Partager la publication "“Créer un transhumanisme de gauche pour une humanité augmentée”"
Cette campagne de communication survient alors que la loi bioéthique, adoptée à l’Assemblée nationale le 15 octobre, doit être examinée par les sénateurs en janvier. L’AFT est hostile au texte et le fait savoir. Elle lui reproche notamment de ne pas autoriser certains dépistages génétiques comme celui de la mucoviscidose, et d’interdire les séquençages ADN hors raisons thérapeutiques.
Avec ces slogans chocs sur Facebook, l’association compte surtout peser sur le débat et attirer l’attention sur une cause qui lui est chère, le vieillissement, qu’elle considère comme “une maladie”.
Leur constat est le suivant : Avec une espérance de vie de 78,4 ans pour les hommes et de 84,8 ans pour les femmes, la France comptera quelque 20 millions de personnes âgées en 2030. Or bien souvent, la longévité s’accompagne de maladies comme Alzheimer ou Parkinson, qui causent des pertes d’intégrité physique et mentale. Pour traiter le problème à la base et lutter contre le vieillissement des cellules, des travaux sont en cours de développement et l’AFT les soutient.
Terence Ericson, neuro-scientifique à l’Institut Pasteur, est membre de cette association, qui fédère des scientifiques et d’autres acteurs aux profils divers (juriste, informaticien, historien…). Pour We Demain, il détaille la démarche de l’AFT, ses objectifs, et explique en quoi les transhumanistes français se distinguent de leurs homologues américains.
Terence Ericson : L’objectif initial est d’axer le débat sur le techno-progressisme, un concept développé par le bioéthicien américain James Hughes. Sa volonté est de créer un transhumanisme de gauche avec des idées sociales et démocratiques. Si je devais résumer, c’est passer d’humain augmenté à humanité augmentée.
Nous voulons nous détacher des transhumanistes anglo-saxons, qui cherchent à rendre l’humain plus fort ou plus beau. Cette vision n’est pas très altruiste ni philanthropique. Il y a un problème d’échelle aussi. Quand on parle de Facebook qui veut lancer une interface homme-cerveau, comment pourrions-nous réguler ça à l’AFT ? Par contre, notre association a un vrai rôle à jouer dans la recherche en biotechnologie. On pense vraiment qu’il y a plusieurs transhumanismes possibles.
Je défends le transhumanisme à travers mon travail de neuro-scientifique. Au quotidien, je reproduis sur des puces en silicone ou en collagène le même micro-environnement que l’organe d’un patient. Le but est de tester de véritables maladies sur ces puces. Cela permettrait de stopper les expérimentations animales dans les domaines de la recherche, ce qui est vraiment une démarche progressiste de la science.
À moyen terme, effectuer nos recherches sur les puces pourraient réduire le coût et le temps que l’on met à développer des médicaments. À plus long terme, si on arrive à recréer un organe sur une puce, on peut imaginer la réintégrer dans notre corps. Si vous devenez paraplégique, au lieu d’avoir une prothèse ou un exosquelette, on pourrait vous soigner biologiquement en réparant vos nerfs lésés.
En fait, on pense que la perte d’intégrité physique et morale est le deuxième défi sociétal après la pauvreté. Nous voulons donner le choix à chacun de vivre la vie qu’il souhaite, aussi longtemps qu’il souhaite. On veut se détacher de l’immortalité et mettre l’accent sur le progrès social.
Le but est que le vieillissement soit reconnu comme une maladie et qu’il soit une priorité pour la recherche scientifique. Notre association cherche à former un lobby citoyen avec des chercheurs de l’Institut Pasteur. Nous avons déjà rencontrés certains députés. On soutient aussi le plan Extensanté pour la création d’un Institut National du Vieillissement, en essayant de trouver des fonds pour les redistribuer à des scientifiques.
La loi bioéthique prend beaucoup de notre temps car nous faisons partie de l’ARRIGE (Association for Responsible Research and Innovation in Genome Editing), un comité d’experts international qui réfléchit à l’éthique des recherches en génétique. Cela permet de prendre part à des discussions sur les nouvelles technologies et de parler à d’autres spécialistes. C’est important pour nous d’être dans ce consortium car il est consulté par les gouvernements.
On s’intéresse aussi à la loi autonomie d’Agnès Buzyn qui est centrée sur l’accompagnement des personnes vers la fin de vie. Ce texte se concentre beaucoup sur les conséquences du vieillissement et non sur les causes. Or, il est nécessaire de développer les recherches en biotechnologie pour prévenir des pathologies. Comme dit l’adage, mieux vaut prévenir que guérir.
La science a décrit neuf causes de vieillissement dont les habitudes alimentaires ou la taille des télomères qui sont la protection de l’ADN. Mais quand on s’occupe d’un seul facteur, tous les autres continuent à dépérir. En gros, on peut réparer notre ADN mais notre coeur vieillit toujours.
Le défi est d’avoir une approche plus globale en regardant toutes les fonctions de l’organisme en même temps. Pour cela, on croit beaucoup à l’épigénétique, qui est l’étude des changements d’activité des gènes sans la modification de ces derniers. C’est aussi un des neuf marqueurs du vieillissement. Réparer l’horloge épigénétique peut avoir des conséquences sur tous les autres marqueurs. On en est encore aux prémices donc on valorise toutes les recherches autour de l’épigénétique.
Quand on en vient à l’humain, il y a une énorme barrière due à l’éthique. Les informations génétiques d’un patient ne leurs appartiennent pas, c’est ce qui est inscrit dans la loi bioéthique. On ne veut pas que le texte régule la biotechnologie qui est tout sauf universelle, constante et figée.
Notre plus grand projet est le sommet de l’humanité Tomorrow for Good qui doit être organisé à Paris en 2020. L’idée est de redistribuer les richesses différemment, en trouvant des gens qui ont de l’argent pour les associer à ceux qui ont des idées. L’objectif est de créer une ONG dédiée à la longévité et l’humanité augmentée.
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