Le requin du Groenland, l’animal vertébré le plus “longévital” connu

De l’Islande à la péninsule antarctique, Jean-Paul Curtay est parti en “croisière-expédition” autour des nouvelles routes maritimes rendues possibles suite à la fonte des glaces. Chaque semaine, il la raconte à We Demain.

Dans les eaux que traverse L’Austral, navigue aussi un bestiaire marin mythique : cinq espèces de phoques, le morse, la baleine bleue, le plus grand de tous les animaux, le cachalot, le beluga, le narval et un seul requin, le requin du Groenland.

Le requin du Groenland est l’un des requins les plus mystérieux et les plus étonnants. Il est aussi l’un de ceux qui vivent dans les eaux les plus profondes (jusqu’à 2000 m) et les plus froides. Il est en fait le seul squale capable de vivre en permanence dans les eaux arctiques. Il était considéré aussi comme le plus lent de tous les requins car il met trois secondes pour avancer d’un mètre.

Et l’on pensait qu’il était charognard, récupérant les carcasses qui tombent au fond des océans, ceci d’autant plus que de longs parasites ivoires s’accrochant à ses yeux, il est presque toujours aveugle. Cela fait beaucoup d’étrangetés pour une seule espèce !

Les grandes profondeurs glacées

Mais, après des recherches laborieuses et infructueuses dans les grandes profondeurs glacées, on en découvre dans des eaux de surface près de littoraux. C’est ainsi qu’on a pu mieux l’observer. Un mystérieux massacre de phoques autour de Sable Island est découvert : 5 000 d’entre eux sont retrouvés, tous scalpés en vrille comme par un tire-bouchon géant !

Depuis qu’on a appris que le requin du Groenland remonte dans des eaux littorales superficielles, on le soupçonne, mais pas de preuves. Jusqu’à ce que neuf requins du Groenland soient capturés près des côtes du Spitzberg. Dans leur estomac : des poissons d’un mètre et… des phoques entiers.

Comment est-il possible pour un aveugle aussi lent de se saisir de phoques tellement rapides et agiles ? À force de patience les chercheurs parviennent à le filmer. Tout d’abord ils découvrent qu’il est capable de brusques accélérations. Puis ils finissent par le surprendre en train d’attaquer un phoque sur lequel il tourne tout son corps à gauche, puis à droite, le coiffant avec des dents en forme de scie, qu’il est le seul à avoir chez les requins.

Un individu de 392 ans

Il repère très probablement les phoques par ses sens olfactifs et électriques. Mais combien de temps vit-il, se demandent les chercheurs ? On peut estimer l’âge des poissons grâce aux otolithes, de petites concrétions de l’oreille interne que nous avons aussi. Mais les requins étant cartilagineux, ils n’en ont pas.

Il a fallu donc inventer une nouvelle technique pour évaluer leur âge. Ceci a pu être réalisé grâce à l’analyse des cristallins de 28 individus. Ces analyses révèlent qu’il a une croissance très lente (environ 1 cm par an), que les femelles ne se reproduisent qu’à partir de la taille de 4 m qu’elles n’atteignent qu’à l’âge de 150 ans et que l’individu le plus grand qu’ils ont étudié a un âge de 392 ans !

Les records connus de longévité chez les vertébrés étaient – 211 ans pour une baleine boréale – 226 ans pour le poisson Koï “Hanako” – 256 ans pour la tortue des Seychelles “Adwaïta”. Le requin du Groenland explose ces records et devient ainsi l’animal vertébré le plus “longévital” connu.

Ralentir les mécanises de vieillissement

​Ce qui relativise la fatalité d’une espérance de vie réduite à 122 ans chez l’homme (le record de Jeanne Calment) et permet de penser qu’avec les avancées considérables effectuées ces dernières décennies dans les connaissances sur les mécanismes du vieillissement, nous allons pouvoir le ralentir aussi, comme nous le montrent déjà clairement plusieurs populations, dont les célèbres centenaires d’Okinawa.

Jean-Paul Curtay. 

Pour en savoir plus :  
—  www.maxisciences.com/%E2ge/quels-sont-les-10-animaux-les-plus-vieux-du-monde_art32182-html 
— http://passeurdesciences.blog.lemonde.fr/2016/08/11/ce-requin-qui-peut-vivre-quatre-siecles-1/?utm_source=digg http://requin-blanc.fr/blog/le-requin-du-groenland-somniosus-microcephalus/
— www.dinosoria.com/requin_groenland.html Greenland shark

Jean-Paul Curtay, a commencé par être écrivain et peintre, au sein du Mouvement Lettriste, un mouvement d’avant-garde qui a pris la suite de Dada et du surréalisme, avant de faire des études de médecine, de passer sept années aux États-Unis pour y faire connaître le Lettrisme par des conférences et des expositions, tout en réalisant une synthèse d’information sur une nouvelle discipline médicale, la nutrithérapie, qu’il a introduite en France, puis dans une dizaine de pays à partir des années 1980.

Il est l’auteur de nombreux livres, dont Okinawa, un programme global pour mieux vivre, le rédacteur de www.lanutritherapie.fr, et continue à peindre et à voyager afin de faire l’expérience du monde sous ses aspects les plus divers.

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