PirateBox, le réseau qui veut faire sécession du net

Do it Yourself ! Prenez un routeur quelconque, branchez-y une clé usb. Téléchargez un petit fichier, et alimentez le tout par une batterie. Ça y est : vous avez une PirateBox. Elle génère un réseau wifi que n’importe qui peut rejoindre librement à partir de son ordinateur, sa tablette, ou son smartphone. Une fois connecté, vous tenez un réseau autonome temporaire pour échanger localement des données entre particuliers, sans passer par la toile mondiale d’Internet. Le tout pour moins de 100 euros.

Anti Big Brother
 
Un certain nombre d’affaires récentes ont mis la problématique de la surveillance des internautes sur le devant de la scène politique et médiatique. Scandale des écoutes de la NSA, censure des câbles de Wikileaks, l’idée d’un réseau « Big Brother » au service des gouvernements s’est immiscée dans les esprits. Et aux yeux de beaucoup, les géants du net, de Facebook à Google, sont désormais suspects. La PirateBox répond ainsi au désir croissant des internautes de communiquer de façon libre et anonyme. Elle permet aussi, même si ses créateurs affirment réprouver l’échange de fichiers sous copyright… de contourner toutes les législations en vigueur, à l’image d’Hadopi en France.

Venu d’Allemagne, le boîtier se répand dans le monde depuis 2011. En France, il a trouvé son ambassadeur en la personne de Jean Debaecker, professeur et ingénieur en sciences de l’infocom à l’Université Lille-III. Pour lui, pas de doute : « Tous les mots que vous tapez dans les moteurs de recherche et tous les fichiers que vous faites transiter par le net sont tracés. Cette problématique n’est plus l’apanage d’une minorité de hackers, mais suscite aujourd’hui une vraie prise de conscience citoyenne. »
 
Un mouvement en plein essor
 
Difficile de quantifier le phénomène. « Nous rechignons à établir des statistiques précises sur les PirateBox puisque leur philosophie même est de garantir l’anonymat à ses utilisateurs », explique Jean Debaecker. Il est certain cependant qu’il prend de l’ampleur. Les tutoriels pour fabriquer sa propre PirateBox sont légions sur le Web. Rien qu’en France, 200 nouvelles personnes auraient ainsi rejoint le club des « Pirateboxeurs » en mars 2012.
 
Certains services municipaux s’y intéresseraient de près pour pouvoir échanger des données locales sans avoir à transiter par le réseau mondial. Suite au piratage du Wall Street Journal et du New York Times, les médias pourraient aussi s’en servir pour protéger leurs données les plus confidentielles. Dans les Fablabs et les Hackerspaces, les commandes groupées de routeurs se multiplient. Bref, la petite boîte à le vent en poupe.

Fin juillet, c’est le célèbre multiplexe « Kulturbrauerei » berlinois qui accueillait sa grand’messe annuelle, le PirateBox Camp 2013. Conférences, workshop, brainstorm… Deux jours d’échanges relayés sur les réseaux sociaux pour fédérer une communauté venue d’Amérique, de Suède, et même du Ghana. En Afrique, PirateBox est pressentie pour servir de librairie numérique destinée à favoriser l’accès à la culture dans les régions mal connectées (en savoir plus : des librairies 2.0 pour connecter l’Afrique, sur Wedemain.fr).
 
Local contre global
 
Si PirateBox cartonne autant c’est qu’au-delà de la défiance de certains à l’égard du réseau mondial, l’heure est au retissage de lien social. Or, avec une portée de connexion moyenne de 50 mètres, force est de constater que le boîtier pousse aux rencontres ! Jean Debaecker n’hésite ainsi pas à se revendiquer du mouvement de l’économie sociale et solidaire. « Recettes de cuisine, morceaux de musique, plan d’urbanisme local… entre voisins, on échange ce dont on a besoin. Cela permet de recréer une solidarité locale, plutôt que de se noyer tout seul dans le flot infini de données du web. ».
 
À l’image des SEL (systèmes d’échange locaux), ces communautés qui décident de se passer d’argent pour échanger directement entre elles, cette box s’inscrit dans un mouvement général de suppression des intermédiaires et de retour aux échanges de proximité entre individus. D’autant qu’en connectant plusieurs PirateBox les unes aux autres, il est possible de créer une véritable toile de proximité permettant d’accéder librement à de larges quantités de données. A l’heure de la société globalisée, il serait absurde de se passer de l’internet mondial. Mais il se pourrait bien que ce dernier coexiste avec d’autres réseaux locaux auto-gérés.

[Vidéo] Jean Debaecker présente la PirateBox

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