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Du beurre de carbone ? La recette, presque magique, de Savor

C’est du beurre sans en être. C’est du gras, disons. Fondée aux États-Unis, à San José (Californie) en 2022, la start-up Savor a développé un processus innovant pour créer des graisses alimentaires à partir de carbone recyclé. Triple objectif : limiter l’usage de terres agricoles, diminuer l’exploitation animale et réduire la consommation d’eau. Une nécessité quand on sait que, selon l’Organisation des nations unies pour l’alimentation et l’agriculture, le bétail seul est déjà responsable d’un peu plus de 14 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre. La production de graisses pèserait, elle, pour 7 % des émissions… Or, l’originalité de la chose est que ce « beurre » synthétique, fabriqué en laboratoire, aide aussi à décarboner la planète.

Le procédé de Savor consiste à capturer du carbone, comme le CO2 présent dans l’air, et à le combiner avec de l’hydrogène en utilisant de la chaleur pour former des chaînes moléculaires. Ensuite, de l’oxygène de l’air est ajouté pour créer des graisses et des huiles industrielles. Cette méthode, dont le détail précis reste secret, s’appuie sur des procédés chimiques déjà disponibles à grande échelle, rendant le tout plus économique et écologique car l’impact environnemental est minimal. Le produit créé par Savor fait aussi mieux que les graisses végétales, dont la majorité est composée d’huile de palme et donc contribue à la déforestation.

À lire aussi : Créer une basket à partir d’émissions carbone ? C’est l’innovation du suisse « On »

Graisse synthétique : une affaire de goût

Outre le procédé de fabrication, la deuxième question que tout le monde se pose est le goût. Savor a fait en sorte d’imiter de manière fidèle celui des graisses animales traditionnelles. Selon la start-up américaine, ce « beurre de carbone » a l’apparence, la texture et le goût du vrai beurre. L’objectif est de reproduire les qualités organoleptiques (ce que nos cinq sens perçoivent) des graisses d’origine animale. Le tout, sans recourir aux méthodes agricoles classiques, offrant ainsi une alternative plus durable sans compromis sur le plaisir gustatif.

« Nous envisageons un avenir dans lequel notre technologie offrira une large gamme d’alternatives délicieuses et durables, du lait et de la crème glacée au fromage et même à la viande », explique Henrik Bennetsen, CEO de Savor. L’entreprise étudie activement des partenariats avec les principaux fabricants de produits alimentaires pour commercialiser ces futurs produits. Ces innovations pourraient donc potentiellement transformer l’industrie alimentaire en offrant des options plus durables et respectueuses de l’environnement. Mais reste néanmoins encore la question du coût de ces produits…

Le grand public prêt à consommer du « beurre de carbone » ?

Savor devra convaincre le public que ces graisses synthétiques peuvent non seulement égaler, mais dépasser les produits traditionnels en termes de goût et de texture. « Il est certain que cela répugne certaines personnes de manger des aliments cultivés en laboratoire, admet le CEO de Savor. Mais à mesure que les consommateurs seront mieux informés sur l’impact environnemental des options traditionnelles, nous pensons qu’ils seront prêts à essayer de nouvelles solutions. » La start-up prévoit d’organiser des panels de dégustation pour valider la qualité de ses produits avant leur commercialisation prévue pour 2025. Quelques tests se sont déjà tenus, avec des résultats encourageants, affirme Savor. Selon la firme, les participants étaient incapables de distinguer leur produit d’un beurre classique issu de lait de vache.

La société a d’ores et déjà levé plus de 83 millions de dollars pour commercialiser son beurre synthétique et développer d’autres produits. Elle compte notamment parmi ses investisseurs – et ses fans – Bill Gates, cofondateur de Microsoft. Celui-ci a rapidement expliqué la technologie de Savor dans un post de blog : « Ils ont mis au point une technique qui consiste à prélever du dioxyde de carbone dans l’air et de l’hydrogène dans l’eau, à les chauffer et à les oxyder pour déclencher la séparation des acides gras, puis la formulation des graisses. »

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