Partager la publication "Les perturbateurs endocriniens nous rendent-ils idiots ?"
À l’occasion du festival Atmosphères qui se tiendra à Courbevoie du 12 au 15 octobre, Sylvie Gilman revient pour We Demain sur les conséquences qu’ont les perturbateurs endocriniens sur nos cerveaux et sur les solutions à mettre en place pour lutter contre.
Sylvie Gilman : En 2009 nous avions réalisé un documentaire “Mâles en péril”, qui dénonçait les effets des perturbateurs endocriniens sur la fertilité. Nous faisions déjà un constat alarmant. Le film se terminait cependant par un épilogue un peu optimiste : l’Europe lançait le premier programme de règlementation des molécules chimiques, le programme REACH. Les politiques semblaient avoir pris la mesure du problème. Ils allaient agir.
Le mot perturbateur endocrinien est entré dans le vocabulaire. Il n’y a plus de bisphénol A dans les biberons, mais sommes nous vraiment mieux protégés ? Et bien, non. Le feuilleton autour de la définition des perturbateurs endocriniens ne cesse de rebondir à Bruxelles, et force est de constater que l’industrie chimique exerce un lobbying très efficace.
Aussi, quand nous avons rencontré Barbara Demeneix, biologiste et spécialiste mondiale des perturbateurs endocriniens, et qu’elle nous a alerté sur les dangers de ces derniers sur le développement cérébral, nous nous sommes dit qu’il fallait faire une suite à notre documentaire précédent. Pour que les scientifiques, très inquiets par les résultats de leurs recherches en laboratoire et sur le terrain, soient entendus par la société civile.
Un chercheur finlandais, Edward Dutton l’affirme haut et fort, et sans point d’interrogation : “Nous devenons de plus en plus stupides”. Pour ces chercheurs, l’intelligence humaine est en péril : ils citent la baisse de quotient intellectuel observée dans plusieurs pays, le nombre croissant d’enfants souffrant de troubles de l’attention ou d’hyperactivité. À cela s’ajoute une explosion du nombre d’enfants diagnostiqués autistes : un enfant sur soixante-huit aujourd’hui aux États-Unis.
Pour expliquer ces chiffres terribles, les scientifiques pointent l’exposition in utero aux perturbateurs endocriniens qui ont envahi notre quotidien: pesticides, retardateurs de flammes, PCB… Tom Zoeller, un biologiste spécialiste de l’hormone thyroïdienne, nous a cité un chiffre qui fait froid dans le dos : chaque enfant américain naît avec une centaine de molécules chimiques mesurables dans le sang. Comment a t’on pu en arriver là ?
C’est une vraie question : en quoi la mesure du quotient intellectuel reflète-t-elle en effet l’intelligence humaine ? Cette question pourrait faire l’objet d’un film en soi.
Pour nous, le débat est ailleurs : car le quotient intellectuel, qu’on soit d’accord ou pas avec ce qu’il mesure, fait l’objet de tests qui, eux, n’ont pas évolué au fil des années. Ce sont toujours les mêmes tests, avec les mêmes critères.
Or, on voit que les résultats de ces tests évoluent. S’ils ont continuellement progressé tout au long du XXème siècle, ils baissent maintenant dans un grand nombre de pays industrialisés. C’est ce changement là qui est montré par les chercheurs : ils ont pu établir des corrélations très claires entre des expositions in utero à des pesticides ou des retardateurs de flammes, par exemple, et une baisse de plusieurs points de QI.
Le message le plus important à faire passer est qu’il faut protéger les femmes enceintes et les jeunes enfants : la grossesse est un moment crucial, où l’exposition aux perturbateurs endocriniens est potentiellement très lourde de conséquences pour le bébé.
Notre film ne se veut pas la chronique d’une impuissance. En attendant que les politiques votent des lois qui nous protègent, chacun peut prendre des mesures individuelles.
On peut en citer quelques unes : aérer la maison tous les jours, épousseter avec un chiffon humide, éviter les plastiques chauffés dans le micro-ondes, utiliser des cosmétiques bios, filtrer l’eau, éviter les PVC et les ustensiles de cuisine perfluorés, les produits antibactériens, vérifier que les matelas et canapés ne contiennent pas de retardateurs de flammes, choisir des produits ménagers avec des écolabels, manger bio le plus souvent possible et bannir les pesticides ou les boîtes de conserves. Il existe des solutions de remplacement naturelles.
HEAL, WECF, The Green Science Institute, le Ministère danois de l’environnement, Nesting proposent des guides pratiques très concrets pour compléter cette liste non exhaustive !
Oui. Il ne faut pas hésiter à aller chercher l’information, et surtout, ne pas penser que parce qu’un produit est vendu dans le commerce, il a été sérieusement testé, et qu’il ne pose pas de problèmes. C’est faux. Nous vivons dans une véritable soupe chimique, et il faut s’interroger sur notre consommation.
Acheter est devenu un acte politique. Comme nous l’avons lu un jour sur un mur d’une route du Gers : “Quand t’achètes un produit, t’achètes le monde qui va avec”. Chacun d’entre nous a du pouvoir, ne l’oublions pas !
C’est un point sur lequel insiste Barbara Demeneix. Toute femme enceinte devrait veiller à avoir un apport d’iode suffisant chaque jour. D’une part parce que l’iode est indispensable à la fabrication d’hormones thyroïdiennes, elles-mêmes nécessaires au développement cérébral. D’autre part parce que l’iode, en saturant la thyroïde, pourrait se révéler un rempart contre certaines attaques chimiques, et limiter ainsi les effets des perturbateurs endocriniens.