Partager la publication "Avec le retrofit, transformez votre voiture vintage en véhicule électrique"
Cet article a été publié dans WE DEMAIN n°29. Un numéro toujours disponible sur notre boutique en ligne
Mise à jour du 18/09/2020 : un arrêté publié au journal officiel le 13 mars 2020, fournit un nouveau cadre législatif au retrofit. L’accord du constructeur n’est plus nécessaire pour la conversion électrique des véhicules de plus de cinq ans.
Pas de bruit, pas de vibration : je file comme le vent sur les petites routes du Val-de-Marne. Mon véhicule est on ne peut plus banal : un fourgon Renault Master qui a quelques années et se fond dans le paysage. La conduite est aisée : pédalier habituel, levier de vitesse classique, et je n’ai eu besoin d’aucun apprentissage spécifique. Je note cependant la puissance du couple moteur et l’absence de fumée noire à l’échappement. C’est tout à fait normal : le gros moteur diesel a été déposé et remplacé par la batterie et le propulseur électriques d’une Renault Zoe. On appelle cette opération le rétrofit.
Ce pur exemple d’économie circulaire (équiper un véhicule existant d’une propulsion nouvelle et non polluante) est pour l’instant difficile à mettre en oeuvre en France, du fait la sévère réglementation encadrant les véhicules modifiés sans accord du constructeur. Mais la voie est désormais libre pour un assouplissement de la législation au premier trimestre 2020.
Pour le moment, c’est avant tout le coût et la complexité de la procédure d’homologation qui sont prohibitifs : la loi considère que le constructeur initial est le garant de la bonne conformité et de la sécurité de chaque véhicule qu’il a produit. Toute modification sur des parties essentielles, comme le moteur, doit recevoir l’aval de techniciens.
Si l’on veut “rétrofiter” une ancienne voiture, il faut donc payer non seulement l’opération elle-même, mais plusieurs centaines d’euros supplémentaires pour obtenir sa certification auprès d’experts agréés. Et cette somme est due pour chaque exemplaire, même si plusieurs véhicules identiques sont concernés ! Compter quelque 15 000 euros en tout, au bas mot.
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Malgré ces obstacles, une filière de conversion vers l’électrique s’est mise en place en France. Une douzaine d’entreprises regroupant des spécialistes de l’auto, mais aussi de la moto, du bateau et du camion se sont regroupées dans une association, l’AIRE (Acteurs de l’industrie du rétrofit électrique), fondée début 2019. Celle-ci a entamé un intense lobbying auprès des pouvoirs publics afin de faire évoluer le dispositif légal.
Un projet d’arrêté facilitant le rétrofit a été déposé auprès de la Commission européenne fin novembre 2019, et l’avis doit être rendu en mars 2020. Un point reste encore en débat : l’État acceptera-t-il de verser aux acheteurs de modèles anciens reconvertis à l’électrique un “bonus écologique” comparable à celui dont on bénéficie pour des voitures électriques neuves (27 % du coût d’acquisition TTC du véhicule) ?
Le coprésident de l’AIRE, Alain Bigoudines, est aussi le cofondateur de l’entreprise Retrofuture avec Marc Tison, qui a longtemps travaillé pour le groupe PSA (Peugeot, Citroën, etc.). Les deux compères proposent à la vente des véhicules déjà rétrofités : de l’Austin Mini à 20 000 euros jusqu’à la Rolls Royce Silver Spur à plus de 60 000 euros, toutes sont converties à l’électrique. Des tarifs proches de ceux du neuf ou de l’occasion récente, qui permettent de retrouver toute la charge sentimentale que portent certains modèles mythiques.
Ancien publicitaire friand de nouvelles tendances, Alain Bigoudines a une vision claire de sa clientèle : “Je vois principalement deux types de personnes intéressées. D’abord le consommateur qui est très content et fier de se payer une Triumph Spitfire cabriolet pour le prix d’une Renault Zoe, et va pouvoir l’utiliser tous les jours. Et aussi l’amateur qui voit dans une Jaguar ou une Porsche rétrofitée le moyen de faire un pied de nez à ceux qui ont des Tesla – ou une des nouvelles voitures électriques ultra-premium qui arrivent sur le marché – et montrer qu’ils ont tout compris.
“La belle nouvelle est que nous sommes sur un ratio de 40 % de femmes. Je pense que le rétrofit sera féminin !”
Alain Bigoudines
Il raconte avoir découvert le phénomène aux États-Unis : “Lorsque j’habitais en Californie, j’ai rêvé d’une voiture ancienne électrique, pour ne plus émettre de pollution en roulant et profiter du meilleur des deux mondes. C’était assez facile, car aux États-Unis, tout est possible. Donc je suis allé voir les pionniers du rétrofit, EV WEST à San Diego, qui en avait déjà fait des dizaines et j’ai eu une Porsche 914 de 1973 transformée à l’électrique J’étais super heureux en la conduisant, et super fier de mon coup.”
L’idée fait par contre hurler les puristes. Lorsque je lui parle d’une Porsche 914 de 1973 électrifiée, Stéphane Guitard s’étrangle au téléphone. Il est le rédacteur en chef de Gazoline, magazine auto qui est la bible des mécaniciens amateurs. “L’excellence du moteur fait partie du prestige des grandes marques. Vous vous imaginez électrifier une Ferrari des années 60 ? Ce serait l’ultime solution si aucune autre énergie n’était disponible. Mais les recherches sur les carburants végétaux avancent et ils sont beaucoup moins polluants.”
Remis de ses émotions, il tempère son propos : “À la limite, cela peut se concevoir pour les voitures populaires de grande diffusion comme la Coccinelle ou l’Austin Mini. On est dans de la communication, on cherche un effet d’image. Les véhicules de loisir comme la 2-CV ou la Méhari ne posent pas non plus de problème. Mais un moteur 6 cylindres en ligne, c’est de la noblesse mécanique à l’état pur. On perd un patrimoine technique.”
Coignères, dans le Val-de-Marne, accueille les ateliers de Carwatt, société elle aussi spécialisée dans le rétrofit. De jeunes opérateurs s’affairent autour d’un Toyota 4×4 Defender au capot démonté.
“Il s’agit d’un prototype”, explique Éric Planchais, le directeur. “Nous ne produisons pas de véhicules électriques. Nous fabriquons juste des kits. Le client les installe chez lui sur son propre parc automobile. Notre métier consiste à concevoir le kit adapté à chaque modèle particulier. Là, nous étudions un kit pour une série de douze Toyota tout-terrain. Ils ont vingt ans d’âge et ils sont destinés à des organisateurs de safari photo au Kenya. Pas de pollution, plus de bruit ; les lions vont apprécier !”
Éric Planchais n’est pas n’importe qui dans le monde de la voiture électrique. Au sein du groupe Bolloré, il a conçu, lancé et exploité le service Autolib de la ville de Paris, qui a pris fin en 2018. Puis il a rejoint son complice Gérard Feldzer, fondateur de Carwatt et coprésident de l’AIRE. “Nous ne faisons pas que de l’automobile, souligne Planchais. Air France est l’un de nos gros clients. Nous adaptons nos kits pour les passerelles de débarquement et pour les pompes des camions ravitailleurs de carburant. Nous avons aussi des projets pour équiper des bateaux.”
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Leur modèle repose sur le recyclage de batteries de Renault Zoe première génération. Leur capacité de charge s’est réduite à 70 % de l’énergie nécessaire pour rouler 100 km. C’est cependant suffisant pour équiper des véhicules qui ont une vocation spécifique. “Nous faisons du sur-mesure. Nous définissons avec le client la puissance optimale pour la distance parcourue quotidiennement. Le circuit du safari est toujours le même. Donc nous savons exactement comment dimensionner la batterie”, explique l’ingénieur.
Les batteries sont composées de modules recevant des cellules dont le nombre permet de moduler la puissance. Il faut 110 kW de cellules de batterie pour égaler la puissance du moteur thermique de 120 CV du Toyota Defender. Mais ce dernier pèse 406 kg, contre seulement 56 kg pour son équivalent électrique. “Nous rachetons des batteries de Renault Zoe pour 4 000 euros la tonne, sachant qu’elles pèsent 500 kg chacune. C’est un parfait exemple d’économie circulaire”, explique Gérard Feldzer.
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Cet ancien pilote de ligne, bien connu des médias pour son expertise aéronautique, s’est emparé du thème de l’éco-mobilité. “Ce n’est pas une lubie d’écolo parisien, dit celui qui vit dans une péniche amarrée au quai des Champs-Élysées. C’est une question d’argent public. Le rétrofit d’un bus avec la réfection de l’intérieur coûte 150 000 euros. L’achat neuf d’un bus électrique chinois se paye 450 000 euros, et 500 000 s’il est européen comme l’italien Iveco. Il n’y a plus d’entretien du moteur, plus de consommation de carburant.
“Il faut sortir de la logique du neuf. La mobilité électrique dans une ville comme Paris crée des emplois locaux et épargne les denier publics. Mais il faut changer les mentalités. En Scandinavie, les réparations auto et le rétrofit sont déductibles des impôts.”
Les acteurs du rétrofit comme Carwatt, Retrofuture et quelques autres ont maintenant le pied au plancher. Dès que la Commission européenne aura validé le projet d’arrêté, ils pourront commencer les livraisons des véhicules déjà lancés en précommande. Nul doute que rouler en voiture ancienne convertie à la propulsion électrique deviendra alors branché.
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