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Barbara Belvisi : “Le BioPod est une solution durable d’agriculture en environnement contrôlé”

Une bulle de nature en circuit fermé. Voilà comment on pourrait résumer le BioPod. Sorte de ferme en environnement contrôlé, ce biodôme permet de cultiver tous types de plantes durablement. Imaginé à l’origine pour un usage dans l’espace et permettre, par exemple, à une vie sur la lune ou une autre planète, le BioPod a été créé par la start-up Interstellar Lab, basée à Paris et Los Angeles. Elle compte 31 personnes, dont un tiers de botanistes et d’agronomes spécialisés dans l’indoor farming et un tiers d’ingénieurs issus de l’aérospatiale et de l’aéronautique.

Barbara Belvisi. Crédit : Thomas Chene.

Fondé par Barbara Belvisi, une Française passionnée de sciences, d’espace et d’intelligence artificielle, Interstellar Lab développe ces modules capables de reproduire n’importe quelles conditions climatiques pour faire pousser 300 espèces de végétaux différents. En parallèle du développement des BioPods sur Terre, la start-up collabore avec la NASA pour inventer des systèmes de culture en orbite basse dès 2025, mais aussi lors de prochaines missions lunaires et martiennes.

WE DEMAIN : Vous commencez la commercialisation du BioPod. Qui sont vos premiers clients ?

Barbara Belvisi : Ce sont principalement de grands acteurs de la cosmétique, de la chimie et de la pharmacie. Nous devrions en installer dix sur les douze prochains mois. Ces entreprises ont besoin d’ingrédients naturels avec une production stable et très spécifique. Ces ingrédients vont ensuite être intégrés dans des parfums, de la lessive, du savon… sous la forme d’extraits naturels. Pour la plupart, ces ingrédients sont des plantes tropicales qui ne sont pas toujours faciles à trouver. Que ce soit parce le pays où la plante pousse connaît des tensions politiques, en raison du changement climatique ou parce que des catastrophes naturelles bouleversent l’approvisionnement.

Vue d’en haut d’un BioPod. Crédit : Interstellar Lab.

Quels types de plantes poussent dans un BioPod ?

Cela peut être de la vanille, du vétiver, du patchouli, de la Pervenche de Madagascar, des orchidées… L’avantage de travailler en BioPod, donc en environnement totalement maîtrisé, c’est qu’on peut maîtriser de nombreux paramètres comme la variation de température, les jeux de lumière et son intensité, l’hygrométrie, etc. Cela permet non seulement d’optimiser la pousse mais aussi, dans certains cas de figure, de faire en sorte qu’elles produisent davantage d’un type de molécules, utiles pour certains parfums par exemple.

Mais nous pouvons aussi faire pousser des fruits et légumes. Cela peut être particulièrement utile dans des environnements hostiles (trop secs, trop chaud…) et pour consommer bien moins d’eau. Notre BioPod est une solution durable d’agriculture en environnement contrôlé.

Pourquoi ne pas gérer vous-mêmes ces cultures puis vendre la production ?

Les entreprises ont besoin cette production au plus près des lieux de fabrication des produits, comme c’est le cas à Grasse pour le parfum ou à Lyon pour la chimie. En effet, l’extraction de la fleur de la plante doit être faite au plus vite et au plus près. Mais nous leur facilitons la tache une fois le BioPod livré. Il s’accompagne d’un abonnement mensuel pour la maintenance. Nous fournissons aussi les semences, les ressources nutritives – tout est bio et sans pesticide – ainsi que le programme pour gérer le BioPod. Il se pilote via une application et va donner toutes les instructions au BioPod pour gérer au mieux la pousse. Selon ce que l’entreprise a besoin, nos chercheurs vont définir les bons paramètres du BioPod. Enfin, une intelligence artificielle surveille tout ça et va intervenir en cas de besoin (manque de CO2, etc.).

Vue arrière d’un BioPod. Crédit : Interstellar Lab.

Concrètement, comment fonctionne un biodôme ?

Les plantes poussent hors sol. Nous avons opté pour l’aéroponie, c’est-à-dire que les racines des plantes sont en suspension dans le vide. Nous pulvérisons dessus, à intervalle régulier, des solutions nutritives. Cela permet d’avoir une pousse bien plus rapide car les racines ont accès à deux éléments majeurs pour leur croissance : l’oxygène et l’humidité. C’est beaucoup plus efficace que l’hydroponie (racines qui trempent dans l’eau) et cela permet de consommer moins d’eau.

En outre, il est plus facile ainsi de mieux gérer la présence de pathogènes et de créer aussi, quand nécessaire, un stress hydrique. Ce dernier permet à la plante de croître encore plus vite. Ainsi, nous avons obtenu la floraison de la vanille en seulement un an contre deux dans la nature.

Le BioPod a besoin d’une maintenance poussée ?

Non, cela reste très limité grâce au programme qui pilote le BioPod et au fait que le biodôme évolue en circuit fermé. Mais il y a trois tanks d’eau donc il faut quand même un minimum d’intervention humaine. Néanmoins, le BioPod est doté d’une micro-usine de traitement de l’eau et d’un système de désinfection par UV. Reste qu’il faut parfois changer les filtres, faire un peu d’élagage sur certaines plantes…

La porte d’entrée à l’avant d’un BioPod. Crédit : Interstellar Lab.

Combien coûte un BioPod ?

Pour le modèle de 55 m2 avec une surface de culture de 110 m2, il faut compter 250 000 euros. Puis l’abonnement de surveillance et d’accompagnement coûte 2000 euros par mois. C’est pourquoi, il s’adresse aux entreprises. Nous avons pensé à le rendre très facile d’installation. Le BioPod s’adapte à tous les terrains grâce à des pieds réglables. En outre, il est gonflable, donc facile à déplacer si besoin.

Nous réfléchissons à des modèles plus petits pour les particuliers (sans doute avec un système de location) et à des modèles beaucoup plus grands. Ils occuperont la surface équivalente à un terrain de tennis et seront dédié la production de nourriture en terrains hostiles.

Vous avez aussi pour projet de mettre au point un BioPod pour des projets spatiaux…

En effet, nous collaborons avec la NASA pour le design d’une station lunaire qui intègrerait notamment des BioPods. Dans cette configuration, avec l’absence de gravité, il sera impossible d’utiliser l’aéroponie car les goutelettes d’eau resteraient en suspension. Nous allons plutôt utiliser de l’hydroponie dans ce cas, en enveloppant les racines dans des sortes d’éponge. Mais le principe restera globalement le même. Le but avec cette expérimentation est de pouvoir nourrir les astronautes et de développer la culture du vivant dans l’espace. Notre premier prototype sera présenté fin 2022 au Kennedy Space Center de la NASA (à Orlando en Floride) dans le cadre du concours Deep Space Food Challenge. Puis au grand public en février 2023.

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