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Bientôt des dents qui repoussent ? La science avance avec pour objectif 2030

La perte dentaire est un problème mondial qui touche des millions de personnes. Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), le défaut de soins bucco-dentaires touche près de la moitié de la population mondiale. Pire, environ 7 % des adultes de 20 ans et plus souffrent d’une édentation complète et ce chiffre grimpe à 23 % pour les personnes âgées de 60 ans et plus. En France, ce chiffre recule à 16 % mais on estime que 80 % de la population adulte est concernée par au moins une carie non traitée (chiffres de la Croix-Rouge française). Surtout, la santé bucco-dentaire est très souvent liée aux inégalités sociales, les plus précaires renonçant souvent à un suivi régulier et à des soins face aux coûts engendrés.

Face à ce défi, des scientifiques japonais, sous la direction du docteur Katsu Takahashi, travaillent sur une innovation révolutionnaire : un médicament capable de régénérer les dents perdues. Actuellement en phase de tests cliniques humains, après des essais cliniques encourageants sur des animaux, ce traitement pourrait être disponible pour le grand public d’ici 2030. Ce développement est le fruit d’années de recherche sur le rôle du gène USAG-1, connu pour limiter la croissance dentaire.

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Comment fonctionne le médicament pour faire repousser les dents ?

Basé sur l’inhibition du gène USAG-1, ce traitement utilise des anticorps pour stimuler la régénération d’une “troisième dentition” (après les dents de lait et celles dites “définitives”). Dans une interview accordée en juin 2023 au quotidien japonais The Mainichi, Katsu Takahashi a expliqué que “les humains possèdent des bourgeons dentaires vestigiaux issus d’un mécanisme évolutif. Ce médicament permettrait de les activer.”

Les essais précliniques sur des animaux, notamment des souris, des chiens et des furets, ont démontré des résultats probants, avec des dents entièrement formées et fonctionnelles. Aucune complication majeure n’a été observée. Depuis le printemps 2024, Comme le rapporte The Mainichi, des essais humains sont menés à l’Hôpital universitaire de Kyoto, impliquant 30 adultes souffrant d’édentation partielle. Si les résultats confirment la sécurité et l’efficacité du médicament, les tests s’étendront aux enfants de 2 à 7 ans atteints d’anodontie, une absence congénitale de dents.

L’objectif ? Une commercialisation dès 2030. “Le rêve de tout dentiste est de pouvoir offrir une solution permanente à la perte dentaire”, a déclaré le chercheur.

Comme on peut le voir sur la photo de droite, la déficience du gène USAG-1 chez les souris provoque l’éruption de dents excédentaires. Crédit : Université de Kyoto/Katsu Takahashi.

La thérapie cellulaire : un autre espoir pour les dents

Les travaux du docteur Katsu Takahashi ne sont pas les seuls sur cette épineuse question. En parallèle, d’autres chercheurs explorent des méthodes basées sur les cellules souches. Ces approches visent à réparer ou régénérer les structures dentaires, y compris l’émail, la pulpe et la racine.

Une étude publiée en 2023 par l’équipe de la Sharad Pawar Dental College and Hospital (Inde) a conclu que “la régénération complète des dents à l’aide de cellules souches est un objectif réaliste”. En août de la même année, des chercheurs de l’Université de Washington ont franchi une étape importante en utilisant des organoïdes dérivés de cellules souches pour recréer de l’émail, la couche extérieure des dents.

Selon Hannele Ruohola-Baker, professeur de biochimie impliquée dans cette étude, “cette avancée pourrait marquer le début du ‘siècle des plombages vivants’ et de la dentisterie régénérative.”

Cependant, des défis éthiques et techniques subsistent. L’utilisation de cellules souches embryonnaires, en particulier, suscite des débats. Le Dr David Obree, expert en bioéthique à l’Université d’Édimbourg, souligne auprès du site spécialisé Dentistry.co.uk : “La source des cellules et le coût du traitement seront cruciaux pour déterminer si cette technologie est accessible à tous ou réservée à une élite.” Reste donc encore et toujours la question de l’inclusivité pour ce type de traitement bucco-dentaire.

L’émail artificiel : une solution intermédiaire

Dans l’attente de pouvoir régénérer des dents entières, la science avance également sur la réparation ciblée des dents endommagées. Une étude menée en 2019 par des chercheurs de l’Université de médecine de Zhejiang (Chine) a mis au point un gel capable de recréer une couche d’émail en seulement 48 heures.

Ce gel combine des ions calcium et phosphate pour former un émail ayant des propriétés similaires à celles d’une dent naturelle. Le Dr Zhaoming Liu, co-auteur de cette étude, a déclaré : “Nous espérons réaliser une régénération de l’émail sans avoir recours à des matériaux de remplissage artificiels.”

Cette technique, peu coûteuse et facilement industrialisable, pourrait offrir une solution temporaire pour les caries ou les érosions dentaires en attendant des avancées sur la régénération complète des dents. Il suffirait de deux gouttes de ce gel pour réparer une dent.

Deux gouttes pour un émail réparé ? C’est une solution prometteuse actuellement à l’étude en Chine. Crédit : Zhejiang University.

De nouvelles dents, c’est pour bientôt ?

Ces différentes solutions paraissent très prometteuses. Mais se pose toujours la question de la mise sur le marché et des prix de ces innovations. Nous proposera-t-on ces options bientôt chez le dentiste ? Il faudra patienter encore quelques années… au moins. Si la médecine régénérative appliquée aux dents suscite beaucoup d’espoir, elle n’est pas exempte de limites. Par exemple, le traitement japonais basé sur l’inhibition de l’USAG-1 a, pour l’instant, été testé principalement sur des cas de malformations congénitales. Son efficacité pour les dents perdues en raison de maladies parodontales ou de traumatismes reste encore à démontrer.

Néanmoins, les avancées réalisées par ces équipes japonaises, américaines, indiennes et chinoises ouvrent la voie à des traitements qui semblent révolutionnaires au regard des solutions qui existent à l’heure actuelle. Avec des médicaments potentiellement disponibles dès 2030, l’avenir de la dentisterie pourrait bien être celui des dents naturelles régénérées.

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