Vénérés par les start-up, ces trois livres de science-fiction avaient prédit la réalité virtuelle

Assis dans une chambre d’hôtel de la Conurb, Case observe la dernière console de réalité virtuelle Ono-Sendaï. Elle est noire, mat, sans aspérité. Seul un mince câble s’en échappe pour la connecter au mur. L’ancien hacker ajuste son bandeau autour de sa tête, allume la console et se retrouve tout à coup dans une forêt de gratte-ciels.

Cette scène pourrait se dérouler aujourd’hui et ce casque s’appeler Oculus Rift. Mais elle fut imaginée en 1984 par William Gibson dans son roman Neuromancien. Huit ans avant la naissance d’Internet et 32 ans avant la sortie de l’Oculus Rift, cet auteur de science-fiction posait les fondations de ce que serait aujourd’hui la réalité virtuelle. Une prédiction qui a fait de Gibson une icône dans les entreprises qui développent aujourd’hui des logiciels et des équipements de réalité virtuelle.

Livres distribués par centaines

Et il n’est pas le seul : d’autres auteurs ont, après lui, théorisé les différentes applications de cette technologie et leurs conséquences possibles. Des talents aujourd’hui très recherchés pour imaginer la suite de l’histoire, alors que les premiers casques arrivent sur le marché et que les start-up se battent pour le conquérir. C’est ainsi que Neal Stephenson, l’auteur du Samouraï Virtuel s’est fait embaucher comme “futuriste en chef” chez Magic Leap, ou que Ernest Cline a été invité chez Oculus et vu son livre Player One distribué à tous les employés de l’entreprise.

Car le potentiel de la réalité virtuelle est énorme. Estimé à 2,3 milliards de dollars en 2016, ce marché pourrait atteindre les 150 milliards de dollars dès 2020, selon une étude du cabinet de conseil DigiCapital . Une estimation qui inclue la réalité augmenté (images virtuelles superposées au réel), dont le succès de Pokemon Go est la dernière illustration : en moins d’une semaine, ce jeu a dépassé le nombre d’abonnés de Twitter et Netflix. 

Demain, la réalité virtuelle pourrait s’étendre à des domaines aussi variés que l’éducation, les réseaux sociaux, le cinéma, l’architecture ou la médecine . Finira-t-elle par remplacer tous nos écrans et même Internet tels que nous les connaissons ? Pour entrevoir le futur comme l’imaginent les auteurs de science-fiction (et donc les ingénieurs de la Silicon Valley), We Demain a sélectionné trois incontournables du genre, à lire sur la plage cet été.

Neuromancien, William Gibson (1984)

Le pitch : Roman fondateur d’un nouveau genre littéraire, le cyberpunk, Neuromancien entraîne le lecteur dans un univers dystopique où les multinationales et les mafias règnent en maîtres sur de gigantesques agglomérations. Case, un ancien hacker drogué et suicidaire, est sauvé par deux mercenaires des bas-fonds de la ville de Chiba au Japon. En échange d’une opération du cerveau lui permettant de retrouver l’accès au réseau, il devra pénétrer les serveurs de la Tessier-Ashpool : une multinationale franco-australienne dont les héritiers clonés vivent dans le luxe décadent de leur station spatiale. Le tout gardé par une redoutable intelligence artificielle, Muetdhiver.

Ce qu’avait prédit l’auteur : Écrit bien avant la naissance d’Internet, Neuromancien a surpris ses contemporains par sa vision d’un réseau mondial d’ordinateurs connectés grâce à une interface en trois dimensions. Une “hallucination consensuelle, selon les mots de William Gibson qui a aussi inventé les concepts de “cyberespace” et de “matrice”. Dans ses livres, la réalité virtuelle joue un rôle central en permettant aux pirates informatiques d’affronter physiquement les antivirus et pare-feux des multinationales – quitte à y laisser parfois la vie. Seul bémol : les casques à base d’électrodes imaginés par Gibson n’ont pas grand-chose à voir avec nos modèles actuels, qui fonctionnent tels des écrans à haute résolution. On recommande néanmoins cette oeuvre majeure qui a reçu plusieurs prix, dont le Philip K.Dick et le Hugo, l’équivalent du “Nobel” pour la science-fiction.

Disponible ici.

Le Samouraï virtuel, Neal Stephenson (1992)

Le pitch : Au XXIème siècle, l’État américain s’est effondré, ne pouvant plus collecter les impôts du fait des crypto-monnaies (difficile de ne pas penser à Bitcoin). Los Angeles est devenue une succession de banlieues souveraines protégées par des gardes armées, de franchises dont les néons géants ont remplacé l’éclairage public et d’autoroutes privatisées où de jeunes coursiers en skateboard slaloment entre les voitures (ils n’étaient pas encore estampillés Deliveroo ou Foodora). Dans ce futur ultra-capitaliste, Hiro est un livreur de pizza qui se réfugie chaque nuit dans le Metaverse, un univers virtuel à la Second Life qui a remplacé Internet. Ici, il est un hacker réputé et le plus grand expert du maniement du katana. Avec l’aide de Y.T, une jeune coursière, ils vont s’attaquer aux trafiquants d’une nouvelle drogue, le snow crash, qui commence à faire des ravages aussi bien dans le monde réel que dans le monde virtuel…

Ce qu’avait prédit l’auteur : Moins sombre que Neuromancien, Le Samouraï Virtuel (Snow Crash en V.O) est un étonnant mélange de satire de la société de consommation et de recherches académiques sur le mythe de la tour de Babel. Dans cet univers, Neal Stephenson intègre à son récit (en 1992 !) de nombreuses inventions devenues depuis réalité comme les lunettes de réalité virtuelle, les crypto-monnaies, le casque airbag ou le skateboard électrique. Mais c’est probablement sa vision d’un Internet à mi-chemin entre le réseau social et la simulation en 3D qui a convaincu l’entreprise Magic Leap de l’embaucher en tant que “futuriste en chef”. Une idée à laquelle travaille également Facebook et qui pourrait annoncer le futur des réseaux sociaux.

Disponible ici.

Player One, Ernest Cline (2011)

Le pitch : En 2044, le monde est ravagé par la crise écologique et économique. Le jeune Wade, 17 ans, vit dans un bidonville fait de caravanes et de containers empilés aux portes d’Oklahoma City. Son seul échappatoire : l’Oasis. Une réalité virtuelle où se connecte chaque jour l’essentiel de l’humanité pour fuir ses problèmes dans des mondes imaginaires. C’est là qu’il étudie et ici que se trouvent ses amis : d’autres adolescents passionnés comme lui par l’énigme laissée en héritage par le fondateur de l’Oasis. Celui qui parviendra à la déchiffrer deviendra le nouveau propriétaire du réseau et la première fortune mondiale. Mais pour casser son code, il faut d’abord être un expert de la culture geek des années 1980.

Ce qu’avait prédit l’auteur : Véritable phénomène mondial, Player One a déjà été traduit dans 21 langues et Steven Spielberg s’est engagé à en tourner une adaptation dès cet été. Dans son livre, Ernest Cline décrit une réalité virtuelle tout à fait plausible à base de lunettes connectées à un Internet mondial sans fil et de tenues haptiques permettant de ressentir le toucher. Mais c’est surtout son évocation de la nostalgie de l’enfance et ses références culturelles pointues qui en font tout le charme. Coïncidence ou non, la publication du livre a précédé de quelques semaines celle de l’Oculus Rift sur Kickstarter en 2012. Il est depuis devenu une lecture obligatoire pour les salariés de l’entreprise. Des trois livres, il est celui qui annonce le futur le plus crédible… et donc le plus inquiétant.

Disponible ici.
 

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