Congés illimités en entreprise : vrai ou fausse bonne idée ?

Pouvoir partir en vacances quand vous voulez, pour aussi longtemps que vous le voulez… le paradis ? Né aux États-Unis, dans plusieurs entreprises de la Silicon Valley, le concept de congés illimités commence à s’importer en France.

Chez Indeed, une plateforme internationale de recherche d’emploi, tous les salariés, y compris les salariés français, profitent depuis 2016 de vacances illimitées, et ce quel que soit leur niveau hiérarchique. L’entreprise leur garantit le socle minimum légal de 5 semaines de congés payés, auquel vient se greffer autant de journées supplémentaires qu’ils le désirent.

Selon Agnès Gicquel, directrice de la communication d’Indeed France, ce système va de pair avec une changement profond des codes d’entreprise, en incluant par exemple le télétravail. Le salarié, plus libre, doit pouvoir organiser ses tâches en totale autonomie.
 

Je suis maître de ce que je fais. Si un jour je préfère rester chez moi pour rédiger, plutôt que de rester dans l’open-space, c’est possible. Le travail doit être une activité que j’exerce, pas un endroit où je me rends.

Maîtres-mot : flexibilité et organisation

Grâce aux congés illimitées, Agnès Gicquel explique avoir “arrêté de courir”. Fini les retours de week-end dans les embouteillages le dimanche soir, ou les casse-têtes pendant les vacances scolaires pour faire garder les enfants. Mais attention, insiste-t-elle, flexibilité ne rime pas pour autant avec anarchie.

Hors de question, par exemple, d’arriver au bureau un beau matin en annonçant prendre six mois de vacances. Les salariés en congés illimités doivent composer avec leur équipe, et adapter leur volume de travail – qui lui ne varie pas –  en fonction de leurs absences.

J’essaye de me poser au maximum la question de comment mes temps pauses vont déranger, ou non, mes collègues dans l’avancement de leur boulot”, explique à We Demain Jérémy, responsable des opérations chez Yes We Dev, à Rennes, une entreprise qui elle aussi a adopté cette pratique.
 

Si j’ai besoin de prendre une journée, cela ne pose aucun problème. En revanche, si on envisage de prendre deux ou trois semaines de vacances, il faut anticiper au moins un mois à l’avance et prévenir ses collègues. Sinon, cela peut s’avérer gênant pour le développement d’un projet.

La startup bretonne, créée en 2014, n’impose aucun horaire journalier ni date de vacances à ses employés. Lorsque Jérémy réfléchit à rejoindre l’équipe, la perspective de congés illimités fait pencher la balance. Il reconnaît aujourd’hui que cette flexibilité représente un vrai confort de travail… au point qu’un poste mieux payé, mais sans ces avantages, ne le déciderait pas à changer d’entreprise. 

Même état d’esprit chez Agnès Gicquel : “Si vous me proposez retourner dans une entreprise ‘normale’, je me poserai la question à deux fois !

Plus ou moins de vacances qu’un salarié ordinaire ?

En donnant toute latitude à leur salariés sur la question des congés, ces entreprises font un pas vers une plus grande autonomie, et plus de responsabilisation chez ses salariés. Mais cela fonctionne-t-il sur le long terme ?
 

À lire aussi : Nicolas Bouzou: “Un bon travailleur a besoin d’autonomie pas d’une pointeuse”

En 3 ans de travail chez Yes We Dev, je n’ai vu personne abuser du système”, témoigne Jérémy. Comme le souligne un article du Guardian, la crainte de voir un salarié prendre du bon temps 6 mois sur 12 n’est qu’un mythe. Ceux qui bénéficient de congés illimités ont même plutôt tendance à prendre autant, voire moins de jours de vacances que dans des entreprises traditionnelles.
 

“Les salariés s’interdisent plus facilement de partir s’ils savent que cela va poser problème pour l’équipe.”

L’explication ? Les entreprises qui proposent des congés illimités sont souvent celles qui exigent la plus forte implication de la part de leurs salariés. Résultat, poursuit l’article, “les employés se sentent coupables de prendre des congés, en particulier si cela renvoie à leur patron et leurs collègues l’idée qu’ils ne sont pas impliqués à 100 %”.

Ce constat ne surprend pas Jérémy, bien au contraire : “Les salariés s’interdisent plus facilement de partir s’ils savent que cela va poser problème pour l’équipe. Ils ont envie de bien faire.” Lui-même ne prend pas beaucoup plus de vacances que dans sa précédente entreprise : entre 6 et 8 semaines par an (RTT comprises). Un chiffre supérieur à la moyenne des Français, qui se situe autour de 33 jours (environ 5 semaines, RRT comprises) par an, mais loin d’être excessif.

Reste que si certains salariés s’épanouissent dans un environnement flexible, d’autres peuvent être rebutés par le système. “C’est un changement total d’état d’esprit, qui peut mettre mal à l’aise certaines personnes, reconnaît Agnès Gicquel, certains vont se sentir abandonnés, pas assez cadrés, ou auront besoin de proximité physique avec leurs collègues pour fonctionner. Les congés illimités sont une culture d’entreprise comme une autre.

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