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Seek : on a testé l’appli qui shazame tous les animaux et plantes

Promenade automnale dans les monts d’Ardèche. Au détour d’un chemin, je remarque un petit serpent brun au dos constellé de taches blanches et noires, délicatement emmêlé dans un buisson dégarni. Je m’agenouille, l’observe quelques secondes puis braque mon téléphone et l’appli Seek sur lui.

À l’écran, les messages défilent  : “Continuez à surveiller l’environnement pour trouver de nouveaux organismes” ; puis “Ordre  : squamates”  ; rapidement suivi de “Famille  : vipères et crotales ” et de “Essayez différents angles jusqu’à obtenir l’identification de l’espèce”.

Cet article a initialement été publié dans WE DEMAIN n°33, disponible en kiosque et sur notre boutique en ligne.

Vipère aspic et bruyère

C’est pourtant bien ce que je fais depuis trois minutes en braquant mon smartphone sur l’animal, tout en maudissant la mauvaise qualité de l’appareil photo de mon Android d’entrée de gamme. L’information tombe enfin  : le reptile que j’ai sous les yeux est une vipère aspic, m’assure l’application Seek.

Lors d’autres promenades dans la région, elle m’informe que les tapis végétaux que j’ai toujours désignés sous le terme de “bruyère” sont en fait composés de deux espèces. Il s’agit de la bruyère cendrée et la callune, dont j’apprends à distinguer les différences.

Mais comment Seek parvient-elle à identifier les espèces vivantes qui croisent mon chemin ? Grâce à l’investissement, bénévole, de milliers de naturalistes amateurs ou professionnels… épaulés d’un algorithme de machine learning, m’explique Tony Iwane, chargé de la communication chez iNaturalist. Cette organisation à but non lucratif a créé l’application en 2018. Pour cela, elle a reçu le soutien de l’Académie des sciences de Californie et de la National Geographic Society. 

Une belette sur les toilettes

Projet de fin de master de trois étudiants de l’Université de Berkeley en 2008, iNaturalist est un réseau social au fonctionnement assez simple. Les naturalistes en herbe y postent les images de leurs observations, et tous les membres du réseau peuvent proposer une identification. Ce qui peut donner lieu à quelques belles surprises. Comme lorsqu’un Colombien a posté la photo d’une belette juchée sur ses toilettes. Les internautes l’ont identifiée comme étant une belette de Colombie, une espèce menacée uniquement connue jusque-là d’après des spécimens empaillés.

Seek, c’est un peu la version ludique et grand public de ­iNaturalist : chaque observation permet de débloquer des “badges d’espèces” et des niveaux. Seek identifie les espèces que je lui présente grâce à la base de données de iNaturalist.

Un mois plus tard, mon portable et moi observons un groupe de moineaux domestiques – mais je suis le seul de nous deux à le savoir. Lui se contente d’afficher “Genre  : Passer”. Je tourne autour des oiseaux pour offrir un meilleur angle à mon téléphone. Un coup de zoom, j’approche de la haie où se trouve un joli mâle brun… Je veux ajouter les moineaux à ma collection, mais Seek ne parvient pas à les identifier. “On a tendance à être prudents sur les identifications d’espèces : on préfère identifier un genre avec certitude que donner une espèce qui pourrait être fausse”, m’explique Tony Iwane.

Seek peut parfois se tromper

Ce qui n’empêche pas l’appli de commettre quelques erreurs. Cet oiseau qu’elle identifie comme une foulque ardoisée par exemple, ne serait-ce pas plutôt une gallinule sombre ? Et que dire de ce parterre de champignons orangés, que Seek identifie d’abord comme appartenant au genre des psilocybes, avant de déclarer qu’il s’agit d’une galère marginée ? Une autre photo du même spécimen sera elle identifiée comme étant celle d’un gymnopile du sapin…

Mon moineau mâle s’envole ; je braque alors mon écran sur une femelle restée sur ces hêtres communs. Seek l’identifie d’un seul coup d’œil, avant que celle-ci ne plonge dans la haie. Et je réalise l’un des intérêts de l’application, qui m’avait jusqu’ici échappé : elle incite à observer longuement, à prendre le temps, à contempler.

“Des gens nous disent que leurs promenades sont plus longues, ou que leurs amis détestent se balader avec eux depuis qu’ils utilisent Seek”, me confirme Tony Iwane. “On veut inciter les gens à s’intéresser à la nature, nos utilisateurs apprennent et remarquent de plus en plus de choses.”

Quant à mes moineaux, ils ont échappé, pour cette fois, à la vigilance de l’application. Mais pas les faisans ni les perruches qui se rassemblent dans l’arbre de mon voisin, grâce à qui j’ai obtenu le statut d’enquêteur, et débloqué le badge “oiseau en argent”.

Au-delà de son aspect ludique, ce “Shazam de la nature” – à moins qu’il ne s’agisse plutôt d’un “Pokemon Go de la vie réelle” – permet surtout de redonner du sens au monde qui nous entoure en nous aidant à nommer les espèces avec lesquelles nous cohabitons. Une étape indispensable pour relever l’un des plus grands défis des années à venir : définir de nouvelles relations, plus respectueuses, entre humains et non-humains. 

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