Partager la publication "Tout plaquer pour aller vivre à la campagne : les conseils d’une néo-rurale"
Avec la crise sanitaire et les nombreux risques liés au changement climatique, certains remettent en question leur mode de vie, et de plus en plus optent pour un retour à la nature. C’est d’ailleurs l’objet du grand dossier du numéro d’automne de la revue We Demain, qui raconte cette “France qui s’ensauvage”.
Ce changement de vie, Claire Desmares-Poirrier l’a opéré il a dix ans. Diplômée de Sciences Po Lille, elle a quitté la ville et son poste de cadre pour s’installer en Bretagne Sud, dans le hameau de Sixt-sur-Aff, où elle développe avec son compagnon une ferme bio de production de plantes aromatiques et médicinales.
Baptisée L’Amante Verte, cette ferme est également un café-librairie où le couple accueille public et porteurs de projet.
Dans son livre L’exode urbain, Manifeste pour une ruralité positive, Claire Desmares-Poirrier invite le lecteur à rêver un projet de vie hors des villes, à ne plus voir la campagne comme un cadre de vie, mais bien comme un mode de vie. Elle raconte à We Demain son basculement et livre ses conseils.
Claire Desmares-Poirrier : Pendant dix à vingt ans, la ville la plus écolo possible était une ville dense. Aujourd’hui, on relance l’idée de “la ville du quart d’heure”. C’est d’une absurdité finie ! Il est impossible de vivre convenablement dans une ville dense, surtout face à la perspective du changement climatique, avec ses pics de chaleur passés et à venir.
Il n’y a pas de solution pour offrir une qualité de vie réelle en ville. On nous parle d’îlots de fraîcheur, de mettre des balcons… mais ce n’est pas du tout proportionné aux scénarios qui vont venir dans les dix prochaines années.
Pour moi, le schéma de la ville, qui est celui de l’exode rural, de concentrer les gens dans un espace et en faire des facteurs de production et des consommateurs, est dépassé. C’était un outil de la société de consommation, et c’est fini.
Je m’inscris complètement dans cette idée qu’il faut trouver un scénario alternatif à la société productiviste, capitaliste et consumériste.
La question à se poser c’est “Comment écrivons-nous une autres histoire ?”. Aujourd’hui, j’entends beaucoup de médias traiter le thème de l’exode urbain comme un sujet immobilier. Il s’agit de changer de “cadre de vie”.
Or nous ne changeons pas uniquement de cadre de vie, nous changeons aussi de mode de vie !
Là est tout l’enjeu. C’est essayer d’être autonome, de s’inscrire dans un réseau d’entraide de proximité, plutôt que de passer par l’espace marchand. C’est aussi faire la différence entre une envie et un besoin. Selon moi, ce schéma-là ne s’écrira pas dans les métropoles.
En ville, nous recevons entre 80 et 150 messages publicitaires par jour, sans même le vouloir. C’est la même chose pour les relations sociales : il est quasiment impossible de voir ses amis sans passer par un espace marchant, sans aller dans un bar, un restaurant, au théâtre ou au cinéma. À la campagne, nous allons chez les uns et chez les autres, nous partageons le fruit de la production de l’année, des récoltes. Nous passons juste un bon moment entre amis autour d’une table, et pourtant, c’est un moment où nous ne consommons pas. À la fin, cela fait la différence.
Le choix de la vie rurale était un acte militant. Avec mon conjoint, nous nous sommes rencontrés dans un espace d’engagement qui s’appelle le Camp action climat. Nous cherchions à sensibiliser au choc climatique.
C’était un choix intime, celui d’un schéma où nous pourrions construire une vie qui apporte de la joie, du bonheur, du lien social, du temps pour soi et pour les autres, sans que ces choix n’entrent en concurrence avec ce que nous espérions pour le monde. En somme, une vie d’abondance et de joie, mais en même temps une vie sobre et simple, avec un impact moindre sur la planète.
Nous avons humblement commencé par mettre en cohérence nos vies avec nos idéaux. C’est n’est qu’après que nous nous rendons compte de la portée de notre démarche. De sa puissance inspirante pour d’autres personnes, en leur montrant que c’est possible, et de ce que cela impliquerait si nous étions nombreux à faire ce choix.
Oui. Encore une fois, c’est un choix. La vraie question est “quel est notre besoin ?”. Je ne dis pas que c’est facile. Nous pourrions gagner plus, si nous produisions et vendions plus. Mais nous avons choisi d’avoir plus de temps pour notre fille, pour nous, pour militer et pour être réellement disponible à ce que nous faisons.
Ce n’est pas vrai. Il y a plus d’emploi par actif en zone rurale qu’il n’y en a en zone urbaine, y compris des emplois qualifiés. Nous ne sommes pas obligés d’être agriculteur lorsque nous vivons à la campagne. L’emploi agricole ne représente d’ailleurs que 10 % de l’emploi rural.
En ce qui concerne l’accès à la culture, c’est vrai il n’y a pas la “culture légitime” : il n’y a pas l’opéra, il n’y a pas le théâtre… Mais ce n’est pas pour cela qu’il n’y a pas d’offre culturelle. Tous les week-ends, je dois choisir entre un concert de rock, un fest-noz, des veillées chez des particuliers, des fêtes de village, des concerts d’école de musique traditionnelle… De l’offre culturelle, il y en a à revendre, ce n’est juste pas la même que celle des villes. C’est une culture qui est aussi plus partagée et vécue, plutôt qu’une culture qui est consommée.
La première étape pour moi est celle du carnet de rêves : se poser la question d’où nous avons envie d’aller, dans un schéma idéal, dans un monde comme nous le rêverions, autant pour sa vie perso, que pour sa vie pro, sa vie sociale ou pour l’espace que nous avons envie d’habiter.
C’est une première étape qui me paraît fondamentale. Qui s’autorise à rêver sa vie aujourd’hui ?
Après, de toute façon, le réel s’impose. Il y a des choses que nous avons les moyens de faire aujourd’hui, celles que nous aurons les moyens de faire demain, ou encore celles que nous ne nous donnerons jamais vraiment les moyens de réaliser parce qu’elles n’avaient peut-être vocation qu’à rester à l’état de rêve.
Mais je pense que c’est tout de même important de l’écrire, que l’on parte seul(e), pour mettre les choses au clair, ou que l’on parte avec quelqu’un d’autre, pour ajuster les attentes et les limites de chacun.
Pour le reste, je suis plutôt pour le coup de cœur. Peu importe ce qui nous amène sur le territoire, que ce soit l’attache familiale, une passion pour une forme de paysage, un attrait pour un savoir-faire, ou une rencontre.
Ce n’est pas forcément nécessaire de partir avec un projet. Il est aussi possible de partir d’un territoire, voir quels y sont les besoins, se demander si nous avons l’appétence et les compétences pour y répondre, se former si nécessaire, et construire un projet avec des ressources locales, qui peuvent être aussi un super outil d’intégration.
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