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Des satellites pour traquer les fuites de méthane

Le CO₂ n’est pas le seul gaz responsable du réchauffement climatique. Les émissions de méthane (CH4) sont aussi au banc des accusés, comme l’explique notamment le GIEC dans son dernier rapport. Le pouvoir de réchauffement du CH4 est gigantesque : 84 fois supérieur à celui du CO₂ sur une période de vingt ans. Mais cette influence sur l’atmosphère s’atténue plus vite avec le temps que celle du CO₂. 

Limiter les émissions de méthane s’avère donc très efficace pour lutter contre le réchauffement. Mais d’où viennent ces émissions de méthane ? On en a évalué les grandes masses. Plus de la moitié sont d’origine humaine et attribuées à trois secteurs, nous apprend un récent rapport du programme des Nations unies pour l’environnement (UNEP) : 35 % proviennent des énergies fossiles, 20 % des déchets et 40 % de l’agriculture (dont 32 % de l’élevage et 8 % de la culture du riz). 

Plus gros potentiel de réduction dans les énergies fossiles

Pour les éviter, on peut donc améliorer le traitement des déchets et en réduire le volume, manger moins de viande et modifier les méthodes d’élevage. Il y a aussi beaucoup à faire dans le secteur des énergies fossiles : réparer les fuites sur les pipelines, stopper les rejets sur les plateformes de forage…

Et selon l’UNEP, “le secteur des énergies fossiles a le plus grand potentiel de réduction d’ici à 2030” et ce à moindre coût. Mais pour empêcher les fuites de méthanes dans l’atmosphère, encore faut-il savoir précisément où elles se trouvent. Et c’est là que les satellites entrent en jeu.

Depuis quelques années, on compte sur eux pour traquer le CH4. L’entreprise canadienne GHGSat a lancé des satellites mesureur de méthane en 2016, en 2020 et en 2021. C’est avec elle que Total, notamment, travaille depuis 2018 pour détecter ses émissions. En 2022, MethaneSAT, consortium reliant les États-Unis et la Nouvelle-Zélande, lancera un appareil. Il se concentrera sur les petites sources d’émissions, qui pourraient bien, une fois cumulées, peser très lourd.

Il y a aussi Carbon Mapper, un partenariat public-privé aux États-Unis, qui promet de lancer deux satellites en 2023, capables de prendre des mesures d’une précision jusque-là inédite. Et l’agence spaciale européenne (ESA) a lancé en 2017 Sentinel-5P (ou Sentinel-5 Precursor), dont les données sont utilisées par la société française Kayrros. 

À lire aussi : Capter le CO₂ dans l’air : solution au réchauffement ?

Une carte des principales fuites de méthane

ESA et Kayrros proposent même une carte des principales fuites, celles à grand volume. Ils en ont compté une centaine à travers le monde, qui émettent au total 20 mégatonnes en un an : l’équivalent, en matière de réchauffement, des émissions de CO₂ cumulées de l’Allemagne et de la France. La moitié de ces fuites est attribuable aux secteurs du gaz, du pétrole et du charbon.

Une zone en particulier pèse lourd dans ce bilan. Entre 2019 et 2020, Kayrros a mesuré et analysé les émissions de méthane du bassin minier de Bowen sur la côte est de l’Australie. Cette zone est la principale exportatrice mondiale de charbon destiné à la métallurgie : 1,6 million de tonnes de méthane s’en dégagent chaque année. Et tout ce CH4 a le même impact sur le climat que les émissions de CO₂ d’un pays européen de taille moyenne.

“Ces données vont remplacer des hypothèses non testées sur l’intensité du méthane émis, espère Josef Aschbacher, directeur des programmes d’observation de la Terre de l’ESA. Elles vont améliorer la précision des inventaires annuels de gaz à effet de serre. Pour les gouvernements et les régulateurs, cette technologie va faciliter la prise de décisions sur les politiques énergétiques.”

L’objectif de l’ESA et de Kayrros est par ailleurs d’inciter les industries pétrolière et gazière à passer à l’acte pour limiter leurs émissions. Des mesures précises pour une action ciblée contre le réchauffement en somme.

Une mise sur orbite pour traquer les fuites de méthane, qui vaut sans doute bien quelques émissions de carbone.

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