Pour un rapport plus durable à la viande, un architecte réinvente les abattoirs urbains

Alors que l’agriculture urbaine gagne de plus en plus de terrain, c’est désormais la production de viande qui pourrait réintégrer les zones urbaines. L’abattage des bêtes, plus précisément. Imaginé par Thomas Bellocq, un architecte français de 25 ans, un abattoir d’un nouveau genre permettrait de créer des circuits courts alimentaires, en s’inspirant des mécanismes de la nature.

Conçu sur le modèle des abattoirs d’Anderlecht de Bruxelles – construits au XIXème siècle et toujours en activité – quand Thomas Bellocq y était étudiant, ce concept ne fait pas (encore) l’objet d’un projet de construction. Mais les idées audacieuses du jeune homme lui ont permis de remporter, le 13 juin, le prix spécial actu-environnement EpE-Metronews 2016. “On m’a demandé de parler d’écologie et moi je suis arrivé avec des abattoirs et de l’urbanisme. Le jury était plutôt surpris”, plaisante l’architecte.

Un écosystème complet pour créer un cercle vertueux

Ses abattoirs urbains ont pour objectif premier de “produire moins, mais produire mieux”. D’abord parce que la taille des infrastructures ne permettrait pas une production déraisonnée de viandes.“On produit pour le nombre de gens qui la consomme”, avec la tenue d’un marché juste à côté pour vendre la viande et les autres produits issus de l’abattage des animaux comme des farines ou des cosmétiques. Toutes les activités de transformation se feraient directement sur le site.

Mais le projet de Thomas Bellocq va plus loin. Pour rendre cet abattoir véritablement écologique, il a imaginé de connecter différents équipements formant un écosystème circulaire. Son but : contribuer à “des modes de vie plus durables, producteurs de social, d’emploi et de formation”, explique-t-il dans son dossier de présentation.
 

“Par exemple, on récupère des légumes invendus du marché pour en faire du compost avec le marc de café. Ce compost va ensuite servir d’engrais pour des jardins partagés (dont les légumes seraient vendus sur le marché) ou à faire pousser des champignons”, décrit l’architecte. 

“Les vers du compost pourront nourrir les poissons du bassins en aquaponie utile pour filtrer l’eau, avec un autre système de phytoépuration (système de filtration par les plantes, ndlr) et pour produire des fruits, des légumes et du poisson, qu’on vend ensuite sur le marché”.

Se réapproprier les abattoirs

Ce système, qui allie la phytoépuration, l’aquaponie et la biométhanisation permettrait de réduire la production de déchets et de faire des économies d’énergie. Tout en réincorporant les abattoirs aux zones urbaines.
 

“L’idée peut paraître saugrenue, mais les abattoirs ont toujours été au coeur des villes. C’était ainsi depuis le Moyen Âge : à l’époque, ils étaient situés au sommet des villes pour que l’écoulement naturel des eaux transmette les fluides, jusqu’à la fertilisation des sols derrière l’enceinte.” 

Thomas Bellocq préconise ainsi de revenir à des techniques anciennes desquelles on a voulu s’affranchir au XIXème siècle, avec la révolution industrielle. La plupart des abattoirs urbains ont cessé leurs activités avec la crise de 1929, bannissant durablement ces activités de la ville.

Pour l’architecte, accepter de vivre en face d’un abattoir est, avant tout, une question de mentalité. Il en tient pour preuve les abattoirs d’Anderlecht à Bruxelles, à proximité desquels vivent des habitants. Éloigner les abattoirs des villes, selon lui, n’est pas une solution acceptable d’un point de vue philosophique.
 

“Il faut arrêter de se mentir. L’humanité s’est faite autour de l’élevage, c’est inscrit dans notre code génétique, et dans celui des animaux d’élevage. Manger de la viande, ce n’est pas mal. Il faut juste la produire et la consommer mieux.”

Un lieu de vie collectif

Et, puisque les mentalités évoluent sur ces questions, pourquoi ne pas aller jusqu’à intégrer des lieux de vie collectifs à ces abattoirs urbains ? “On a imaginé y mettre des bureaux ou des lieux culturels”, explique Thomas Bellocq, qui a même envisagé d’y inclure un jardin public équipé de jardins partagés pour approvisionner le marché.

Resterait, pour aller au bout de la logique, de disposer de terrains d’élevage à proximité de l’abattoir. “Mais bon, ce serait vraiment compliqué à mettre en place à l’heure où beaucoup d’élevages sont délocalisés”, reconnaît Thomas Bellocq.

En attendant qu’il trouve des promoteurs prêts à le concrétiser, ce projet suscite beaucoup d’intérêt. Mais les citadins seront-ils prêts à réintégrer l’abattoir dans leur espace de vie ? Cela reste à voir…

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