Partager la publication "“Les travailleurs atypiques sont les stars de demain”"
Alexandre Pachulski : C’est le résultat de mon expérience personnelle et professionnelle. J’ai grandi dans un environnement où les gens, mes parents y compris, perdaient leur vie à la gagner. Très vite, j’ai su que ce schéma ne serait pas pour moi et j’ai voulu explorer une autre voie, qui permettrait à chacun de reprendre la main sur son destin professionnel. Je l’ai empruntée moi-même en me lançant dans l’entreprenariat, et je veux désormais inciter les autres à l’emprunter à leur tour. Je le fais au quotidien avec mon entreprise Talentsoft (un logiciel dédié au management des talents au sein des entreprises, ndlr) et, désormais, grâce à ce livre.
Pour définir l’épanouissement au travail, vous recourez au concept japonais d’ikigai. De quoi s’agit-il ?
L’ikigai est une pensée japonaise ancienne, qui postule que l’épanouissement passe par une activité qui fait converger quatre conditions : ce que l’on aime faire, ce que l’on sait faire, ce dont le monde a besoin, et ce pourquoi on vous paie. Être bien dans son travail, c’est viser l’intersection de ces quatre dimensions. Ce n’est pas aisé, certes, mais il faut essayer. Car si l’on croit, comme moi, que le travail est le plus court chemin pour se réaliser et trouver sa place dans la société, alors il n’y a pas d’alternative !
Mais il n’est pas toujours simple de “trouver sa voie”…
En effet. A fortiori parce que, dans nos sociétés tournées vers la performance, on ne nous a pas appris à être nous-mêmes : à l’école, on nous enseigne tout un tas de choses sauf qui nous sommes ; puis, jeunes adultes, on nous pousse vers les métiers et les cursus qu’on juge bons pour nous, sans que l’on ait pu réellement réfléchir à nos aspirations propres. Résultat, les entreprises sont aujourd’hui pleines de trentenaires et de quadra en crise, qui se rendent compte qu’ils ne sont pas à leur place. Il est urgent de de changer notre modèle éducatif. C’est d’ailleurs pour cela que je soutiens une école alternative, l’Autre école, qui tend à former des citoyens responsables.
En attendant, comment cultiver sa singularité et comment en prendre soin ?
Il s’agit d’abord de s’autoriser à oser et à s’exprimer ! Ce n’est ni aux DRH ni aux managers de décider de notre destinée. Il faut avoir le courage d’aller à la rencontre de soi : se demander quel environnement nous convient, ce pour quoi nous sommes bons, et quelles sont les valeurs qui nous animent. Nombreux sont ceux qui souffrent au travail mais n’osent pas bouger, de peur de découvrir ce pour quoi ils sont réellement faits. Personnellement, je pense que le seul risque, c’est de ne pas en prendre… Il faut assumer ses envies et parler : dire à ses managers quels projets nous enthousiasment et pourquoi, se demander sur quel autre poste on se verrait, tester d’autres voix professionnelles, etc.
Disons que c’est en train de changer ! Les entreprises n’ont de toute façon pas le choix. Les problèmes qui se posent à elles sont toujours plus nombreux, toujours plus complexes : si elles ne capitalisent pas sur les talents propres à chacun et qu’elles persistent dans un modèle tayloriste et vertical, elles n’y arriveront pas. Certaines l’ont compris plus que d’autres. D’ailleurs, les initiatives se multiplient dans ce sens, comme les plateformes Jobmaker ou Switch Collective. Une chose est sûre selon moi : les profils singuliers sont les profils stars de demain.
- “Unique(s), et si la clé du monde de demain, c’était nous ?”, Alexandre Pachulski, Editions du Chêne, octobre 2018, 304 p, 19,90 euros.