☕️ Au premier étage du 27 avenue du Président Salvador-Allende, il flotte une douce odeur de café filtré et une atmosphère de camaraderie. Kamel Bouajila, figure locale du quartier, est en pleine discussion avec trois résidentes de l’immeuble. Bénévoles pour les Compagnons Bâtisseurs, elles participent à l’organisation d’ateliers variés, (fabrication de moustiquaires, initiation au macramé, etc.), et se chargent de superviser les prêts d’outils pour le weekend, l’une des nombreuses missions de l’association. 

🗜️Sur le papier, les Compagnons Bâtisseurs accompagnent des habitants en situation précaire dans la rénovation de leur logement. Dans la réalité, on rentre ici pour un mur à repeindre, on reçoit aussi un coup de main administratif, et on finit par venir prendre un café le matin et faire un peu de bénévolat. Dans ce paysage fait de tours d’une vingtaine d’étages, les membres de cette association s’emploient, depuis 2016, à propager la solidarité.

En 2023, WE DEMAIN a noué un partenariat avec le Centre de Formation et de Perfectionnement des Journalistes (CFPJ). Quinze jeunes journalistes en contrat de professionnalisation ont travaillé à la production d’une série d’articles autour des initiatives dans les territoires. Retrouvez ici l’ensemble des sujets publiés sur la question.

“Parfois, notre métier c’est plus du social que des travaux”

🔧 C’est en 2020 que Kamel a rejoint les rangs. A 53 ans, ce père de deux enfants est l’un des quatre salariés de l’association. Il occupe un poste d’animateur technique, une profession qu’il peine généralement à définir tant elle est multifacette. « Notre objectif premier, c’est de rendre les gens autonomes pour qu’ils réalisent eux-mêmes les réparations dans leur appartement », explique-t-il. Mais avec des travaux qui peuvent parfois durer deux semaines, Kamel découvre souvent que les habitants sont encombrés par des soucis qui nécessitent plus que de bons outils. « Parfois, notre métier c’est plus du social que des travaux », observe le compagnon. 

Bien plus qu’une simple aide aux réparations et travaux

✍️ Dans d’autre cas, les compagnons servent de relais à des assistantes sociales, comme Kamélia Trabelsi, qui tient régulièrement des permanences administratives dans les locaux de l’association. Réaliser un CV, ouvrir un dossier à la Caf, renouveler un titre de séjour… Toute aide s’avère utile. En tout, la petite équipe des Compagnons bâtisseurs couvre entre 1600 et 2000 logements à Bobigny. Justement, Kamélia rentre de sa matinée. « J’ai déjà 50 mails ! », s’exclame la médiatrice. 

🔌 Judith Artigni, 82 ans, est l’une des doyennes du quartier. Arrivée en 1973, elle reste à ce jour la première et unique locataire de son logement. Sa passion pour le cyclisme ne sort pas de chez elle : elle aime faire du vélo d’appartement, et regarder les compétitions cyclistes à la télévision. Assise sur son canapé, alors que sur l’écran défilent des images du Tour de Grande-Bretagne, elle plaisante avec Kamel et Ronan, venus régler un problème d’électricité. Outils en main et sourire aux lèvres, les deux compagnons accordent autant d’importance à leur réparation qu’à leur échange avec les habitants. Avant de partir, Kamel lui donne son habituelle recommandation. « Si tu as un problème, tu m’appelles. Et on t’attend au local pour prendre un café ! »

 “Quand tu habites en banlieue et que tu galères, le changement climatique c’est pas ta priorité”

💡 Au-delà des chantiers et de l’aide administrative, les Compagnons font aussi beaucoup de pédagogie. « On fait des animations, on donne des conseils sur les économies d’eau, de gaz, d’électricité, détaille Kamel. On a également obtenu de l’ARS des ustensiles pour vérifier la qualité de l’air, et globalement, on regarde les factures des gens, voir s’il y a quelque chose qui cloche. » Même s’ils ont cet impératif à cœur, et qu’ils sensibilisent les habitants à ce sujet, le dérèglement climatique n’est pas le meilleur argument pour les convaincre de faire attention à leurs dépenses. « Quand tu habites en banlieue et que tu galères, le changement climatique c’est pas ta priorité, et c’est compréhensible », tranche le quinquagénaire.

💶 L’inflation, en revanche, est une crise très concrète pour les gens du quartier, et l’association ne fait pas exception. Dans l’appartement aménagé qui leur sert de local, les Compagnons entreposent tout ce qu’ils peuvent récupérer. A l’intérieur, toutes sortes de chutes de bois s’entassent les unes sur les autres. « Il y a une pénurie de bois en ce moment, donc on essaye de réutiliser tout ce qu’on trouve, précise Kamel. « Pour tout ce qui touche au bricolage, les associations, les éducateurs viennent nous voir. Certains sont envoyés par la mairie, les autres, c’est le bouche-à-oreille. »

🪑 Dans l’après-midi, après un raccordement électrique chez une habitante, Kamel et son collègue Ronan Guisquet, 23 ans, font une escale chez Ghislaine Meunier, bénévole pour les Compagnons. Au programme : peinture et réaménagement de l’appartement. Elle s’est d’ailleurs fait réprimander par l’animateur technique, qui a découvert que la septuagénaire avait elle-même déplacé les meubles et découvert les murs de leur vieux papier peint. « Je voulais faire ma part du travail, se justifie-t-elle. Ils ont déjà tellement de choses à faire tous les deux ! »

Autrice : Camille Baraldi

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