Un implant pour traiter la dépendance aux opioïdes

Le remède à la crise des opioïdes tient-il dans un petit tube ? Un médecin australien, le Dr George O’Neil, a mis au point un implant capable de bloquer les effets des opiacés et d’empêcher la sensation de manque chez les patients.

Les opiacés sont des dérivés naturels de l’opium, issu du pavot somnifère. Certains opiacés sont considérés comme stupéfiants, d’autres comme médicaments (morphine, codéine…). Les opioïdes sont similaires mais obtenus via un procédé chimique. C’est le cas de l’héroïne, mais aussi d’antalgiques comme l’oxycodone.

Alors que 130 Américains meurent chaque jour d’une overdose d’opioïdes, les États-Unis s’intéressent de près à cet implant. Et cette technologie pourrait également servir dans l’Hexagone. Si la situation n’y est pas comparable à celle des États-Unis, la France n’est pas épargnée par les opioïdes.

Le 23 juin, une centaine de médecins et professionnels de santé ont d’ailleurs signé une tribune dans Le Journal du Dimanche pour tirer la sonnette d’alarme : “La France pourrait à son tour encourir le risque d’une crise sanitaire. Il est urgent d’agir.”

Un médicament efficace, mais seulement après désintoxication

Alors, comment fonctionne cet implant ? Un tube, placé dans l’estomac, délivre de la naltrexone, un antagoniste des opioïdes qui bloque les effets de ces derniers au niveau des récepteurs cérébraux. Mais contrairement aux autres médicaments utilisés pour combattre l’addiction, comme la méthadone et la buprenorphine, la naltrexone n’appartient pas à la famille des opiacés.

Le patient doit donc d’abord suivre une cure de désintoxication pendant plusieurs jours, avant de pouvoir recevoir l’implant. Cette première phase peut en décourager plus d’un, tant le sevrage est difficile à vivre, psychologiquement et physiquement, pour les addicts. 

Dans un reportage du New York Times, le médecin – surnommé Papa George par certains de ses patients – précise :  “ Je ne réussis pas avec tout le monde. Mais j’essaye.”

Une solution longue durée

Aux États-Unis et en France, la naltrexone est déjà proposée comme traitement sous deux formes. La première, par voie orale, pose un problème : les personnes dépendantes aux opioïdes arrêtent souvent de prendre les comprimés dès lors qu’elles ne sont plus accompagnées. La seconde, par injection, fonctionne pendant 1 mois.

L’implant du Dr O’Neil présente un avantage non-négligeable : il peut rester jusqu’à 6 mois dans l’estomac, 6 mois pendant lesquels le patient ne ressentira aucune sensation de manque. Une période assez longue pour renouer des liens avec sa famille et trouver un emploi, des occupations quasi-impossibles sous l’effet des opiacés. 

En Australie, George O’Neil a déjà sorti des milliers de patients de leur addiction avec son programme Fresh Start. Ils sont accompagnés pendant la phase de désintoxication, puis ont la possibilité d’être logés après la pose de l’implant. Des conseillers sont à leur disposition pour leur permettre de mettre à profit ce nouveau départ.

Bientôt disponible aux États-Unis ?

De l’autre côté du Pacifique, de gros espoirs reposent sur ce petit implant. Aux États-Unis, l’institut en charge de la prévention de l’abus de drogue a accordé 6,8 millions de dollars à l’Université de Colombia pour effectuer une série de tests avec cet implant pendant les deux prochaines années. 13,9 millions de dollars additionnels devraient suivre.
L’entreprise américaine BioCorRx entend bien concurrencer le médecin australien à domicile, avec un implant similaire, mais qui durerait moins longtemps.

Les enjeux commerciaux sont de taille, et sanitaires encore plus : aux États-Unis, les opioïdes tuent plus de gens que les armes à feu ou les accidents de la route. Si l’implant de naltrexone venait à être autorisé, de nombreuses vies pourraient être sauvées.

En France, les overdoses aux opioïdes sont en augmentation

En France, le nombre d’hospitalisations liées à la prescription d’opioïdes a doublé. Entre 2000 et 2015, les décès par surdosage non-intentionnel ont même triplé, selon le dernier rapport de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé, en février 2019.

Les signataires de la tribune du JDD demandent la mise en place urgente de trois mesures : “Étendre l’accès au naloxone, continuer de décloisonner le monde de l’addictologie et impulser une vaste campagne de prévention au niveau de la menace sanitaire à laquelle nous sommes exposés.”

Une prise de conscience nécessaire avant que la crise des opioïdes ne s’aggrave davantage.

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