Inventer

Et si l’hypnose en réalité virtuelle remplaçait l’anesthésie ?

Respirez. Vous êtes sur une plage de sable chaud, prêt à plonger vers des fonds marins multicolores. Une musique douce vous accompagne. Une voix rassurante vous aide à vous détendre. L’opération chirurgicale peut commencer. Sans anesthésie. Et sans douleur. Nul besoin, car vous êtes actuellement sous hypnose.

L’hypnosédation, l’anesthésie sous hypnose, n’est pas une technique tout à fait nouvelle. Elle est pratiquée depuis les années 1970 en Suisse, et de plus en plus d’hôpitaux français s’y intéressent. Des Strasbourgeois, présents au CES 2019, le grand rendez-vous annuel de la tech à Las Vegas, cherchent aujourd’hui à étendre son utilisation grâce à la réalité virtuelle. Denis Graaf et Chloé Chauvin, médecins anesthésistes et hypnothérapeutes, à la tête de l’entreprise HypnoVR, proposent des logiciels de réalité virtuelle (VR) qui placent le patient dans un état de conscience modifié.

“Dans un monde parfait, on pourrait fonctionner uniquement avec de l’hypnose médicale conversationnelle. Mais si les formations se développent peu à peu, les praticiens manquent. D’où l’idée de la VR”, explique Thibault Koehl, chargé de communication de la société. Les professionnels sont d’autant plus rares que l’hypnose, à la différence de l’anesthésie classique, demande une présence continue à côté du patient, parfois pendant plus d’une heure.

Réduire les effets secondaires des anesthésies

Avec le casque de VR, le patient peut choisir l’univers visuel et le répertoire de musicothérapie qui l’apaise le plus. Il écoute des textes écrits par des médecins et lus par des comédiens professionnels, d’une durée adaptée à l’intervention. De quoi entrer dans un état de semi conscience. Peu à peu, la perception de la douleur diminue.

C’est ce qu’on montré des études menées pendant près de deux ans au CHU de Strasbourg et à l’Ecole Universitaire de recherche interdisciplinaire sur la douleur. Le procédé a notamment été testé lors de coloscopies, pour de la chirurgie dentaire, des ponctions ovariennes, des poses de cathéters à chambres implantables (pour des patients souvent transfusés et injectés)… Les patients se sont dits satisfaits dans 80 à 95% des cas selon les pathologies.

Diminuer le stress, permet également de remplacer des anesthésies générales par des anesthésies locales sur les patients fragiles, les enfants ou les personnes âgées”, ajoute Thibault Koehl. Selon l’entreprise, un tiers des 12 millions d’anesthésies réalisées tous les ans pourraient potentiellement se faire sous hypnose.

Avec divers bénéfices: le réveil est plus rapide – une demi-heure en ambulatoire contre quatre heures après une anesthésie générale en hôpital. La consommation de sédatifs et de morphiniques baisse. Les effets secondaires (nausées, troubles de la mémoire…) et les complications (risques cardio-vasculaires, allergiques…) dont souffrent un tiers des patients aussi. Au passage, la méthode se révèle aussi économique pour les hôpitaux, en libérant des lits plus vite.

Bien sûr, le patient doit être volontaire, une discussion préalable permet de veiller à ce qu’il soit à l’aise avec ce procédé et qu’il ne souffre pas de claustrophobie. Il peut aussi solliciter les médecins en cours de route si besoin.

Après plusieurs prix et récompenses, l’entreprise qui a été rejointe par un commercial de l’Edhec, a levé 700 000 euros en 2018. Les premiers dispositifs viennent d’être commercialisés, au CHU de Strasbourg et à la faculté de chirurgie dentaire. D’autres hôpitaux sont déjà intéressés. Avec son voyage au CES, l’entreprise espère désormais accélérer son développement et s’ouvrir à l’international.

Une innovation qui témoigne du boom de la e-santé, très présente cette année au CES de Las Vegas.

Recent Posts

  • Découvrir

Tout comprendre au biomimétisme : s’inspirer du vivant pour innover

Le biomimétisme, ou l'art d'innover en s'inspirant du vivant, offre des solutions aussi ingénieuses qu'économes…

8 heures ago
  • Déchiffrer

Christophe Cordonnier (Lagoped) : Coton, polyester… “Il faut accepter que les données scientifiques remettent en question nos certitudes”

Cofondateur de la marque de vêtements techniques Lagoped, Christophe Cordonnier défend l'adoption de l'Éco-Score dans…

1 jour ago
  • Ralentir

Et si on interdisait le Black Friday pour en faire un jour dédié à la réparation ?

Chaque année, comme un rituel bien huilé, le Black Friday déferle dans nos newsletters, les…

1 jour ago
  • Partager

Bluesky : l’ascension fulgurante d’un réseau social qui se veut bienveillant

Fondé par une femme, Jay Graber, le réseau social Bluesky compte plus de 20 millions…

2 jours ago
  • Déchiffrer

COP29 : l’Accord de Paris est en jeu

À la COP29 de Bakou, les pays en développement attendent des engagements financiers à la…

3 jours ago
  • Déchiffrer

Thomas Breuzard (Norsys) : “La nature devient notre actionnaire avec droit de vote au conseil d’administration”

Pourquoi et comment un groupe français de services numériques décide de mettre la nature au…

4 jours ago