Nouveau métier : et si vous deveniez Creative technologist ?

Dans les locaux du makerspace ICI Montreuil, ce jeudi, douze élèves apprennent à coder, à travailler le bois et le métal, à utiliser une imprimante 3D et une découpe laser. L’exercice de la semaine ? Modéliser et fabriquer un jeu de société en y ajoutant une touche personnelle.

Luis s’est inspiré de la série Game of Thrones pour revisiter le jeu des petits chevaux, tout en bois et gravé au laser. Olga a inventé un plateau de jeu roulant fait de cuir et de bois récupéré sur des chaises de jardin trouvées dans une benne.

Ces élèves de 18 et 46 ans veulent devenir Creative technologist. Depuis novembre 2018, le réseau d’entrepreneurs et de manufactures MAKE Ici forme des demandeurs d’emploi sans diplôme à ce job du futur. Une formation de 6 mois unique en France dont la première promotion se terminera le 15 mai prochain.

Creative Technologist, kesako ?

Creative technologist, ou technologue créatif en VF, est une profession encore peu connue et pourtant de plus en plus prisée des grandes entreprises et des agences de communication. Difficile de définir précisément ce métier couteau suisse. La mission principale d’un “crea tech” consiste à inventer et créer des objets originaux et connectés, à l’aide de la technologie.
 
Pour Vu, un des stagiaires, “c’est de l’artisanat 2.0.”. Après 20 ans en joaillerie, cet ancien sertisseur s’est lancé dans la formation de Creative technologist pour “toucher à tout“. Ce métier transversal requiert à la fois des compétences technologiques (en électronique et en programmation informatique), des compétences manuelles, une grande créativité et des bases de marketing et de communication. 
 
Le rôle du crea tech dans une entreprise, c’est de faire exister les idées qui sont imaginées“, explique Nicolas Bard, co-fondateur de MAKE Ici et porteur de la formation.

Les premiers Creative technologist se sont formés seuls, certains issus du design ou de l’informatique. Mais c’est avec la naissance des fablabs que le métier s’est réellement développé. “Avant, il fallait des milliers d’heure pour apprendre l’impression 3D, la découpe laser, maintenant il n’en faut que quelques dizaines. Les outils de production, c’est la 3ème révolution numérique“, affirme Nicolas Bard.

Une formation pour les non-bacheliers

Grâce à un partenariat avec Pôle Emploi et l’AFDAS, la formation à ICI Montreuil est gratuite et ouverte aux non diplômés de plus de 18 ans. Pour postuler, seulement deux critères : être demandeur d’emploi et ne pas être bachelier. “C’est la première fois qu’on nous demande de ne surtout pas avoir le bac, ça fait plaisir“, se réjouit Clément. 
 
Les douze stagiaires ont été sélectionnés parmi une centaine de postulants sur leurs affinités avec le métier. “On a choisi ceux qui avaient des expériences soit dans le digital, soit dans l’artisanat“, précise Nicolas Bard. Avant d’atterrir à ICI Montreuil, ils étaient coiffeur, charpentier, aide-soignante, travaillaient dans la vente ou dans l’informatique. Tous ont été informés de l’existence de ce cursus par Pôle Emploi.

Entre artisanat et numérique

Pendant 6 mois, 35 heures par semaine, les stagiaires se forment à concevoir, prototyper et mener à bien des projets concrets proposés par de grandes agences de communication.

La formation n’a rien de scolaire. À ICI Montreuil, les formateurs sont des entrepreneurs et des artisans résidents du makerspace, et l’évaluation se fait en continu, sans note. “Il n’y a pas du tout une ambiance d’école et c’est ce que j’aime le plus. Je n’avais pas envie d’y retourner à 46 ans !“, confie Olga.

Par groupe de six, les stagiaires apprennent à travailler le bois et le métal, à manier la fraiseuse, la disqueuse et autres outils de production. La formation contient également des cours d’électronique, de conception 3D et de programmation informatique. Le but : être capable de lier compétences en artisanat et en numérique à la fin de leur formation.

Devenir autonomes

C’est un peu comme l’école 42 “, estime Vu. “Le but c’est qu’on devienne autonomes.” Nicolas Bard préfère quand même le préciser : “6 mois, ce n’est pas suffisant pour tout apprendre, après il faut qu’ils puissent pratiquer“. À la fin de la formation, Oussmane espère travailler quelques temps dans une agence de communication pour acquérir de l’expérience, puis monter sa propre boîte. Parmi les douze stagiaires, quatre veulent lancer un collectif de creative technologists.

L’équipe d’ICI Montreuil les accompagne dans leurs projets : “Il y a un gros travail à faire sur la confiance en eux, surtout en France où il y a cette culture du diplôme” explique le co-fondateur de MAKE Ici. “On fait des points toutes les semaines. J’essaie de les faire aller vers le chemin de leur choix. Mais si eux n’y croient pas, personne n’y croira pour eux.

En tous cas les débouchés existent. Le géant américain Apple en embauche depuis des années. En 2019, Renault en recrutera une vingtaine dans son département design. Les fourchettes de salaires varient entre 3 700 € par mois pour un junior et jusqu’à 6 500 € par mois pour un senior, selon le CIDJ. 

Des cursus spécifiques commencent donc émerger. Make Ici va organiser une formation par an, de six mois, à Montreuil mais aussi à Marseille, et à Nantes, avec Pôle Emploi. Des freelance et des créatifs pourront aussi s’inscrire à des formations express d’une semaine en 2020, à Ici Paris, en partenariat avec la Mairie de Paris.

Les stagiaires en formation, eux, ont encore quelques prototypes à terminer avant le 15 mai. Le dernier en date : un punching-ball équipé d’un capteur de mouvement et d’une caméra. Quand on tape dedans, une photo est prise et s’affiche immédiatement sur Twitter, avec le score selon la force de frappe. Les futurs Creative technologists sont prêts à monter sur le ring. 

Recent Posts

  • Découvrir

Tout comprendre au biomimétisme : s’inspirer du vivant pour innover

Le biomimétisme, ou l'art d'innover en s'inspirant du vivant, offre des solutions aussi ingénieuses qu'économes…

6 heures ago
  • Déchiffrer

Christophe Cordonnier (Lagoped) : Coton, polyester… “Il faut accepter que les données scientifiques remettent en question nos certitudes”

Cofondateur de la marque de vêtements techniques Lagoped, Christophe Cordonnier défend l'adoption de l'Éco-Score dans…

1 jour ago
  • Ralentir

Et si on interdisait le Black Friday pour en faire un jour dédié à la réparation ?

Chaque année, comme un rituel bien huilé, le Black Friday déferle dans nos newsletters, les…

1 jour ago
  • Partager

Bluesky : l’ascension fulgurante d’un réseau social qui se veut bienveillant

Fondé par une femme, Jay Graber, le réseau social Bluesky compte plus de 20 millions…

2 jours ago
  • Déchiffrer

COP29 : l’Accord de Paris est en jeu

À la COP29 de Bakou, les pays en développement attendent des engagements financiers à la…

3 jours ago
  • Déchiffrer

Thomas Breuzard (Norsys) : “La nature devient notre actionnaire avec droit de vote au conseil d’administration”

Pourquoi et comment un groupe français de services numériques décide de mettre la nature au…

4 jours ago