En Polynésie, des drones pour protéger le pacifique des pirates des mers

Alexandre Zumbiehl et David Lemaire se sont rencontrés enfants, sur les plages de Tahiti, le terrain de jeux privilégié des bambins polynésiens. Elevé jusqu’à l’âge de 9 ans par sa grand-mère, Alexandre a ensuite rejoint l’Alsace, avant de suivre des études de biologie et d’ingénierie aérospatiale à l’Université de Pomona, sur la côte ouest des États-Unis. Un temps professeur de parapente, il partage cette passion avec son ami David, fils de pilote et super pro des matériaux composites. Tous deux ne cessent de stimuler leur goût d’entreprendre et leur amour pour
la programmation électronique.

Quand, il y a cinq ans, Alexandre Zumbiehl décide de revenir au Fenua pour veiller sur sa grand-mère, non seulement il se marie et a deux enfants, mais il choisit aussi très vite de devenir son propre patron. D’abord préoccupé par l’immobilier, il opte finalement pour l’export des produits de la mer. Avec Tahiti tropical fish, il expédie vers les États-Unis et la France des bénitiers pour les fous d’aquariophilie.

En 2009, avec David, ils se lancent dans la fabrication de drones. A l’époque, pour des raisons foncières, ils recherchent des cartes topographiques aériennes.
 Or les plus récentes datent de 2001 et
 ne rendent pas compte des évolutions récentes du plan d’occupation des 
sols. Résultat, depuis leur garage, ils mettent au point un drone pour la cartographie aérienne qui aujourd’hui œuvre pour l’agence de l’urbanisme.

Depuis, l’idée a mûri. L’un des défis majeurs pour le territoire est de surveiller et protéger ses 5 millions de kilomètres carrés de mer. Comment intercepter un bateau soupçonné de piraterie et détecté par un avion, alors même que la plus proche patrouille se situe à deux jours de navigation ? Seuls des moyens plus légers, plus mobiles peuvent résoudre l’équation.

Un projet convaincant

Tels deux Géo Trouvetou, David et Alexandre commencent alors à dessiner des plans, à concevoir des programmations et à imaginer des drones qui puissent répondre à cette demande. Actuellement, les principaux acteurs du marché sont américains et butent sur deux obstacles majeurs : le poids des drones – 70 kilos en moyenne – et leur prix – plus de 1,5 million de dollars.

A la lecture de leurs travaux, Éric Clua, chargé de mission pour la recherche (DRRT), a immédiatement encourage Alexandre et David à se présenter au concours national des projets émergents pour les entreprises innovantes. Cette compétition permet d’accompagner en France des porteurs de projet, grâce à la Banque publique d’investissement et Oséo. Pari gagné, Alexandre et David ont réussi à convaincre. Résultat, ils ont reçu 45 000 euros pour réaliser leur prototype : un drone de 5 mètres d’envergure, doté d’un moteur thermique, d’une autonomie de douze à vingt-quatre heures, en carbone, qui n’excède pas 20 kilos. Il entre en phase de test avec le Maritime Rescue Coordination Center (MRCC) pour une première mission de reconnaissance dans les eaux territoriales.
Au-delà de la surveillance de la zone économique exclusive de la Polynésie française, Alexandre et David veulent s’attaquer au marché mondial des drones.

Et, d’ores et déjà, des investisseurs américains ont décidé de soutenir les essais sur un drone à longue portée. Avec un prix de vente inférieur à 1 million de dollars, Alexandre et David veulent s’attaquer au marché mondial de la surveillance des zones économiques exclusives (ZEE) comme la Polynésie française.

D’autres applications à terme

Le territoire est très attentif. L’enjeu est de taille. Car au-delà de la protection de la ZEE, la Polynésie française se doit de défendre ses richesses pour mieux les promouvoir. Et de trouver des solutions pour optimiser la gestion du territoire et réduire les distances. Pourquoi ne pas imaginer à terme que ces drones allégés puissent permettre de transporter des aides de premiers secours, tels des médicaments par exemple, ce qui diminuerait grandement le coût des soins en Polynésie française ? Le potentiel est considérable. Certes, ce ne sera pas dans l’immédiat. Mais considérer que cela fait figure de science-fiction est une ineptie.

Qui aurait dit il y a cinq ans que
les grand-mères polynésiennes seraient aujourd’hui les premières utilisatrices de Skype ? La technologie contribue déjà grandement au déploiement du territoire. Nous sommes à l’aube
d’une ère nouvelle.

Article issu du dossier réalisé par We Demain sur la Polynésie Française

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