Partager la publication "Vrai-faux : 10 questions qui fâchent sur les éoliennes"
Et pourtant elles tournent ! En France, plus de 7 400 éoliennes, réparties sur 1 260 sites, produiront cette année près de 30 milliards de kWh, soit la consommation électrique de 10 millions de foyers, hors chauffage. Et d’ici à 2025, la production d’électricité issue du vent devrait doubler, avec le développement des projets éoliens en mer.
Mais un vent de la colère souffle aussi sur le pays. Pas moins d’un millier de procédures ont été engagées par des associations contre des projets éoliens. Le premier motif ? La défense des paysages et du patrimoine architectural ou historique, qui seraient défigurés par des machines de 150 ou 200 mètres de haut. Châteaux du Périgord, village médiéval de l’Aude, cathédrale de Chartres ou cimetières militaires de la Somme… Les recours se multiplient.
Les défenseurs de l’éolien répliquent : les réglementations qui protègent les sites sont plus strictes en France que partout en Europe. Les procédures s’étalent sur sept à huit ans en moyenne, deux fois plus qu’en Allemagne ou en Grande-Bretagne. Et prennent en compte l’environnement, les paysages, l’acoustique ou la biodiversité.
Cet article a été publié en août 2019 dans la revue We Demain n° 27, disponible sur notre boutique en ligne
Elles ont néanmoins été simplifiées en décembre 2018 par un décret qui limite les recours. La Fédération environnement durable (FED) – qui regroupe les anti-éoliens – y voit une régression du droit. Elle évoque également une dévalorisation de 10 à 30 % de l’immobilier situé à proximité d’un parc éolien.
Là encore, les pro-éolien contestent. Ils soulignent que la France n’occupe que le 14e rang en Europe pour la puissance installée par habitant de l’éolien. Très loin de l’Allemagne, l’Espagne ou le Royaume-Uni et des objectifs que le pays s’est fixés pour la transition énergétique.
Bref, en France, l’énergie éolienne soulève autant de questions que de polémiques.
Vraies ou fausses ? WE DEMAIN y répond.
Entre temps calme et tempêtes, l’éolien est intermittent, même s’il est prévisible sur quelques jours. Sur l’année, les éoliennes tournent à plein régime 20 % du temps. Le reste à puissance variable, de jours comme de nuit, avec un taux d’utilisation moyen de 25 à 30 %. Mais l’intermittence est gérable. La multiplication des sources d’électricité renouvelable complémentaires sur de grands territoires (notamment solaires et éoliennes), la bonne gestion des heures de consommation grâce aux réseaux intelligents, l’interconnexion des réseaux européens, et enfin le stockage permettent d’envisager des scénarios de production électrique presque totalement renouvelables.
Depuis un an, 51 GW (gigawatt) de puissance éolienne ont été ajoutés dans le monde, soit la puissance de 51 réacteurs nucléaires, pour atteindre une puissance globale installée de 591 GW. En Europe, en 2018, les énergies renouvelables sont à l’origine de 95 % des nouvelles capacités de production électriques; Dont près de deux tiers pour le seul éolien. Au Danemark, l’éolien fournit 4 1 % de l’électricité; 28 % en Irlande ; 24 % en Espagne ; 2 1 % Allemagne ; 5,5 % en France… Les analystes de Blomberg prévoient qu’en Europe, dans vingt ans, le vent et le soleil fourniront 80 % de l’électricité.
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Aujourd’hui l’État français subventionne l’électricité éolienne à hauteur de 50 %. Soit 40 euros par mégawattheure (MWh), pour combler l’écart entre le prix du marché (environ 40 euros) et le prix de revient du mégawatt éolien. Un chiffre qui prend en compte la construction et l’exploitation des éoliennes (soit en moyenne 80 euros).
Mais ce coût du mégawatt éolien ne cesse de diminuer. Les derniers appels d’offres français se sont faits à 66 euros le MWh. C’est un niveau proche de celui de nos vieilles centrales nucléaires amorties depuis longtemps (62 euros selon un rapport de la Cour des comptes qui intègre le démantèlement des centrales), et il est déjà inférieur au mégawatt thermique – entre 70 et 80 euros – et bien inférieur à celui des futures centrales nucléaires EPR : 110 euros estimés pour Hinkley Point en Grande-Bretagne.
Le ministre de la Transition écologique François de Rugy promet la parité de l’éolien avec le prix du nucléaire ancien dans quelques années et a récemment émis publiquement des doutes sur la compétitivité des EPR. Mais en réalité, cette parité est déjà atteinte ailleurs en Europe. Au Danemark, en Grèce et en Pologne, des appels d’offres se sont conclus à 21,50 euros le MWh. En Arabie saoudite, un appel d’offres éolien a même déjà été conclu à moins de 20 euros le MWh, et cette électricité, la moins chère du monde, sera produite par un consortium mené par EDF Renouvelables.
Un document publié par l’Ademe en 2018, montre que la meilleure équation économique en termes de coût pour le contribuable est atteinte à 85 % d’énergies renouvelables dans le mix électrique en 2050. Et 95 % en 2060.
La Fédération environnement durable a recueilli plus de 500 témoignages de riverains souffrant de différentes nuisances. Le bruit est la première – jusqu’à 35 décibels (dBa). Soit, par dérogation, cinq décibels de plus que le seuil maximal autorisé par le code de santé publique. Un bruit qui provoquerait des troubles du sommeil chez les résidents vivant à moins de 1 500 mètres d’une éolienne. Plus sournois, les infrasons générés par le mouvement des pales. Selon les plaignants, ils seraient à l’origine là aussi de stress, de nausées et de perturbation du sommeil. Autre nuisance, le caractère obsédant de l’effet stroboscopique – le passage de l’ombre des palmes projeté sur un lieu de vie. Ou du clignotement des lumières au sommet des machines.
Un rapport de l’Académie de médecine a, en 2006, déconseillé de construire des éoliennes à moins 1 500 mètres des habitations. Mais une enquête de 2017 de l’Anses (Agence nationale de la sécurité de l’alimentation, de l’environnement et du travail) n’a pas retenu d’effets directs prouvés sur la santé, recommandant seulement des études complémentaires. Reste le ressenti psychologique de certaines personnes, qui assurent souffrir des éoliennes. Avec un sentiment d’encerclement pour les habitations entourées de parcs. C’est le cas par exemple dans la Somme ou l’Aisne.
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Le témoignage le plus troublant est celui de Didier Potiron, éleveur à Nozay, en Loire-Atlantique. Huit éoliennes ont été implantées, avec son accord, sur son exploitation. Des câbles ont été enterrés au-dessus de rivières souterraines, générant des champs électromagnétiques qui seraient, selon lui, responsables de pertes importantes de production de lait. Et de la mort en six ans de 321 bovins et de gros problèmes de santé du couple Potiron. Des troubles du sommeil, douleurs musculaires, et surtout crise d’épilepsie de l’épouse de l’éleveur soignée au centre hospitalier universitaire de Nantes.
Vingt-neuf habitants de la région et trois éleveurs des Côtes d’Armor se sont également plaints des mêmes troubles sur leur santé et celle de leurs animaux. Une dizaine d’experts du Groupe permanent pour la sécurité électrique en milieu agricole (GPSE) jugent la coïncidence avec la mise en service des éoliennes « suffisamment troublante pour justifier des investigations supplémentaires ». Mais une vingtaine d’enquêtes de l’Agence régionale de santé et de l’école vétérinaire de Nantes n’ont pas permis d’établir d’effets « mesurables scientifiquement ».
L’industrie éolienne offshore (en mer) est très consommatrice de ces éléments chimiques stratégiques (et dont l’extraction est extrêmement polluante). Principalement le néodyme nécessaire à la fabrication d’aimants permanent pour les alternateurs et produit à 97 % en Chine. « Pour une puissance d’un MW fournie par le générateur, il faut jusqu’à 600 kg d’aimants contenant 31 % de terres rares. Une éolienne offshore pouvant atteindre 7 MW de puissance nécessite donc à elle seule plus d’une tonne de terres rares », détaille le Bureau des recherches géologiques et minières, dans son dossier Enjeux des géosciences de janvier 2017.
Dix pourcents des éoliennes terrestres en France en utilisent également. Mais la flambée des cours des terres rares et les menaces de blocus sur leurs exportations par la Chine (voir p. 134) ont encouragé les producteurs à développer des technologies alternatives qui permettent de réduire fortement leur utilisation. Le consortium européen Ecoswing a ainsi mis au point des éoliennes qui n’utilisent plus que quelques grammes de terres rares. Elles sont testées depuis avril au Danemark.
Le problème s’est posé avec les premières machines, parfois installées dans des couloirs de migration. Notamment dans les Pyrénées et le département de l’Hérault où de nombreux oiseaux et chauves-souris ont été décimés. Depuis, des études d’impact sont systématiquement réalisées par des associations spécialisées comme la Ligue pour la protection des oiseaux (LPO). Il a parfois suffi de déplacer les implantations prévues de quelques dizaines de mètres ou d’arrêter les éoliennes une ou deux heures par jour pour régler le problème.
Une étude de la LPO de juin 2017 relève que 38 000 prospections ont permis de retrouver 1 102 cadavres d’oiseaux, soit 0,3 à 18 oiseaux tués par éolienne et par an : des chiffres sans comparaison avec la mortalité des oiseaux entrant en collision avec les lignes à haute tension, les façades d’immeubles en verre, les voitures, les avions… ou tués par des chats : 1,4 à 3,7 milliards d’oiseaux par an pour les seuls États-Unis selon une étude de 2012.
À noter que l’association britannique Royal society for the protection of birds a fait ériger deux éoliennes au motif qu’elles sont plus bénéfiques que dangereuses pour les oiseaux par leur participation à la lutte contre le changement climatique.
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Les anti-éoliens s’alarment de « la bombe à retardement » de leur démantèlement. Leur crainte ? Des cimetières d’éoliennes rouillées, comme cela existe déjà aux États-Unis. L’association professionnelle France énergie éolienne conteste, et rappelle que la loi fixe un cadre réglementaire très strict. L’exploitant doit constituer une garantie financière de 50 000 euros pour le démontage de chaque éolienne, au risque de se voir retirer son autorisation. Les « anti » évoquent eux un coût réel de 400 000 euros.
Le cas ne s’est pas encore posé concrètement car les premières éoliennes françaises ont été construites au début des années 2000, avec des contrats de vingt ans. Surtout, l’objectif des opérateurs n’est pas de démanteler les éoliennes. Plutôt de les « repoweriser ». C’est-à-dire de les transformer en machines plus puissantes, plus performantes, plus hautes, avec des pales plus grandes. Leur hauteur totale pourrait passer de 150 à 200 mètres, voire 220 mètres !
Soulignons que 90 % d’une éolienne – l’acier, et le cuivre principalement – sont déjà recyclables. Le béton l’est aussi, mais les anti-éoliens redoutent que la partie la plus profonde du socle – un millier de tonnes sur deux mètres de profondeur – reste enfouie dans le sol. Concernant les pales, des recherches sont engagées pour recourir à de nouveaux matériaux composites.
L’éolien et le solaire constituent le plus grand marché de production électrique du monde (13 300 milliards de dollars d’ici à 2050 selon Bloomberg). Pourtant, en 2014, la branche énergie du français Alstom, qui comportait une division éolienne, est vendue à l’américain General Electric. En 2016, Areva vend lui ses actifs dans l’éolien en mer au géant Siemens-Gamesa pour se recentrer sur le nucléaire. Un marché dix fois moins important. Fin de l’aventure industrielle des éoliennes pour le pays au deuxième plus grand territoire maritime du monde.
Les grandes entreprises qui construisent les machines sont désormais allemandes (Enercon, Nordex, Senvion), germano-espagnole (Siemens-Gamesa), danoises (Vestas, Orsted), americaine (General Electric), chinoises (Goldwind, United Power, Envision), indienne (Suzlon). Mais des sous-traitants français fournissent des composants, comme les turbines du site GE de Saint-Nazaire. Il faut y ajouter toutes les sociétés françaises d’ingénierie, les bureaux d’études, et les opérateurs. Au total 18 000 personnes travaillent en France pour l’éolien, dont 4 000 dans l’industrie. Le potentiel d’emplois est gigantesque ! Au Danemark, l’éolien génère 85 000 emplois directs et indirects pour moins de 6 millions d’habitants.
L’éolien marin français a longtemps été un serpent de mer. Jusqu’au 14 juin 2019, date du lancement d’un premier parc au large de Saint-Nazaire par le ministre de la Transition écologique, après dix ans de recours rejetés par le Conseil d’État. Quatre-vingts éoliennes, situées entre 12 et 20 kilomètres des côtes, produiront, en 2022, 20 % de la consommation électrique de la Loire-Atlantique. Un deuxième appel d’offres pour la construction de 45 éoliennes au large de Dunkerque vient d’être remporté par un consortium franco-germano-canadien emmené par EDF Renouvelables. En 2026, ce parc d’une puissance de 600 mégawatts produira l’équivalent de 40 % de la consommation du département du Nord. Ce, à un prix garanti très compétitif : moins de 50 euros le mégawattheure (MWh).
Le coût, longtemps prohibitif de l’éolien en mer – il tournait il y a quelques années à plus de 180 euros le MWh – a freiné son développement alors qu’il bénéficie de vents plus forts et plus réguliers que le terrestre. La France a pris un retard considérable, avec à ce jour deux petits prototypes affichant une puissance de 2 MW. Contre 8 200 MW déjà installés en mer au Royaume-Uni et 6 400 MW en Allemagne. Mais la nouvelle Programmation pluriannuelle de l’énergie, rehaussée par François de Rugy, prévoit des appels d’offres réguliers de 1 000 MW par an d’ici à 2024 pour l’éolien en me. Avec déjà deux nouveaux appels d’offres à Oléron en Charente-Maritime et dans la Manche.
L’avenir sera aussi dans l’éolien flottant, où cette fois la France a un coup d’avance ! Trois des quatre technologies existantes ont été mises au point par des PME françaises. Le gouvernement compte proposer trois fermes commerciales. Une en Bretagne sud et deux en Méditerranée. En Allemagne et en Hollande, les premiers appels d’offres d’éolien en mer ont été signés en 2017 et 2018 au prix garanti de zéro euro le MWh, autrement dit sans aucune aide publique. Le premier fonctionnera dès 2022.
Et plutôt deux fois qu’une ! Pour la filière professionnelle, à côté du Syndicat des énergies renouvelables, France énergie éolienne regroupe 315 sociétés de toutes tailles, dans toute la France et sur tout le cycle de l’éolien. Du développeur de projets au sous-traitant industriel ou au recyclage. Mais les « anti » pointent surtout le comportement « sans foi ni loi » des promoteurs. Soixante sociétés, souvent étrangères, démarchent directement des propriétaires de terrains, en général des agriculteurs. Elle leur propose en moyenne 8 000 euros de rente annuelle par éolienne. Les voisins ne sont pas toujours avertis, et les réticences des communes cèdent en général avec la perspective d’une redevance avoisinant les 130 000 euros pour un parc de huit éoliennes.
France énergie éolienne dénonce au contraire la guerre d’usure menée par la Fédération environnement durable. Forte de ses 1 100 associations opposées aux éoliennes, elle attaque systématiquement tous les projets pour les ralentir à défaut de pouvoir les arrêter. Car les recours finissent en général par être rejetés.
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