Partager la publication "“L’open science” défie la plus grande revue scientifique au monde"
En cause : la hausse continue des tarifs des éditeurs. « De 5 % à 15 % par an, voire plus », affirme Valérie Néouze, directrice du service de documentation de l’université Paris-V. Alors que les budgets des universités sont à la baisse, plusieurs d’entre-elles ne peuvent tout simplement plus suivre. « Depuis des années nous criions au loup. Maintenant nous sommes proches d’un point de rupture », explique Christophe Pérales, président de l’Association des directeurs et personnels de direction des bibliothèques universitaires et de la documentation.
Open-science
« Les éditeurs de la revue Science arguent du fait que les publications deviennent accessibles au bout d’un an. Mais dans la course mondiale aux publications qui fait rage entre les universités, ce délai est trop long », explique Clara Moreau, qui prépare sa thèse au Commissariat à l’énergie atomique (CEA) et membre du réseau Hack Your Phd (Hacke ta thèse). Du doctorant au jeune chercheur, ce dernier rassemble plus de 1 000 membres qui militent pour l’ « accès libre à la science et à la connaissance comme bien commun », « open-science » pour les intimes. Alexandre Monnin, docteur en philosophie, a ainsi publié sa thèse en format html sur son site Philoweb, pour que chacun puisse y accéder et y ajouter des annotations. Car en plus de faire circuler les savoirs librement (open-access), l’objectif de l’open-science est de favoriser la collaboration entre chercheurs et disciplines.
[Vidéo] Célya Gruson-Daniel raconte la génèse du réseau Hack Your Phd
En France, Cybertheses.org publie et diffuse des thèses issues des universités de Lyon, Montréal, Genève, Santiago, Dakar, Antananarivo… La plateforme se revendique de l’initiative de Budapest, une déclaration signée par quelque 700 organisations – universités, revues, librairies – en faveur de l’open access. « Le web rend possible une distribution mondialisée du savoir (…) supprimer les barrières d’accès aux publications permettra d’accélérer la recherche, d’enrichir l’éducation et de démocratiser le savoir », détaille son manifeste.
À Londres, la Wellcome Library a débloqué en octobre 120 000 euros pour aider les chercheurs à publier leurs thèses en accès libre, selon les normes internationales et au format numérique. Celles-ci seront par la suite placées sous licence Creative Commons. Un choix d’abord pragmatique, pour son directeur Simon Chaplin. « Nous pensons que l’open-access permettra aux recherches d’être plus lues, plus largement diffusées, et, d’après nous, citées plus fréquemment. »
Revues en accès libre
Un nombre croissant de revues proposent de leur coté de publier les travaux de recherche en accès libre sur Internet. Le numérique leur permet d’éviter tout frais d’impression. La plus célèbre d’entre-elles, PlosOne, héberge 88 527 travaux. Elle assure un travail de correction mené par d’autres chercheurs et comptabilise toutes les lectures, citations et discussions autour de ses publications pour évaluer leur qualité.
L’autorité de Science a donc encore de beaux jours devant-elle. Mais le modèle économique des grandes revues pourrait pousser de plus en plus de chercheurs et d’universités à passer en « mode open ». Certains éditeurs pratiquent en effet des marges allant jusqu’à 40%. Et les chercheurs eux-mêmes doivent parfois payer le droit de citer leurs travaux dans d’autres publications. « J’espère que le boycott entamé par certaines universités les poussera à évoluer », conclut Clara Moreau.