“Personne n’aurait un chargeur iPhone ?” L’une des questions les plus entendues en open-space pourrait bientôt faire partie du passé.
Le Parlement européen vient en effet de voter fin novembre un “droit à la réparation” des appareils électroniques. La résolution, annoncée en mars dernier par la Commission européenne dans le cadre de son “plan d’action pour l’économie circulaire”, vise à prolonger la durée de vie de nos smartphones, tablettes et ordinateurs en facilitant leur réparation et leur recyclage. Parmi les mesures annoncées : la création de labels écologiques pour ces produits, l’extension des garanties… et la mise en place d’un chargeur universel.
En 2009, alors que la Commission européenne commence à se pencher sur le sujet, il existe alors plus de trente (!) chargeurs différents, variant selon le fabricant et le modèle du téléphone. On n’en compte aujourd’hui plus que trois : l’USB micro-B, utilisé par 50 % des propriétaires d’un téléphone portable, l’USB-C (29 %) et le Lightning d’Apple (21 %).
Outre son inconvénient pour l’utilisateur – qui ne s’est jamais retrouvé coincé hors de chez soi avec une batterie à plat et un chargeur inadapté ? – la multiplication des ports de chargement participe également à la production de déchets électroniques particulièrement difficiles à recycler. Troquer son iPhone contre un smartphone Android nécessite en effet de racheter un chargeur, et ce même si l’ancien est encore fonctionnel.
Interrogé sur le sujet par The Verge en 2018, Steven Yang, directeur d’Anker, entreprise de périphériques électroniques, estimait que les chargeurs représentaient à eux seuls 300 000 tonnes de déchets électroniques par an, sans compter ceux qui dorment au fond de nos tiroirs. Parmi eux, combien sont jetés en raison de ce problème de compatibilité ?
Diviser par 10 le nombre de modèles
À l’heure actuelle, aucune loi n’oblige les fabricants à harmoniser les chargeurs des appareils électroniques. Le sujet intéresse néanmoins l’Union Européenne depuis la fin des années 2000.
En juin 2009, la Commission européenne signe un protocole d’accord avec 14 constructeurs, dont Apple, Huawei, Samsung et Nokia, qui s’engagent à harmoniser les chargeurs de téléphone pour les modèles commercialisés à partir de 2011. L’USB micro-B est retenu comme norme de référence. En 2012, alors que l’accord expire, 90 % des nouveaux téléphones mis sur le marché utilisent ce mode de connexion.
Après ce premier pas, il faut attendre 2018 pour que l’idée d’un chargeur universel revienne dans l’agenda européen. Sept constructeurs, dont Apple, Google et Samsung signent un second accord dans lequel ils annoncent vouloir “passer progressivement à une nouvelle solution de recharge commune pour smartphone basée sur l’USB-C” d’ici 2021. Exit l’USB micro-B choisi lors du premier accord. Selon le texte, une entreprise comme Apple pourrait également continuer de vendre des smartphones avec un port Lightning, dès lors qu’elle fournit un adaptateur Lightning/USB-C avec ses chargeurs.
La réticence d’Apple
Une étude d’impact sur le sujet, menée par Ipsos and Trinomics et publiée en décembre 2019, identifie également le port USB-C comme le meilleur “connecteur commun entre les téléphones mobiles et le dispositif de chargement”, précisant que vendre des adaptateurs avec les chargeurs n’était pas une solution “conforme”.
Nos portables vont-ils tous se convertir à l’USB-C en 2021 ? Le 30 janvier dernier, le Parlement européen adoptait une résolution invitant la Commission européenne à créer “de toute urgence” une norme pour établir un chargeur commun. Une décision pas du goût de la firme à la pomme, qui a réagi en ces termes :
“Nous pensons qu’une réglementation qui impose la conformité à travers le type de connecteur intégré à tous les smartphones étouffe l’innovation au lieu de l’encourager, et nuirait aux consommateurs en Europe et à l’économie dans son ensemble.”
Apple estime à plus d’un milliard le nombre de chargeurs Lightning dans le monde. “La législation aurait un impact négatif direct en perturbant les centaines de millions d’appareils et d’accessoires actifs utilisés par nos clients européens et encore plus de clients Apple dans le monde, créant un volume sans précédent de déchets électroniques et gênant grandement les utilisateurs”, ajoute la multinationale.
Le premier appareil Apple à se doter d’un port USB-C fut le MacBook Retina en 2015. Le format a depuis été ajouté sur tous les ordinateurs commercialisés par la marque, ainsi que l’iPad Pro. Certains produits, comme les AirPods pro ou l’iPhone 11 Pro, sont également vendus avec un câble Lightning vers USB-C. Reste que l’immense majorité de ses smartphones n’acceptent qu’une connexion Lightning.
L’essor du sans-fil
Les constructeurs mettent aussi en avant le développement du chargement sans fil, déjà disponible sur certains smartphones. Plus besoin de câble : il suffit de poser son téléphone sur une borne de recharge pour alimenter sa batterie.
Conscient des avantages de cette technologie, le Parlement a souligné, dans la résolution du 30 janvier, la nécessité “d’éviter la fragmentation dans ce domaine” et d’“assurer au mieux l’interopérabilité des différents chargeurs sans fil avec les différents appareils […] mobiles”. Ni USB-C, ni Lightning, le chargeur universel, s’il arrive un jour, sera peut-être celui qui parvient à se passer du concept même de connecteur…