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Surveillance des saumons par IA, élevages à terre… comment rendre l’aquaculture (un peu) plus durable

Si l’aquaculture des saumons promet de nourrir la planète tout en soulageant la pression sur les écosystèmes marins sauvages, l’industrie du saumon n’est pas exempte de problèmes majeurs. Pollution, maladies, gaspillage alimentaire… les critiques pleuvent contre les élevages et appellent à des solutions innovantes. C’est dans ce contexte que Tidal, start-up issue des laboratoires X d’Alphabet (Google) et qui a pris son indépendance en 2024, arrive avec une ambition claire : transformer radicalement les méthodes d’élevage et les rendre un peu plus durables grâce à l’intelligence artificielle et la robotique.

Le principe ? Une surveillance algorithmique permanente grâce à un réseau de capteurs sous-marins et de caméras ultra-précises, capables d’observer le comportement et la santé de chaque poisson en temps réel. Les données récoltées sont ensuite traitées par des algorithmes sophistiqués qui analysent tout, du comportement alimentaire à la dynamique des bancs de poissons, permettant aux aquaculteurs d’intervenir précisément et au bon moment.

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Un élevage typique de saumons dans un fjord en Norvège avec ses multiples cages marines. Crédit : Jan-Dirk / stock.adobe.com.

À lire aussi : Pollution, disparition… comment bien choisir son saumon ?

L’IA contre le gaspillage alimentaire

La nourriture – de la farine et de l’huile produite à partir d’autres poissons sauvages, dits “poissons fourrage”, et de soja – constitue l’un des coûts majeurs de l’élevage de saumons, représentant jusqu’à 50 % des dépenses totales. On estime qu’environ environ 4% de tous les poissons capturés dans le monde sont utilisés pour nourrir le saumon atlantique d’élevage… En outre, une mauvaise gestion de ces fermes peut entraîner non seulement des pertes économiques significatives mais aussi une pollution accrue des fonds marins due à la nourriture non consommée. Avec ses systèmes avancés, Tidal prétend réduire considérablement ces pertes.

Concrètement, grâce à ses algorithmes, la distribution d’aliments est optimisée, administrant uniquement la quantité nécessaire au bon développement des poissons. Résultat : une réduction drastique des coûts opérationnels et une amélioration de la qualité de l’eau autour des fermes aquacoles. Des expérimentations en Norvège, pays leader mondial de l’aquaculture du saumon, ont déjà démontré des économies substantielles et un impact environnemental réduit.

Robotique aquatique pour des interventions ciblées sur les saumons

Identification des saumons en temps réel par la technologie de Tidal. Crédit : Tidal.

Mais la révolution technologique de Tidal ne s’arrête pas là. La start-up mise également sur des robots sous-marins autonomes capables d’intervenir directement au sein des bassins. Ces robots peuvent inspecter les filets, identifier rapidement les dommages potentiels et intervenir pour effectuer des réparations simples ou alerter les équipes sur des problèmes plus sérieux.

Ce dispositif robotisé permet également de surveiller l’état de santé des poissons avec une précision inégalée. Dès qu’une anomalie est détectée, qu’il s’agisse d’une blessure ou d’un comportement inhabituel révélant une maladie potentielle, les équipes peuvent intervenir immédiatement, limitant ainsi les pertes massives souvent associées aux épidémies dans les élevages intensifs.

En plaçant ses capteurs sous-marins et ses caméras ultra-précises couplés à une surveillance algorithmique, Tidal veut optimiser l’élevage de saumons. Crédit : Tidal.

Dans les cages marines, des conditions d’élevage problématiques

La question de la densité de population dans les bassins demeure centrale. Une étude publiée dans le Journal of Aquatic Animal Health pointe notamment les risques liés à une forte densité de poissons, entraînant une baisse de la qualité de l’eau et une augmentation des déchets.

De même, The Guardian rapporte que l’élevage intensif favorise la propagation de parasites tels que les poux de mer, affectant aussi les populations sauvages. Pour certains activistes norvégiens, seule une fermeture des enclos ouverts garantirait la protection des écosystèmes et des espèces sauvages. Selon eux, une révision complète des pratiques d’élevage, au-delà des seules améliorations technologiques, pourrait permettre une réelle transition écologique.

Le développement exponentiel du saumon d’élevage dans le monde. Crédit : FAO/PinkBombs.

Une aquaculture des saumons durable est-elle possible ?

Les enjeux environnementaux de l’industrie aquacole sont réels. Celle-ci vient répondre à une très nette raréfaction de ce poisson, notamment dans l’Atlantique. Ainsi, le saumon atlantique est inscrit sur la liste rouge de l’UICN depuis décembre 2023. Outre la pollution, la propagation de parasites et de maladies – avec parfois l’usage massif d’antibiotiques en répercussion, notamment au Chili – reste une problématique persistante. En adoptant une approche proactive et ciblée, Tidal affirme apporter une solution pragmatique à ces défis.

En réduisant le gaspillage, optimisant la santé animale et limitant l’intervention humaine invasive, l’entreprise dessine les contours d’une aquaculture plus respectueuse des écosystèmes marins. Mais cela peut-il suffire à rendre l’aquaculture durable ? Si la technologie peut effectivement résoudre certains problèmes, elle n’efface pas tous les impacts liés à l’élevage intensif.

L’aquaculture terrestre, une piste plus écologique

Le projet de ferme d’élevage de saumons au milieu de la forêt en Suède par RE:OCEAN. Crédit : reocean.se.

L’ONG Seastemik évoque même une “bombe écologique et sociale”. Il souligne que, en 2023, la Norvège a enregistré une mortalité record de 100 millions de saumons, soit 16,7 % des spécimens. En réponse à toutes ces problématiques, certaines entreprises explorent des nouvelles manières, à l’instar de RE:OCEAN en Suède. Il ne s’agira pas de cages marines comme les autres modèles mais d’un élevage… à terre ! Elle prévoit de construire une ferme piscicole à grande échelle à Säffle, à une dizaine de minutes du littoral, visant à produire 10 000 tonnes de saumon durable par an, soit environ 20 % de la consommation nationale de saumon en Suède.

Ce projet innovant prévoit de recycler 99,99 % de l’eau utilisée et d’utiliser une énergie 100 % renouvelable, contribuant ainsi à une production respectueuse de l’environnement. En outre, le saumon sera élevé dans un environnement entièrement contrôlé, reproduisant des conditions de croissance naturelles, de l’éclosion à l’abattage. Élever du saumon à terre pour préserver les océans, une solution audacieuse.

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