Partager la publication "L’IA future star de la peinture ? Pas si sûr"
Il y a presque un an, Ai-Da montait sa première exposition solo au St John College d’Oxford. Du 12 juin au 6 juillet 2019, les visiteurs pouvaient admirer librement les dessins, tableaux, sculptures et vidéos réalisés par l’artiste. Une visite somme toute banale… si l’on ignorait ce petit détail : Ai-Da n’est pas humaine, mais une intelligence artificielle humanoïde imaginée par le galeriste anglais Aidan Meller.
Si elle est la première IA à avoir exposé ses oeuvres au grand public, elle n’est en revanche pas la seule à avoir démontré ses talents de peintre. En octobre 2018, le “Portrait d’Edmond de Belamy”, réalisé par un algorithme du collectif français Obvious, créait la sensation chez Christie’s en se vendant 390 000 euros, soit 45 fois son estimation de départ. L’ensemble de l’oeuvre d’Ai-Da a été adjugé, quant à elle, pour plus d’un million d’euros.
De là à proclamer que le Picasso du futur sera une formule mathématique, il reste du chemin à parcourir. Une fois passé l’attrait de la nouveauté, l’intérêt pour ces créations s’est progressivement émoussé. Les deux autres tableaux mis en vente par Obvious en novembre dernier ont ainsi été vendues à des prix bien plus raisonnables que leur prédécesseur.
Surtout, si les toiles conçues par des IA piquent incontestablement la curiosité, le grand public peine encore à les considérer comme de véritables oeuvres d’art. C’est du moins la conclusion d’une étude publiée en avril par l’Institut de Recherche Technologique b<>com.
Anxiété et manque de légitimité
Les 565 participants de l’expérimentation pouvaient admirer un seul et même panel de 40 tableaux, dont certains réalisés par des humains (Monet, Mondrian) et d’autres par des intelligences artificielles. Un premier groupe pensait cependant contempler des travaux entièrement réalisées par une IA, tandis que le second croyait qu’ils avaient été produits par des artistes humains. Résultat : les œuvres présentées comme “humaines” sont estimées comme ayant trois fois plus de valeur que celles présentées comme étant l’oeuvre d’une IA.
“Les personnes testées montrent un fort biais négatif dès qu’elles pensent avoir affaire à de l’intelligence artificielle”, résume Martin Ragot. Comment expliquer une telle différence ? Le premier facteur, d’ordre technique, serait le manque de réalisme des peintures produites par les IA. La plupart des toiles exposées dans le cadre de l’étude datent en effet de 2018, une éternité dans l’univers de l’intelligence artificielle, où les outils se renouvellent sans cesse.
Faire réaliste… mais pas trop
Ceux-ci, davantage que les paysages, compliquent la tâche des algorithmes qui ne parviennent pas à duper notre cerveau. Cela ne surprend pas Martin Ragot. “Les humains sont ‘câblés’ pour reconnaître des visages”, explique-t-il. “Nous parvenons à saisir des nuances très subtiles, d’où notre plus grande sensibilité face à ce type d’images.”
Les dernières IA, assure-t-il, ont entraîné un gain en réalisme incontestable, rendant la discrimination de plus en plus difficile pour l’oeil humain. La difficulté consiste maintenant à ne pas faire trop réaliste, au risque de franchir un seuil que le roboticien japonais Mori Masahiro surnomme “la vallée de l’étrange”. De même qu’un robot humanoïde trop ressemblant suscite un sentiment de malaise, un portrait hyper-réaliste mais perçu comme différent par notre cerveau pourrait bien nous faire fuir. L’IA va falloir manier le pinceau avec des pincettes…
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