Aux États-Unis, un hacktiviste utilise l’intelligence artificielle pour prévenir les crimes

Il compare l’outil qu’il a développé aux “précogs”, ces êtres mutants qui prédisent les crimes à venir grâce à un don de prescience dans la dystopie Minority Report, mise en scène par Steven Spielberg en 2002.
 
The Jester – le joker, en anglais – est un justicier du web américain recensé par le prestigieux Time Magazine parmi les trente personnalités Internet les plus influentes en 2015. Il est, entre autres, connu pour avoir hacké et réussi à faire tomber des dizaines de pages internet propageant l’islamisme radical.

Dans le sillage du double attentat du marathon de Boston, en 2013, lui est venue l’idée de créer une application web pour recueillir des informations et alerter les citoyens et les forces de police des crimes, violences et escarmouches à venir ou en cours aux États-Unis. 

La police, qui écumait les réseaux sociaux pour avancer dans son enquête, avait alors lancé un appel aux citoyens à l’aider par ce biais. “Je me suis dit que tout ce processus pouvait être simplifié”, se souvient le hacker. 

Ainsi est née l’application internet iAWACS, une référence au système militaire américain “Airborne Warning and Control System”, un type d’aéronef qui fonctionne grâce à une commande mobile et à l’intelligence artificielle. Selon plusieurs médias américains, iAWACS aurait peut-être pu prévenir l’assassinat de cinq policiers blancs de Dallas, jeudi sept juillet, survenus en représailles aux meurtres de deux citoyens noirs par la police à Bâton-Rouge (Louisiane) et à Falcon Heights (Minnesota), la même semaine.

Intelligence artificielle et niveau de folie

Cette application fonctionne en partie grâce à l’intelligence artificielle (IA) du robot Watson, le programme informatique quasiment sans limite conçu par IBM dont We Demain vous parlait dans son numéro 11. iAWACS analyse en temps réel les messages des réseaux sociaux, les conversations radio de la police et celles de la FAA, l’administration fédérale américaine de l’aviation civile.

The Jester assure qu’avec l’aide de l’IA, il est capable d’éplucher en même temps une “grande quantité” de tweets, mais aussi la timeline d’un utilisateur particulier, ce qui lui permettrait de déterminer “sa fiabilité, sa propension à la violence et à l’ouverture d’esprit”. De quoi révéler, d’après lui, des indices sur les intentions d’un criminel. 

Dans le cas de Dallas, le système a ainsi recensé en temps réel des tweets “très perturbants”, notamment ceux d’admirateurs du tireur responsable de l’attaque, qui lui auraient permis de quantifier “le niveau de folie entourant l’événement”.

Dallas et Bâton-Rouge

Pour parvenir à quantifier des ambiances et des intentions, l’application du hacker est configurée en différentes versions. L’une d’entre elles suit en direct les scènes de tirs et d’émeutes en cours. Une autre est programmée afin de surveiller les conversations des islamistes radicaux, un service qui, selon lui, aurait pu permettre de détecter des pics de conversation avant chaque attaque terroriste “majeure”.

La dernière version est celle qui a servi à suivre les événements de Bâton-Rouge, théâtre de la mort d’Alton Sterling, l’un des deux civils noirs tués début juillet. Elle n’a été développée qu’il y a six mois et est programmée pour traquer et signaler “des incidents majeurs”. Elle a aussi servi à suivre la tragédie de Dallas.

Des algorithmes qui traduisent une “humeur”

Si ces différentes versions sont chacune programmées pour accomplir certaines missions, leur technologie est similaire. Toutes sont reliées à l’IA de Watson, qui parcourt au peigne fin tweets, images, hashtags spécifiques, phrases, messages, en provenance d’une zone géographique donnée et de sujets ciblés.

À l’aide d’algorithmes, les informations recensées permettent d’évaluer l’humeur de ce tourbillon continu d’échanges numériques. Une “humeur”, traduite en chiffre positif ou négatif, devient une sorte de mètre du sentiment. L’application consomme ainsi des téraoctets de données chaque semaine.

Ses résultats peuvent encore être affinés, admet The Jester, “c’est un work in progress”. Une amélioration à laquelle il est permis de croire : les compétences informatiques du hacker sont techniquement illégales, rappelle CNN, mais les autorités ont largement fermé les yeux sur ses activités. De nombreux responsables de la loi et du renseignement l’auraient même appelé pour le féliciter pour cet outil à la pointe de la technologie, devenu une immense salle de contrôle en ligne.

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