Partager la publication "Coastappli, l’appli pour mesurer l’érosion côtière"
Smartphone en main ou yeux rivés sur leur mètre, ils sont une petite dizaine de bénévoles à scruter régulièrement quelques plages de Guissény et Concarneau, sur la côte finistérienne, qui font l’objet d’un suivi participatif pour les chercheurs de l’université de Bretagne Occidentale (UBO). Les données que ces riverains bénévoles et les élèves des écoles participantes recueillent sont ensuite envoyées aux scientifiques via “CoastAppli”, une application mobile créée il y a trois ans spécialement pour collecter ces informations.
“L’idée est venue de Pauline Letortu, enseignante-chercheuse en géographie, qui cherchait à sensibiliser le grand public sur l’érosion littorale et la submersion marine”, retrace Riwalenn Ruault, ingénieure pédagogique à l’UBO, cofondatrice de CoastAppli.
Une application ludique pour une science accessible à tous
En 2021, les deux collègues développent cette application mobile grâce à un prestataire, pour permettre au plus grand nombre de participer à cette démarche scientifique. “L’interface a été pensée pour être la plus ludique possible afin de fidéliser les utilisateurs et fédérer une communauté”, poursuit Riwalenn Ruault. Des badges pour les utilisateurs assidus ont été lancés, qui plaisent beaucoup aux élèves de CM2 et aux collégiens participant au projet.
Les bénévoles, formés en amont par Riwalenn Ruault et Quentin Millière, médiateur scientifique, doivent suivre des protocoles de relevés précis, élaborés par Osirisc (Observatoire intégré des risques côtiers d’érosion et de submersion marine en Bretagne), qui ont été retravaillés pour être accessibles à tous. “On a simplifié le jargon scientifique dans les protocoles. Par exemple, on a traduit le terme ‘stock sédimentaire’ par sable, tout simplement”, sourit Riwalenn Ruault.
Des données précises et précieuses
CoastAppli collecte deux types d’informations. Grâce à des photos d’un même lieu, prises de manière régulière, les chercheurs de l’UBO recueillent des données qualitatives. Ces photos sont ensuite rassemblées dans un gif pour visualiser l’évolution du lieu étudié au fil des mois. En outre, des données quantitatives sont collectées grâce à des mesures de la hauteur du sable à des points précis, puis traduites en graphiques pour dégager des dynamiques saisonnières. À Guinéssy, les relevés mensuels sont transmis par les bénévoles depuis deux ans.
L’exactitude des données collectées est très satisfaisante, selon Quentin Millière. “Leur précision est équivalente à celle des données scientifiques”, assure Riwalenn Ruault. Même s’il faudra encore au moins trois ans de relevés mensuels pour tirer des conclusions sur l’érosion de la côte dans les communes concernées, les informations déjà recueillies pourront être utilisées dans des études scientifiques sur les effets des aléas côtiers.

Les sciences participatives, un levier pour surveiller l’érosion
“L’intérêt des sciences participatives, c’est qu’elles permettent à la fois de collecter des données sur des plages que les scientifiques ne suivent pas encore, et de sensibiliser les citoyens aux enjeux de l’érosion littorale, explique Quentin Millière, qui encadre les bénévoles. C’est en participant qu’on apprend et c’est moins anxiogène. Les bénévoles sont des locaux. Pour eux, c’est satisfaisant de voir qu’ils peuvent recenser l’évolution du littoral.” Déjà utilisées pour le comptage de la faune ou le répertoriage de la flore dans certaines régions, les sciences participatives se sont beaucoup développées ces dix dernières années.
En 2021, 121 000 Français y participaient via des applications mobiles, selon le Labo Société Numérique. “Si elles concernent beaucoup la biologie, les sciences participatives sont encore peu utilisées dans le domaine de la géographie. Pourtant, les données collectées par nos bénévoles pourront servir à définir des politiques de gestion des ter- ritoires concernés à l’avenir”, précise Riwalenn Ruault.
Après Guinéssy et Concarneau, d’autres communes littorales bretonnes ont contacté la petite équipe de l’UBO pour développer le projet et l’appli sur leur territoire. Mais Riwalenn Ruault et Quentin Millière insistent : ils ne mettront le dispositif en place que dans des communes où il est possible de travailler conjointement avec la municipalité, les écoles et les citoyens.
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