien maire de la commune. Deux publics invisibles dans les demandes classiques de logements, mais bien réels sur le terrain. La réponse : le Village intergénérationnel de Lanvaux.

Une réponse globale, pensée à l’échelle du territoire
Accompagnée par un bailleur social, la municipalité imagine un projet à plusieurs volets. Quinze maisons de plain-pied adaptées à la perte d’autonomie, dix logements existants réhabilités, un foyer de jeunes travailleurs avec studios équipés, une petite auberge de jeunesse de 42 lits pour accueillir groupes sportifs et formations, et surtout… une place centrale.
“On a voulu que ce village intergénérationnel de Lanvaux ait sa propre vie, avec des espaces partagés, des animations, des services de proximité et une vraie mixité”, détaille Françoise Bouché-Pillon, adjointe au maire, chargée des affaires sociales et de la solidarité. Certaines maisons sont domotisées, avec rails au plafond, volets automatisés, éclairages basse hauteur et systèmes d’alerte, conçus pour faciliter la vie des personnes âgées ou en situation de handicap. “L’idée, c’est de créer une alternative à l’EHPAD, une dernière étape pour vieillir chez soi, mais entouré.”
Le lieu comprend aussi des bâtiments partagés : au rez-de-chaussée, des espaces communs pour les animations ; à l’étage, les logements pour les jeunes. Le tout organisé autour d’une place de village pensée pour favoriser les échanges, avec bancs, tables, chaises et une grande toile tendue pour les jours d’été.

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Vivre ensemble, vraiment
Pour faire vivre ce village, la commune a confié l’animation à l’association Agora. Une animatrice à temps plein organise repas, sorties, ateliers, et favorise la création de liens entre résidents de tous âges, habitants du bourg, enfants des écoles et associations locales. “L’intergénérationnel, ça ne se décrète pas, ça se vit. Et ici, ça vit tous les jours”, insiste Yves Bleunven.
La place du village accueille expositions, concerts, événements saisonniers mais aussi apéritifs improvisés l’été. “C’est devenu notre troisième place, après la mairie et l’église.”

L’exemple de Grand-Champ : un modèle reproductible ?
Le succès du projet attire les curieux. Plusieurs ministres sont venus visiter le site, et les demandes de collectivités voisines se multiplient. Mais le sénateur reste lucide : “Il manque aujourd’hui un statut clair pour ce type de lieu. On a bricolé des financements entre la CAF, le Département, les aides à l’autonomie, des fonds publics et quelques partenaires de l’économie sociale et solidaire… Ce n’est pas soutenable partout, il faudrait simplifier les démarches.”
Il milite désormais pour la création d’un statut officiel de logement intergénérationnel, permettant d’aligner les aides et de faciliter les projets hybrides mêlant logement, soins, animation et vie collective. Il propose aussi une lecture renouvelée du parcours résidentiel : “Vendre une maison ancienne, mal isolée et éloignée, permet de financer un logement en location plus adapté en centre-bourg. Et ces maisons libérées peuvent être rénovées et accueillir des familles.”
Une stratégie au service de la centralité rurale
Au-delà du village, la commune de Grand-Champ poursuit une stratégie ambitieuse autour du logement abordable. “Si on laisse faire le marché, nos jeunes actifs seront exclus du territoire. Le prix du foncier a été multiplié par cinq en dix ans”, alerte Françoise Bouché-Pillon. Des “satellites” du village intergénérationnel sont déjà en cours dans d’autres quartiers, pour mailler tout le bourg avec des logements domotisés inclus dans des programmes mixtes.

Et ici, la centralité ne se mesure pas qu’en mètres carrés construits. “Tous les retraités qui viennent jouer à la pétanque, ils passent aussi chez le boucher. L’intercommunalité, c’est aussi ça : un écosystème qui vit.” D’autant plus que la vie collective repose en partie sur l’engagement citoyen : près de 600 habitants sur 6 000, soit 10 %, sont bénévoles au sein d’associations sportives, culturelles ou solidaires. Une dynamique locale qui montre qu’à Grand-Champ, bien vieillir, c’est d’abord bien vivre ensemble.
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