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Written by 11 h 44 min Déchiffrer, Societe-Economie

Mayotte : tout comprendre au cyclone Chido et à son impact catastrophique

Qu’ils soient appelés cyclones, typhons ou ouragans, ces phénomènes météorologiques fascinent autant qu’ils inquiètent. Retour sur leurs mécanismes, leurs impacts et le rôle du changement climatique dans l’intensification des cyclones tropicaux, avec un focus sur le cas exceptionnel du cyclone Chido à Mayotte.

Le 29/12/2024 par The Conversation
cyclone chido
Vue satellite du cyclone Chido le 12 décembre 2024. Crédit : VIIRS imagery from NOAA's NOAA-21 Satellite — EOSDIS Worldview.
Vue satellite du cyclone Chido le 12 décembre 2024. Crédit : VIIRS imagery from NOAA's NOAA-21 Satellite — EOSDIS Worldview.

En français courant, on utilise le mot cyclone pour désigner ce qu’on appelle en météorologie les cyclones tropicaux. En météorologie, un cyclone désigne de façon générale une masse d’air qui tourne dans le sens cyclonique (c’est-à-dire le sens inverse des aiguilles d’une montre dans l’hémisphère nord).

Cela inclut à la fois les cyclones tropicaux, dont nous parlons aujourd’hui, et les cyclones extra-tropicaux, que nous appelons en français courant plus souvent des dépressions, et qui touchent régulièrement la France métropolitaine.

Comment différencier les termes de cyclone, typhon ou tempête ?

Les cyclones tropicaux peuvent atteindre des vitesses de vent extrêmement élevées et sont désignés par des noms différents en fonction de leur localisation géographique.

Ainsi, dans l’océan Indien et le Pacifique Sud, on parle de « cyclones tropicaux », tandis que dans le nord-ouest du Pacifique, ils sont appelés « typhons ». En revanche, lorsqu’ils se forment dans l’Atlantique Nord et le nord-est du Pacifique, ils sont dénommés” ouragans”. Un ouragan est donc un type spécifique de cyclone tropical qui se forme dans l’Atlantique Nord et le nord-est du Pacifique. Ces systèmes sont classés selon l’échelle de Saffir-Simpson, qui va de la catégorie 1 à la catégorie 5, en fonction de la vitesse de leurs vents.

Une tempête est un terme générique utilisé pour décrire une perturbation atmosphérique caractérisée par des vents forts, des précipitations abondantes, et parfois des phénomènes tels que la grêle ou les éclairs. Les tempêtes peuvent varier considérablement en intensité et en durée, englobant divers types de conditions météorologiques comme les orages, les tempêtes de neige et les tempêtes de sable.

Comment un cyclone comme le cyclone Chido peut-il se former ?

Un certain nombre de conditions environnementales doivent être réunies pour qu’un cyclone puisse se former. Ils se constituent au-dessus des océans tropicaux, ces derniers doivent être suffisamment chauds pour qu’il y ait assez d’énergie pour que le cyclone se forme.

Il faut un deuxième ingrédient : peu de cisaillement de vent, c’est-à-dire que la différence de force du vent entre la surface et l’altitude soit faible. En général, cela signifie qu’il y a peu de vent en altitude.

Le troisième ingrédient est une forte humidité, pour éviter que les précipitations se ré-évaporent, ce qui enlèverait de l’énergie au système.

Ces conditions sont nécessaires mais pas suffisantes. Il faut qu’une perturbation vienne déclencher le système.

L’eau s’évapore de l’océan, et l’air chaud et humide monte à cause de sa faible densité : cela va créer des nuages. Ces derniers, si les conditions sont réunies, vont s’agglomérer entre eux, et se mettre à tourner : c’est le début du cyclone.

Qu’est-ce qui fait qu’un cyclone est plus ou moins intense ?

Une fois que le cyclone s’est formé, il va se déplacer et rencontrer des conditions qui continuent à être favorables ou non. Si les conditions continuent à être favorables, il va continuer à s’intensifier. Pour ça, il va venir puiser de l’énergie au niveau de l’océan et s’en servir pour se développer et gagner en intensité.

Si au bout d’un moment les conditions ne sont plus favorables, là il va venir s’affaiblir, voire complètement se dissiper. C’est le cas par exemple si le cyclone atteint une zone où l’eau n’est plus assez chaude, ou une zone de fort cisaillement vertical.

Le cyclone Chido était-il particulièrement puissant ?

Chido a été un événement qui avait extrêmement peu de chance de se produire mais ce n’était pas non plus un événement que nous, climatologues, considérions comme impossible. Il faut savoir que dans l’océan Indien Sud, on a en moyenne neuf cyclones qui se forment chaque année donc ce n’est pas en soi un phénomène surprenant.

Par contre Chido a eu une intensité extrême. Au moment où il a touché Mayotte, il était de catégorie quatre sur cinq, ce qu’on considère comme un cyclone extrêmement puissant. Ce n’est pas impossible dans l’Océan Indien, mais c’est rare. Au-delà de la puissance, c’est la trajectoire du cyclone qui fait toute la différence. À l’échelle de l’océan Indien, Mayotte est très petite, il était donc très peu probable qu’un cyclone l’atteigne, mais en l’occurrence, là on a vraiment eu le scénario du pire. Le cyclone aurait pu passer 50 kilomètres plus au sud ou plus au nord et Mayotte n’aurait subi aucun dégât.

Est-on capable de calculer précisément la trajectoire d’un cyclone ?

À partir du moment où un cyclone se forme, et surtout à quand il gagne en intensité, on a des modèles qui sont relativement performants pour prévoir leur trajectoire. Ces modèles qui servent à prévoir les cyclones sont utilisés opérationnellement par les centres de prévision météo. Pour l’océan indien, c’est Météo-France qui est en charge.

Il faut d’ailleurs saluer le travail de Météo France car je pense que la prévision était bonne et l’alerte qui a été émise, justifiée. Elle était du niveau maximal, ce qui était requis.

Finalement, la prévision était correcte avec un bon calcul de trajectoire. L’alerte a été faite au bon moment et le drame a eu lieu parce que Mayotte était vulnérable. Quand on analyse des catastrophes, on parle de la combinaison d’un aléa – c’est-à-dire, dans le cas présent, le cyclone tropical – et d’une vulnérabilité. Certains cyclones de catégorie quatre ont touché les États-Unis en ne faisant quasiment aucune victime parce que les infrastructures sont solides, la population préparée et des évacuations mises en place. Par contre, Mayotte était une zone extrêmement vulnérable, notamment parce que l’habitat y était extrêmement précaire. Et donc c’est ça qui fait la catastrophe mais ça, ça ne relève plus des météorologues.

Peut-on faire un lien entre le changement climatique et le cyclone Chido ?

En ce qui concerne l’impact du changement climatique sur les cyclones tropicaux, ce qu’on sait c’est qu’un cyclone qui se forme dans un monde plus chaud va avoir plus de chance d’être plus intense. Et ça, c’est notamment lié au fait que des océans plus chauds fournissent plus d’énergie aux cyclones.

Il demeure difficile d’attribuer précisément l’intensité en termes de précipitations et de vents du cyclone Chido au changement climatique. Cet événement exceptionnel illustre les défis majeurs auxquels sont confrontées les études d’attribution des événements climatiques extrêmes. En particulier, l’absence d’événements analogues dans les archives historiques pour Mayotte et les Comores complique l’analyse traditionnelle.

L’étude menée dans le cadre de ClimaMeter, un consortium international visant à attribuer les événements climatiques extrêmes au changement climatique, repose sur une approche comparative : identifier des situations météorologiques similaires dans le passé et le présent afin d’évaluer les changements liés au réchauffement climatique. Toutefois, dans le cas du cyclone Chido, cette méthode trouve ses limites. Le rôle de la variabilité naturelle dans la trajectoire et l’intensité du cyclone ne peut être totalement exclu, malgré le fait que l’environnement actuel, réchauffé de +1,5 °C, puisse amplifier le potentiel de ces systèmes en intensité et en précipitations.

Vers une meilleure compréhension de l’impact du climat sur les cyclones

Face à cette situation, une méthode plus adaptée serait la « storyline attribution ». Contrairement aux approches statistiques traditionnelles, cette méthode repose sur des ensembles de simulations réalisées ad hoc pour un événement spécifique comme le cyclone Chido. Elle simule comment ce cyclone aurait évolué dans un climat sans influence humaine, permettant ainsi de comparer directement les conditions actuelles avec un scénario contre-factuel pour isoler l’influence du réchauffement climatique. Toutefois, ces analyses sont particulièrement coûteuses en ressources de calcul, car elles nécessitent de nombreuses simulations ciblées sur un seul événement.

Enfin, la grande inconnue, c’est de savoir comment le changement climatique peut influencer le nombre de cyclones qui se forment. Dans la formation elle-même, il y a plusieurs ingrédients qui peuvent être impactés de façon différente par le changement climatique et on ne sait pas encore exactement s’il y en a qui vont potentiellement se compenser. À l’heure actuelle, on est incapable de dire si il va y avoir plus, moins ou le même nombre de cyclones dans le futur.

Pourrait-on mieux se préparer à ce type d’événements extrêmes ?

Le cyclone Chido rappelle la grande vulnérabilité de Mayotte et des Comores face à ce type d’événements. Les destructions massives, exacerbées par la précarité des infrastructures, montrent à quel point ces territoires sont exposés et mal préparés. Dans un monde de plus en plus réchauffé par la combustion continue des énergies fossiles, l’intensification des cyclones constitue un risque majeur pour ces régions. Il devient donc urgent de mieux comprendre ces phénomènes, d’améliorer les méthodes d’attribution et de renforcer la résilience des populations face aux événements extrêmes.

À propos des auteurs :
Stella Bourdin.
Chercheuse en climatologie, University of Oxford.
Davide Faranda. Directeur de recherche CNRS, Université Paris-Saclay.
Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.

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