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Holacratie : ces Biocoop bretonnes ont abandonné la hiérarchie

Le 16/11/2018 par Alice Pouyat

Ni boss ni fiche de poste. “Chez nous, tout le monde fait la caisse à tour de rôle, et chacun est son propre patron“, explique Hugo Mouraret, salarié de Scarabée Biocoop. Cette coopérative qui regroupe huit magasins et quatre restaurants bio et écologiques, à Rennes, a adopté “l’holacratie” en 2014.

De quoi s’agit-il exactement ? Né dans les années 2000 aux Etats-Unis, dans une entreprise d’informatique, l’holacracy est un modèle d’organisation déposé qui fait disparaître la hiérarchie traditionnelle. Chaque salarié a un rôle assigné, plus souple qu’une fiche de poste, et devient responsable de l’organisation de son travail. Les relations de subordination laissent place à la coopération.

Objectif ? Libérer les talents, apaiser les relations humaines, rendre les entreprises agiles. “Dans le modèle pyramidal, les gens ont l’habitude de moins réfléchir. Et il y a un grand gâchis d’énergie ! Avec l’holacratie au contraire, personne n’est subordonné ; l’entreprise est dirigée par sa raison d’être, non par un hiérarque“, explique Bernard Marie Chiquet, fondateur d’iGi Partners, l’agence qui diffuse cette méthodologie – sous licence –  et qui a accompagné Scarabée Biocoop dans son changement managérial.

L’holacratie ou la fin de la hierarchie dans l’entreprise

Plus concrètement, la gouvernance repose sur des cercles interdépendants et auto-organisés. Le directoire impulse la stratégie générale mais personne n’est censé donner des ordres. Tous les salariés participent à la prise de décision. Les entretiens individuels se font par exemple avec trois personnes choisies, plutôt qu’avec son supérieur, et le salarié doit proposer lui-même un plan d’évolution.

Ce modèle d’organisation permet de développer le potentiel de créativité des individus, et de redonner de la liberté à chacun”, estime Hugo Mouraret, chargé de marketing au sein de la coopérative. Depuis l’adoption du système, il a observé une libération de la parole chez ses collègues : “Ils ont beaucoup moins d’appréhension à s’exprimer, donc les tensions sont traitées plus rapidement, plus facilement, souvent sans que l’intervention d’un tiers soit nécessaire”.
 
Aujourd’hui, le réseau coopératif breton est florissant : depuis l’adoption de l’holacratie, ses effectifs ont bondi de 70 à 250 salariés. Coïncidence ? “Je ne saurais dire si c’est imputable à l’holacratie“, avance, prudent, le chargé de marketing. Il est vrai que d’autres entreprises du secteur, telles que Bio c’est bon, connaissent également un fort développement. Mais cette success story bretonne donne du crédit au système.

Une transformation qui prend du temps

Le modèle tente d’ailleurs d’autres entreprises. En France, l’Atelier du Laser ou Arcadie ont sauté le pas. Mais ce choix n’est pas sans contreparties. Pour Scarabée Biocoop, la prestation d’accompagnement d’iGi Partners s’est facturée 150 000 euros, “ce qui n’est pas rien dans nos coûts d’exploitation“, glisse Hugo Mouraret.
 
Le jeune homme précise qu’il n’accepterait plus de travailler avec une hiérarchie classique. “Sauf si c’est moi le patron, dans ce cas, je choisirais d’instaurer l’holacratie !“, ajoute-t-il dans un sourire. C’est là l’un des paradoxes du système: destiné à mieux partager le pouvoir, sa mise en place et son maintien dépendent… du bon vouloir du chef d’entreprise.
 
Des esprits chagrins noteront aussi que les salaires, eux, restent inégaux… Mais pour Bernard Marie Chiquet, le passage à l’holacratie a tendance à diminuer les écarts de rémunération.
 
Et si ce modèle permet d’interroger les failles du modèle entrepreneurial hiérarchisé, encore dominant, il n’est pas du goût de tous. Chez Zappos, le géant californien de la chaussure, son adoption a entraîné le départ de 14% des effectifs de l’entreprise (plus de deux cents personnes). “Lholacratie est une transformation importante, douloureuse, qui prend du temps. Il faut une bonne raison pour la mener,” prévient Bernard Marie Chiquet.
 

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