Partager la publication "On a visité l’un des data centers “les plus verts d’Europe”"
Les disques durs bourdonnent, l’air des ventilateurs siffle : le vacarme est impressionnant. Dans la salle, des grandes baies informatiques, diodes vertes et câbles violets, sont alignées au millimètre sur le sol bleu. Pas une âme à l’horizon dans la pièce de 50 mètres sur 11, l’une des trois du même type de cet ancien centre de tri postal.
C’est ici qu’aboutissent des millions de requêtes. Peut-être par exemple celles d’internautes passés par Le Bon Coin ou Dailymotion. Peut-être même vous, avant ou après avoir lu cet article ? Bienvenue à Saint-Ouen-l’Aumône (Val-d’Oise), au “DC5”. L’un des quatre data centers Scaleway, filiale du groupe Iliad (Free) spécialisée dans les centres de traitement de données.
Apparus dans les années 1990, les data centers ont essaimé – conséquence de la numérisation de nos vies et de l’explosion de l’informatique en nuage. Des centres de données au rôle crucial, mais dont le coût environnemental est de plus en plus questionné.
La faute à l’indispensable refroidissement des baies qui dégagent une chaleur intense. Un gouffre énergétique. Quand votre ordinateur rame, il chauffe. Maintenant imaginez les températures engendrées par des milliers de cartes assemblées les unes à côté des autres. Et pour que nos données soient toujours accessibles, ces bâtiments s’appuient sur le principe de la redondance. Tout est conçu en double, l’alimentation électrique ou le stockage des données en elles-mêmes, pour pallier une éventuelle défaillance. Résultat : selon un rapport du Sénat, les data centers seraient responsables de 14 % de l’empreinte carbone du numérique en France.
Les data centers seraient responsables de 14 % de l’empreinte carbone du numérique en France.
Vitrine verte de Scaleway, le data center de Saint-Ouen-l’Aumône vise précisément à montrer qu’il est possible d’améliorer l’efficacité énergétique du secteur. Selon Laurent Uber, le vice-président data center de Scaleway, l’ancien centre de tri postal économise 30 % d’énergie par rapport aux standards du marché. Faisant même de l’entrepôt réhabilité en 2018 “le data center le plus efficient d’Europe”, si l’on raisonne en termes d’indicateur d’efficacité énergétique (PUE en anglais), selon Scaleway.
Ici, pas de groupes frigorifiques gloutons pour refroidir les baies par climatisation. On utilise tout simplement l’air extérieur, filtré pour éviter toute pollution, et pour rafraîchir l’atmosphère. De longues persiennes motorisées s’ouvrent, comme de grandes grilles d’aération. Et laissent passer l’air frais vers les baies informatiques. De puissants ventilateurs font ensuite circuler l’air pour le rejeter ensuite de l’autre côté du bâtiment. “Aujourd’hui, il fait 17°c dehors, 25°c à l’intérieur de la salle informatique, énumère Laurent Uber. Les ventilateurs de soufflage tournent à 83 %, les ventilateurs de rejet à 35 %, nous recyclons donc 40 % de la chaleur générée par les serveurs.”
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Quand il fait trop chaud, en été, le data center a une botte secrète. C’est le procédé “adiabatique” : pour résumer, l’évaporation de l’eau produit du froid. À Saint-Ouen-l’Aumône, cela prend la forme d’un grand mur cartonné de onze mètres sur un peu moins de quatre. Lors des journées les plus chaudes, de l’eau adoucie ruisselle dans le carton. En s’évaporant, elle rafraîchit l’atmosphère de dix degrés environ. Un mécanisme prévu pour fonctionner 2 % du temps, quand la température extérieure dépasse les 30°C.
Le revers de cette technique, c’est qu’il n’est pas possible, sous notre climat, de maintenir la température du data center aux alentours des 20°C. Mais est-ce vraiment si important ? Cette norme de température, “définie dans les années 2000 sans réfléchir aux économies d’énergies, n’a pas été remise en question, se désole Laurent Uber. Pourtant les constructeurs de matériel informatique conçoivent leurs produits pour supporter jusqu’à 30°C.” Résultat : Scaleway a pris son bâton de pèlerin pour convaincre les chefs d’entreprise de la nécessité d’ajuster les températures exigées sur les contrats.
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Mais aussi performant que soit le nouveau data center de Scaleway, pas sûr que cela soit suffisant. “Certes, il existe des technologies qui permettent de concevoir des centres de données plus efficaces, mais la charge à traiter augmente plus vite”, constate l’expert en transition énergétique Hugues Ferreboeuf, pointant le rôle des grands opérateurs de l’internet dans cette course à la donnée. “Ce qui est en jeu, c’est comment l’industrie définit ses exigences numériques, qui peuvent être tout à fait antinomiques au modèle de sobriété”, résume-t-il.
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