Holacratie : ces Biocoop bretonnes ont abandonné la hiérarchie

Ni boss ni fiche de poste. “Chez nous, tout le monde fait la caisse à tour de rôle, et chacun est son propre patron“, explique Hugo Mouraret, salarié de Scarabée Biocoop. Cette coopérative qui regroupe huit magasins et quatre restaurants bio et écologiques, à Rennes, a adopté “l’holacratie” en 2014.

De quoi s’agit-il exactement ? Né dans les années 2000 aux Etats-Unis, dans une entreprise d’informatique, l’holacracy est un modèle d’organisation déposé qui fait disparaître la hiérarchie traditionnelle. Chaque salarié a un rôle assigné, plus souple qu’une fiche de poste, et devient responsable de l’organisation de son travail. Les relations de subordination laissent place à la coopération.

Objectif ? Libérer les talents, apaiser les relations humaines, rendre les entreprises agiles. “Dans le modèle pyramidal, les gens ont l’habitude de moins réfléchir. Et il y a un grand gâchis d’énergie ! Avec l’holacratie au contraire, personne n’est subordonné ; l’entreprise est dirigée par sa raison d’être, non par un hiérarque“, explique Bernard Marie Chiquet, fondateur d’iGi Partners, l’agence qui diffuse cette méthodologie – sous licence –  et qui a accompagné Scarabée Biocoop dans son changement managérial.

L’holacratie ou la fin de la hierarchie dans l’entreprise

Plus concrètement, la gouvernance repose sur des cercles interdépendants et auto-organisés. Le directoire impulse la stratégie générale mais personne n’est censé donner des ordres. Tous les salariés participent à la prise de décision. Les entretiens individuels se font par exemple avec trois personnes choisies, plutôt qu’avec son supérieur, et le salarié doit proposer lui-même un plan d’évolution.

Ce modèle d’organisation permet de développer le potentiel de créativité des individus, et de redonner de la liberté à chacun”, estime Hugo Mouraret, chargé de marketing au sein de la coopérative. Depuis l’adoption du système, il a observé une libération de la parole chez ses collègues : “Ils ont beaucoup moins d’appréhension à s’exprimer, donc les tensions sont traitées plus rapidement, plus facilement, souvent sans que l’intervention d’un tiers soit nécessaire”.
 
Aujourd’hui, le réseau coopératif breton est florissant : depuis l’adoption de l’holacratie, ses effectifs ont bondi de 70 à 250 salariés. Coïncidence ? “Je ne saurais dire si c’est imputable à l’holacratie“, avance, prudent, le chargé de marketing. Il est vrai que d’autres entreprises du secteur, telles que Bio c’est bon, connaissent également un fort développement. Mais cette success story bretonne donne du crédit au système.

Une transformation qui prend du temps

Le modèle tente d’ailleurs d’autres entreprises. En France, l’Atelier du Laser ou Arcadie ont sauté le pas. Mais ce choix n’est pas sans contreparties. Pour Scarabée Biocoop, la prestation d’accompagnement d’iGi Partners s’est facturée 150 000 euros, “ce qui n’est pas rien dans nos coûts d’exploitation“, glisse Hugo Mouraret.
 
Le jeune homme précise qu’il n’accepterait plus de travailler avec une hiérarchie classique. “Sauf si c’est moi le patron, dans ce cas, je choisirais d’instaurer l’holacratie !“, ajoute-t-il dans un sourire. C’est là l’un des paradoxes du système: destiné à mieux partager le pouvoir, sa mise en place et son maintien dépendent… du bon vouloir du chef d’entreprise.
 
Des esprits chagrins noteront aussi que les salaires, eux, restent inégaux… Mais pour Bernard Marie Chiquet, le passage à l’holacratie a tendance à diminuer les écarts de rémunération.
 
Et si ce modèle permet d’interroger les failles du modèle entrepreneurial hiérarchisé, encore dominant, il n’est pas du goût de tous. Chez Zappos, le géant californien de la chaussure, son adoption a entraîné le départ de 14% des effectifs de l’entreprise (plus de deux cents personnes). “Lholacratie est une transformation importante, douloureuse, qui prend du temps. Il faut une bonne raison pour la mener,” prévient Bernard Marie Chiquet.
 

Recent Posts

  • Découvrir

Tout comprendre au biomimétisme : s’inspirer du vivant pour innover

Le biomimétisme, ou l'art d'innover en s'inspirant du vivant, offre des solutions aussi ingénieuses qu'économes…

11 heures ago
  • Déchiffrer

Christophe Cordonnier (Lagoped) : Coton, polyester… “Il faut accepter que les données scientifiques remettent en question nos certitudes”

Cofondateur de la marque de vêtements techniques Lagoped, Christophe Cordonnier défend l'adoption de l'Éco-Score dans…

1 jour ago
  • Ralentir

Et si on interdisait le Black Friday pour en faire un jour dédié à la réparation ?

Chaque année, comme un rituel bien huilé, le Black Friday déferle dans nos newsletters, les…

2 jours ago
  • Partager

Bluesky : l’ascension fulgurante d’un réseau social qui se veut bienveillant

Fondé par une femme, Jay Graber, le réseau social Bluesky compte plus de 20 millions…

2 jours ago
  • Déchiffrer

COP29 : l’Accord de Paris est en jeu

À la COP29 de Bakou, les pays en développement attendent des engagements financiers à la…

3 jours ago
  • Déchiffrer

Thomas Breuzard (Norsys) : “La nature devient notre actionnaire avec droit de vote au conseil d’administration”

Pourquoi et comment un groupe français de services numériques décide de mettre la nature au…

4 jours ago