Partager la publication "Je suis prêt pour la prochaine pandémie, et vous ?"
Cet article a été publié dans WE DEMAIN n°31. Un numéro toujours disponible sur notre boutique en ligne
Serions-nous en train de basculer dans une nouvelle ère sociale ? Avant l’épidémie de Covid-19, la tendance du “sans contact” était déjà perceptible. Avec le confinement et les mois qui l’ont suivi,
tout s’est accéléré – dans les objets, l’espace public ou nos relations sociales. Au point que nous disposons presque de l’arsenal nécessaire pour vivre sans contact physique avec le moindre
humain.
Rassurant ? Effrayant ? Je l’ignore, mais l’essentiel des innovations que j’ai relevé dessinent bel et bien les contours d’un monde qui s’adapte – durablement – au risque sanitaire, à la distance sociale et au virtuel.
Commençons par le plus visible. Confiné et bloqué dans un pays durement touché par la pandémie, la Russie (8 000 à 10 000 nouveaux cas officiels par jour, en juin), je ne sors plus sans mon masque-respirateur lavable acheté en Chine.
Souvent obligatoire, le masque est devenu en peu de temps un accessoire usuel. Mais il ne va pas demeurer un simple morceau de tissu ou de papier plastifié. L’objet se “technologise” à mesure qu’il s’impose. Prenez le Nuo 3D, par exemple. Produit aux États-Unis, ce respirateur en polyamide accompagné de filtres jetables (87 euros) est imprimé en 3D, sur mesure, pour s’adapter au visage de chaque utilisateur.
En Chine, Huami, l’un des leaders mondiaux des objets connectés, a présenté en juin son Amazfit Aeri, un concept de masque transparent et autonettoyant. Il intègrera un petit ventilateur et des lampes à UV qui le désinfecteront quand il sera branché sur un port USB. Un masque comparable, baptisé Leaf, est déjà commercialisé par Redcliffe Healthcare aux États-Unis. Autre exemple : à l’Institut de technologie israélien Technion, des chercheurs ont mis au point un masque léger, réutilisable et autonettoyant, à base de fibres de carbone. Branché sur un chargeur, il chauffe les fibres pour les débarrasser des virus.
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Ainsi, le masque se modernise, devenant plus hygiénique, plus “intelligent”… Et plus fun. Tyler Glaiel, jeune développeur américain de jeux vidéo, a montré en mai comment bricoler un masque en tissu opaque équipé de LED qui imitent les mouvements de la bouche. Avec 50 dollars et quelques notions d’électronique, on confectionne un masque qui détecte la voix et la convertit en signaux lumineux, permettant de simuler un sourire.
Transformer son visage en émoji animé, pourquoi pas. Certains vont déjà plus loin. À Los Angeles, les designers de Production Club ont fait le buzz avec leur projet Micrashell : une combinaison intégrale, haute en couleur, destinée aux fêtards. Permettant de boire et de vapoter, elle inclurait un respirateur enveloppant la tête, une caméra, des haut-parleurs et une batterie pour recharger le tout. Bientôt des raves en tenue de cosmonaute ?
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Peut-être suis-je devenu exagérément parano, mais les claviers et boutons publics me stressent et me paraissent désormais… terriblement “pré-Covid”.
Le paiement sans contact – qui s’est généralisé avec l’épidémie – est une première solution, mais il ne résout qu’une petite partie de l’équation urbaine. On peut mieux faire. En Chine, Easpeed Technology équipe hôpitaux et immeubles de bureaux de panneaux de commandes “sans contact”. Par exemple à Hefei, capitale de la province de l’Anhui, où l’on peut déjà acheter un ticket de métro sans rien toucher. Sur le distributeur, écran, clavier et boutons physiques sont remplacés par des projections de type holographique. On n’appuie plus sur rien : on pointe du doigt dans le vide, sur des commandes virtuelles.
“Casser les chaines de contamination en adoptant l’hologramme actif” : c’est aussi la promesse de la société française MZ Technologie, qui propose un boitier adaptable sur n’importe quel ascenseur et projetant les commandes dans l’air. L’appareil a déjà été adopté par un hôpital parisien et sa prochaine version, encastrable, vient d’être commandée par une grande marque d’ascenseur, assure l’entreprise.
On voit aussi apparaitre des kiosques d’information, distributeurs de billets ou de boissons à panneaux de commande virtuels (Neonode en Suède), des ascenseurs pilotés par la voix (SoundAI en Chine) et des interphones d’immeubles comprenant le langage humain (Picovoice au Canada). Nos descendants riront-ils un jour de nos écrans tactiles et claviers mécaniques ?
14 juin 2020. Je regarde une vraie-fausse représentation de La cerisaie, de Tchekhov, qui se déroule… dans Minecraft.
Dans ce jeu au succès planétaire, où tout est construit en blocs colorés façon Lego, un jeune réalisateur et un architecte ont reproduit virtuellement l’une des plus prestigieuses institutions russes, le Grand Théâtre dramatique Tovstonogov de Saint-Pétersbourg. Une voix off rappelle malicieusement aux spectateurs d’éteindre leurs mobiles, puis de véritables acteurs jouent une version raccourcie de la pièce. À la fin, quelques spectateurs-avatars lancent des fleurs virtuelles sur la scène. Anecdotique réussite technique, ou présage d’avenir ?
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Dans un monde qui s’adapte à la distance sociale et au “sans contact”, le virtuel parait loin d’être une solution ridicule. J’aime les bars, les concerts, le spectacle vivant. Mais suis-je prêt à me ruer à nouveau dans des lieux bondés ?
Fin avril, en pleine crise sanitaire mondiale, s’est tenu le plus gros concert live jamais organisé : près de 28 millions de spectateurs en deux jours ont assisté aux huit minutes de performance du
rappeur américain Travis Scott… dans un jeu vidéo. Fortnite, jeu de combat aux 350 millions d’adeptes, fait désormais aussi office de salle de spectacle : en mai s’y succédaient Diplo, Dillon Francis, Steve Aoki ou Deadmau5.
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Et Fortnite n’est pas seul à voir dans le virtuel l’avenir du spectacle live. La start-up californienne Wave annonçait début juin avoir levé 30 millions de dollars dans l’unique objectif de développer des concerts virtuels.
Quand se réunir physiquement en grand nombre devient potentiellement dangereux, le virtuel prend tout son sens. Même un club new-yorkais, Elsewhere, a depuis avril sa version virtuelle sur Minecraft. Boire un verre chez soi, sans risque, tout en socialisant dans le virtuel : vous y êtes prêts ?
Et cela ne se limite pas au divertissement. Pour la première fois de ma carrière de journaliste, j’ai
récemment été invité à un lancement de produit… sur Zoom. Celui que présentait ce jour-là l’entreprise Whill était justement propice à la distanciation sociale : un fauteuil roulant autonome et robotisé, pour les personnes à mobilité réduite se déplaçant dans un aéroport, et capable de respecter les distances de sécurité. Singulier télescopage que cette présentation sans contact d’une invention qui supprime elle-même les interactions humaines.
Certains y verront une forme de déshumanisation. D’autres la simple prise en compte d’une
réalité nouvelle.
En avril, l’édition 2020 de Laval Virtual, la grand-messe professionnelle de la réalité virtuelle en Europe, qui se tient chaque année dans le chef-lieu de la Mayenne, s’est transformée en
évènement virtuel. Une première. Depuis chez eux, par le truchement d’un avatar, 11 200 visiteurs venus de 110 pays ont pu assister aux conférences, discuter avec des industriels ou découvrir de nouveaux produits.
À l’attention des entreprises, le réseau LinkedIn vient, lui, de lancer ses “virtual events”, des évènements interactifs en streaming vidéo. Même les escape games, jeux jadis organisés dans des lieux physiques, se virtualisent : sur Moonshot, des équipes comprenant jusqu’à 100 personnes s’affrontent à distance.
Serait-ce le renouveau des communautés virtuelles ? L’une des plus anciennes, Second Life, développée depuis 2003 et quasiment « oubliée », a enregistré 250 000 nouveaux utilisateurs
depuis le début de la pandémie. Elle n’hésite pas à se présenter désormais comme une alternative à Zoom ou Skype.
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Dans le même registre, durant le confinement, plusieurs dizaines de PME américaines ont organisé des réunions de travail dans Red Dead Redemption 2, un jeu vidéo d’action dans l’univers du Far West. Il est tellement plus agréable de discuter des projets en cours autour
d’un feu de camp, avec les loups qui hurlent au loin dans la nuit. Votre prochaine réunion de boulot, virtuelle bien sûr, allez-y en cow-boy !
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