L’Hyperloop, ce train qui mettrait “Paris à 35 minutes de Marseille”

Relier les villes les unes aux autres par un moyen de transport écologique et ultra-rapide… Un rêve d’auteur de science-fiction ? Peut-être plus pour longtemps. Conçu par une équipe de 10 000 personnes, l’Hyperloop verra ses huit premiers kilomètres de ligne installés en 2016 en Californie. Un moyen de locomotion (en théorie) capable d’atteindre 1 200 km/h, qui pourrait, estiment ses concepteurs, remplacer le métro, le train, et même l’avion.

La conception de ce train supersonique initié par Elon Musk – fondateur de Tesla, SolarCity et SpaceX – a été confiée à l’entrepreneur allemand Dirk Ahlborn. Après avoir fondé JumpstartFund, un incubateur d’entreprises technologiques financé par la NASA, ce quadragénaire berlinois est à la tête de l’entreprise Hyperloop Transportation Technologies depuis sa fondation en 2013.

Fin juin, il était de passage à Paris pour participer à la conférence Hello Tomorrow, qui a réuni des entrepreneurs du monde entier. Dirk Ahlborn fait le point pour We Demain sur l’un des projets industriels les plus ambitieux du moment.

We Demain : Depuis quelques mois, on entend et lit beaucoup de choses sur l’Hyperloop. Pouvez-vous nous réexpliquer le principe de ce moyen de transport futuriste ? 

Dirk Ahlborn : Imaginez-vous une capsule qui se déplace dans un tube surélevé, posé sur des piliers. Et, à l’intérieur de ce tube, une très faible pression, semblable à celle qui peut exister dans la cabine d’un avion. La capsule ne rencontre ainsi que très peu de résistance à l’air, ce qui lui permet de fuser très rapidement sur des coussins d’air, à plus de 1 220 km/h en ligne droite. Le tout, avec très peu d’énergie : les capsules, propulsées par un champ magnétique, sont alimentées à l’énergie solaire. Aucune fumée n’est émise, aucun carbone. Quand je l’explique à mes enfants, je leur dis simplement que c’est “un train, très, très rapide”, pour ne pas dire supersonique, qui est “très très propre” et qui va relier toutes les villes du monde. Sur des trajets en ligne droite, ça peut donner, par exemple, un Paris-Marseille en 35 minutes.

Une telle rapidité ne présente-t-elle pas un risque pour la santé des passagers ?
 
Non, absolument pas ! L’accélération sera progressive. Un peu comme dans un avion, qui vole à une vitesse de 900 km/h, sans rendre malades ses passagers pour autant.

Pourquoi est-il nécessaire, selon vous, de construire l’Hyperloop ?
 
Depuis l’invention du chemin de fer il y a un siècle, rien ne s’est réellement passé au niveau des transports, si ce n’est la création des TGV. Saviez-vous que l’écart entre les rails de ces lignes visait à permettre le passage des chevaux ? Eh bien il est resté le même ! Ces lignes ne correspondent plus à notre époque et ses défis et ne font que créer des nouveaux accidents tous les jours. Sans parler de leur besoin en énergie fossile, et de leur coût.

L’objectif est aussi de substituer ce moyen de transport à l’avion…

L’avion, qui lui aussi pollue, n’est pas accessible à toute la population, malgré les vols “lowcost”. Tout cela n’est plus rentable, tout le monde y perd de l’argent. Il faut un moyen de transport qui relie les gens plus rapidement aux métropoles et qui leur permette, en une journée, de travailler à 500 km de chez eux tout en rentrant en trente minutes en Hyperloop, le soir. Nous vivons aujourd’hui dans une nouvelle temporalité : l’Hyperloop va être son moyen de transport. Ce qu’il nous faut, c’est un réel changement, qui s’adresse à tout le monde. Avec un impact politique, économique et écologique global.

Où en est le projet aujourd’hui ?
 
La phase de prototypage commence début 2016 sur un tronçon de 8 km situé dans la Quay Valley, une vallée du comté de Kings, en Californie. Il s’agit d’un terrain privé, qui ne nécessite ni permis de construire ni droit de passage. Cette étendue de 4 800 hectares verra naître une ville entièrement alimentée à l’énergie solaire et 100 % autonome énergétiquement. L’Hyperloop sera son mode de transport en commun. La ville sera le premier point d’une ligne qui reliera à terme Los Angeles et San Francisco, grâce à laquelle nous comptons transporter plus de dix millions de passagers par an à terme.
 
Ce premier tronçon de 8 km aura-t-il une véritable utilité ou ne sera-t-il qu’un démonstrateur ?

C’est vrai qu’il nous en faudrait 10 pour tester l’engin à une vitesse de 1200 km/h, mais 8 km, c’est un début. Cette ligne de transport sera constituée de capsules dans lesquelles 28 à 45 passagers devront pouvoir entrer toutes les trente secondes. Par conséquent, le trafic sera optimisé pour un maximum de fluidité. À terme, il y aura deux versions : l’une dédiée aux transports de longue distance, l’autre pour les transports urbains. La technique, nous la maîtrisons. Il nous reste juste encore à étudier quelques options techniques.

Lesquelles ?

Nous réfléchissons à mettre en place un système qui générerait de l’énergie à partir des pas des passants, notamment sur le sol des gares, qui pourrait être photovoltaïque également. De même, les piliers sur lesquels tiendra l’Hyperloop peuvent être aménagés individuellement. Comme certains piliers seront placés sur les terrains de particuliers, nous leur proposerons de concevoir le leur, par exemple avec du béton qui absorberait la pollution de l’air. Les particuliers trouveraient donc un intérêt à voir un tel pilier installé sur leur terrain, puisqu’avec les excédents d’énergie absorbés, ils recevraient directement de l’argent. Par ailleurs, nous réfléchissons à une façon d’utiliser, en plus, l’énergie éolienne.

Comment les passagers accèderont-ils à ce moyen de transport ? Avec un ticket à composter ?
 
Pas forcément, non. Nous voulons que le passager ait simplement à appuyer sur un bouton pour qu’un taxi ou un véhicule sans chauffeur passe le chercher, l’amène à la gare Hyperloop de votre quartier ou à la gare principale et lui permette de prendre son Hyperloop dans la foulée. Il existe des méthodes plus rentables que celle de la vente de tickets, que nous sommes en train d’étudier. Une chose est sûre : les prix varieront en fonction de la demande, tendant parfois vers la gratuité.
 
Justement, comment comptez-vous financer ce projet ?
 
Grâce au crowdsourcing, le crowdfunding des idées ! Je m’explique. En 2013, nous avons réuni 100 ingénieurs pour mener notre étude de faisabilité des fondations. Depuis, nous avons fédéré 300 personnes supplémentaires autour du projet. Parmi elles, on trouve de simples citoyens qui souhaitent participer à un projet d’intérêt commun. En retour, ils deviennent actionnaires d’Hyperloop Transportation Technologies. Parmi nos soutiens, nous comptons aussi cinq grandes universités, dont Stanford et Berkeley, des cabinets d’architectes et des entreprises du bâtiment. Nos sponsors sont des grandes entreprises comme Microsoft ou Autodesk, ainsi que de nombreuses autres sociétés de différents pays.

En pratique, comment fait-on travailler simultanément plusieurs centaines de personnes sur un tel projet ?

Tout le monde peut proposer son idée, même si elle est minime : c’est ça, le crowdsourcing ! Pour motiver les gens et faire avancer les choses, nous créons des équipes et des compétitions entre ces différentes équipes. De cette façon, des étudiants se retrouvent à échanger avec des ingénieurs nucléaire, ou des retraités de la finance. Si nous retenons votre idée, vous recevez des stock-options. Résultat, le coût de construction de la première ligne d’Hyperloop est de 100 millions de dollars, ce qui n’est rien par rapport au train à grande vitesse à 68 milliards de dollars qui est en train d’être construit en Californie !

Comment faire pour que l’Hyperloop soit accessible à tout le monde ?

En développant un système économique différent. Regardez des entreprises comme Facebook ou Google : leurs services de base sont gratuits, pour autant elles gagnent énormément d’argent grâce à des services supplémentaires ou à la publicité. C’est ainsi, en plus de l’excédent d’énergie que nous allons engranger, que nous allons gagner de l’argent. En ce moment-même, nous sommes en train d’affiner notre modèle économique au sein de notre communauté, qui compte une dizaine de milliers de personnes à travers la planète. Et de nouvelles personnes nous rejoignent chaque jour !

Quand envisagez-vous de construire les premières lignes ?
 
Dès 2018, sans doute dans des villes asiatiques, africaines et moyen-orientales dans un premier temps. Je pense notamment à Singapour, aux Émirats Arabes, à Johannesburg… Des endroits où les projets se lancent plus rapidement qu’en Europe ou au États-Unis, par exemple, grâce à des lobbies moins importants. Quand Elon Musk est venu vers moi avec son idée, j’ai décidé que nous allions concrétiser son rêve. Nous sommes à deux doigts d’y parvenir.

Lorsque le projet a été annoncé en 2013, l’objectif de faire New York-Pékin en deux heures avait été évoqué. Deux ans plus tard, considérez-vous cela comme réalisable ?

Non, ça, ce sont des âneries ! Nous n’allons pas construire de canaux souterrains ou sous-marins. Nous restons pragmatiques. Mais faire 500 kilomètres en une demi-heure sur un territoire donné, ça sera possible, oui. Rendez-vous en 2018.

Propos recueillis par Lara Charmeil
Journaliste à We Demain
@LaraCharmeil

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