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Abstention record : “Créons une banque de l’innovation politique”

“Faillite démocratique”, “séisme”, “gifle politique”… L’abstention record au premier tour des élections régionales et départementales fragilise un peu plus nos institutions. Plus de 66 % des Français ont boudé le scrutin du 20 juin 2021. Un score qui monte à 87 % chez les 18-24 ans ! Du jamais vu pour une élection sous la Ve République. 

Comment en est-on arrivés là ? Et quelles solutions pour renouer le lien entre citoyens et démocratie ? Nous avons posé ces questions à Armel Le Coz, cofondateur de Démocratie Ouverte, un collectif qui milite pour la modernisation des institutions et davantage de participation citoyenne. 

  • WE DEMAIN. Quelles leçons tirez-vous de cette élection ?

Armel Le Coz. C’est un révélateur alarmant du fossé qui se creuse entre les Français et leurs représentants. Résultat, on a des élus de plus en plus mal élus. Nous avons fait ce calcul : sur le nombre de personnes en âge de voter, si on enlève les non-inscrits sur les listes et les abstentionnistes, les présidents de région sont élus par 6 à 13 % de la population ! On est très loin d’un système représentatif basé sur la majorité. Du coup, la légitimité des élus peut être facilement remise en cause…

“Contre l’abstention, plus de participation entre les élections”

  • Quelle est la cause principale de cette abstention ?

Il y en a plusieurs. D’abord, il y a une forte défiance envers le personnel politique, envers les institutions. Mais aussi un facteur peu présent dans les médias et pourtant très important : le mode de scrutin. Le fait de devoir choisir un seul candidat ou liste plutôt que de toutes les évaluer pousse les partis politiques à être dans des postures de concurrence artificielle. Et cela peut susciter du dégoût, de la défiance, ou alors des votes utiles.

Nous proposons donc d’instaurer un vote au “jugement majoritaire”, qui permet de s’exprimer sur tous les candidats, en leur attribuant des appréciations. “Celui là, il correspond un peu, tout à fait ou pas du tout à mes attentes”. Ceux qui ressortent au final font plus l’unanimité, sont moins clivants. Exemple : peut-être que 40 % de personnes votent Laurent Wauquiez, mais 60 % sont à fond contre lui. On ne le sait pas. 

  • Il semble aussi qu’il y ait un manque d’information, et un fort désintérêt pour les élections. Voire un certain individualisme. Comment y remédier ?

Aujourd’hui, tout se concentre au moment des élections. Or, à ce moment-là, on ne voit pas les effets de son vote. On peut donc se dire “cela ne changera rien”. Pour comprendre l’impact du vote, il faut être au contact au quotidien avec les institutions, la politique publique. C’est pour cela que l’on milite pour une démocratie bien plus permanente et ouverte, avec plus de participation citoyenne entre les élections. On l’observe sur le terrain : plus on participe autrement que par le vote, plus on va voter. C’est essentiel. Je mettrais ma main à couper que les 150 citoyens de la Convention climat sont allés voter en grande majorité. 

Aujourd’hui, on fait le constat d’un système qui dysfonctionne, mais on ne consacre pas ou très peu d’énergie et d’argent public à repenser ce système. Si une entreprise ne met pas 1 %, voire beaucoup plus de son chiffre d’affaires dans la recherche et développement, elle finit par être obsolète. C’est un peu pareil en politique.

Il faudrait donc créer une “banque de l’innovation démocratique”, avec un budget compris entre 1 et 5 % du fonctionnement de la démocratie représentative – c’est à dire du fonctionnement de l’État, de l’Assemblée nationale, des campagnes électorales… De quoi financer des initiatives dans les collectivités, de nouveaux outils, des nouveaux modes de scrutin. Le taux d’abstention indiquant si on va plutôt vers 1 ou 5 %.

“Renforcer le pouvoir des conventions citoyennes”

À lire aussi : Palmarès de la transition écologique des régions : où se situe la vôtre ?

  • Vous militez aussi pour davantage de conventions citoyennes. Comment éviter l’écueil de la Convention pour le climat, qui a plutôt bien fonctionné mais dont les propositions ont été en bonne partie écartées ?

En effet, la Convention citoyenne n’a pas été acceptée par les lobbies et la démocratie représentative. Nous proposons donc que ces conventions citoyennes aient le pouvoir de déclencher, selon leur choix, soit une proposition de loi qu’elles rédigent et qu’elles soumettent à l’Assemblée et au Sénat. Soit qu’elles puissent avoir le pouvoir de déclencher directement un référendum. Une initiative qui serait assez proche du référendum d’initiative citoyenne proposé par les Gilets jaunes. 

  • L’abstention a été très forte chez les jeunes. Comment les former davantage à la démocratie ?

L’éducation est un point essentiel. Aujourd’hui, à l’école, on apprend plus à être en compétition qu’à coopérer. À ne pas remettre en cause le système. On ne nous demande pas ce que l’on souhaite améliorer. On s’habitue à déléguer. Il faudrait repenser son fonctionnement pour que les élèves se posent des questions sur leur propre rapport au pouvoir, sur ce que les autres peuvent faire, etc. Nous préconisons donc la construction d’un parcours citoyen. C’est à dire que le citoyen puisse, à plusieurs moments de son existence, être en contact avec les questions d’intérêt général. 

Il pourrait par exemple y avoir des tuteurs citoyens tirés au sort parmi des personnes engagées dans des associations qui accompagnent sur le chemin de l’engagement.

Autre proposition : pouvoir choisir le jour de sa majorité, entre 15 et 25 ans, en fonction du moment où l’on se sent prêt, avec les devoirs et les droits qui vont avec. De quoi créer une citoyenneté non pas subie mais choisie. 

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