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Des décharges devenues poumons verts : comment le Sri Lanka réinvente ses zones humides

La preuve que la mobilisation citoyenne peut faire de grandes choses. Il y a encore quelques années, le parc de Beddagana, à Colombo, la capitale du Sri Lanka, n’était qu’un vaste dépotoir nauséabond. Aujourd’hui, ce site de 18 hectares est devenu un havre de biodiversité où les promeneurs côtoient plus de 100 espèces d’oiseaux. On doit notamment cette métamorphose spectaculaire à la communauté locale, à travers l’initiative Thalangama Wetland Watch. Celle-ci s’est mobilisée pour nettoyer et maintenir ces zones humides, en organisant des collectes régulières de déchets.

Une nécessité vitale pour Colombo : « Les zones humides sont les poumons et les reins de cette ville », explique Nimala Shantha Wijayaratne, responsable de la gestion des zones humides au Sri Lanka Land Development Corporation. En effet, ces écosystèmes jouent un rôle crucial. D’une part, ils absorbent l’excès d’eau lors des fortes pluies, protégeant la ville des inondations en absorbant 40 % des eaux de crue. Ils filtrent également naturellement l’eau et l’air, ce qui contribue à la réduction de la pollution. Enfin, ces zones humides abritent une riche biodiversité, comme ci-dessous, dans le parc Thalangama.

Les ravages d’une urbanisation galopante

Comment en était-on arrivé à faire de ces zones humides des décharges à ciel ouvert ? À partir de la colonisation britannique, les zones humides ont commencé à être négligées. En outre, depuis les années 1980, l’urbanisation galopante a grignoté près de 60 % des zones humides de Colombo – les constructions ont pris la place. Les habitants les ont longtemps perçues comme des espaces insalubres et dangereux. De fait, ces espaces naturels ont été laissés à l’abandon. Non entretenus, chacun est venu y déverser des déchets.

Les inondations catastrophiques de 2010 ont poussé le gouvernement à réagir, lançant en 2016 une stratégie de gestion des zones humides urbaines pour restaurer ces écosystèmes et les intégrer à la planification urbaine. Cet ambitieux programme de restauration a déjà permis de créer quatre parcs urbains. D’anciennes friches sont devenues des espaces naturels accessibles au public. Ces zones contribuent à mieux absorber les pluies diluviennes (moins d’inondations) tout en rafraîchissant la ville. Stratégique pour une agglomération compte aujourd’hui 5,6 millions d’habitants et où les températures tournent autour de 30 °C avec une humidité relative supérieure à 70 % en moyenne à l’année.

Colombo, au Sri Lanka, un modèle pour l’avenir

Outre les parcs urbains, des infrastructures vertes ont été développées, telles que des pistes cyclables et des espaces récréatifs autour des zones humides, incitant la population à renouer avec ces espaces naturels. Une reconnexion qui incite aussi les habitants à prendre davantage soin de ces espaces verts. « Les activités physiques dans les zones humides font désormais partie intégrante de la vie quotidienne des communautés de Colombo et ont conduit à une amélioration des liens et du sentiment d’appartenance au lieu », confirme Chaturangi Wickramaratne, chercheuse au IWMI (International Water Management Institute).

L’expérience de Colombo suscite l’intérêt au-delà des frontières du Sri Lanka. En 2018, la ville a été désignée première « Ville des zones humides » par la Convention de Ramsar, un traité international sur la protection de ces écosystèmes. Alors que de nombreuses métropoles cherchent des solutions face aux défis climatiques, l’exemple de Colombo prouve qu’il est possible de concilier développement urbain et préservation de la nature. Une vraie source d’inspiration.

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