Innovation en Nouvelle-Aquitaine

Or bleu : en Nouvelle-Aquitaine, la bataille de l’eau est lancée

C’est l’ambition numéro un de Néo Terra, première feuille de route régionale de la transition énergétique, écologique et sociale: reconstituer les ressources naturelles pour l’avenir. Dont l’eau, bien commun essentiel à la vie mais menacé par le gaspillage, la surconsommation, la pollution et l’action mortifère du changement climatique : « Il y a un risque imminent d’une crise mondiale de l’eau« , alertaient, en mars dernier, l’ONU et l’Unesco. L’eau, sa quantité, sa qualité, constituent le fil rouge de Néo Terra, dont les objectifs, encore plus ambitieux, complètent ceux de la Stratégie régionale de l’eau (SRE), érigeant l’or bleu en ressource primordiale à préserver, restaurer, valoriser.

Préoccupation de première importance pour la région, l’eau l’est depuis longtemps. L’université de Limoges fête les 50 ans de la première Filière Eau & Environnement qui a formé 6 000 étudiants, dont plus de 30 % des décideurs dans ce domaine en France. Limoges, qui abrite l’Office international de l’eau, de renommée internationale.

Des ressources en eau importantes mais fragilisées

74 000 km de cours d’eau, des lacs, des zones humides… de la côte atlantique aux montagnes, la ressource en eau de la Nouvelle-Aquitaine est enviable. Mais fragile. Dédié à la gestion de l’eau dans les usages agricoles, le dernier cahier d’AcclimaTerra, Comité scientifique régional sur le changement climatique, présidé par le climatologue Hervé Le Treut, l’atteste : « La région dispose d’importantes ressources en eau et de milieux aquatiques variés, particulièrement riches en biodiversité. Cependant, ces ressources, fortement sollicitées par les différents usages de l’eau, sont fragilisées. Une large partie du territoire régional présente une situation de déséquilibre chronique entre usages et ressource disponible, une situation exacerbée par les changements climatiques.« 

Selon les scientifiques, le déficit entre les besoins et les ressources sur le bassin Adour-Garonne est actuellement de 250 millions de mètres cubes. Il sera de 1,2 milliard de mètres cubes en 2050.

Polluants éternels : des investissements massifs nécessaires

Récents épisodes de grande sécheresse, coupures d’eau potable : l’hypothèse du manque d’eau est devenue une réalité. Tout comme le questionnement sur la qualité de celle-ci. Présence de PFAS – ou polluants éternels – décelés dans l’eau potable de La Rochelle, pollution du fleuve Charente : jusqu’à présent, des solutions techniques ont été trouvées pour distribuer l’eau potable, parfois en fermant des captages. Mais avec la multiplication des pollutions, aggravée par la diminution des volumes d’eau disponibles, son épuration nécessite aujourd’hui des investissements massifs. Préserver sa qualité tout en répondant aux besoins de l’industrie, de l’agriculture, du tourisme, ainsi qu’à la priorité de protéger le milieu naturel : l’équation est complexe. Avec, en première ligne, les agriculteurs.

Les besoins légitimes de ces derniers ont été intégrés par la Région dans une réflexion à la fois plus globale et plus territorialisée : à chaque bassin versant, en effet, sa problématique et ses solutions. Sainte-Soline n’ayant pas les mêmes contraintes que le Limousin. Une approche adoptée en renforçant le rôle des Établissements publics territoriaux de bassins et des Commissions locales de l’eau. Solidarité territoriale à l’échelle nationale et du bassin Adour-Garonne, projets de territoires et de gestion de l’eau (PTGE) à l’échelle locale pour des approches concertées entre tous les acteurs de l’eau : telles sont les pierres angulaires du dispositif de résilience d’une stratégie bâtie sur les changements de pratiques, celle de l’agroforesterie entre autres, mais aussi la création de nouvelles filières, économes en eau, comme celle du chanvre dans les Deux-Sèvres.

Consommer moins, premier mot d’ordre

Construite en 2018 et riche des contributions de 700 acteurs régionaux, la Stratégie régionale de l’eau (SRE) intègre, en 42 mesures, l’ensemble des problématiques liées à l’eau : la préservation et la restauration des cours d’eau – leurs méandres et leurs berges notamment – et des zones humides; le rétablissement du cycle de l’eau ; son meilleur stockage dans le sol mais aussi la réutilisation des eaux usées avec plusieurs appels à projets comme EC Eau, sur l’économie circulaire de l’eau ; un AAP qui vise à accompagner les innovations en matière de réutilisation des eaux non conventionnelles pour les collectivités et les entreprises.

Cela dit, consommer moins reste le premier mot d’ordre. Avec une plus grande sobriété demandée aux agriculteurs et aux industriels – moins 30 % pour les premiers et moins 50 % pour les seconds. Des objectifs plus qu’ambitieux, accompagnés par des dispositifs comme « Efficacité hydrique des entreprises », pour les aider à innover et à limiter ainsi leurs prélèvements en eau. Des « offreurs de solutions pour l’eau » venus de TPE, PME, ETI, filiales de grands groupes qui se retrouvent au sein de Soltena, cluster régional de l’économie circulaire et de la transition écologique.

Quelles eaux pour le futur ? Lancé en février dernier, un Programme scientifique de grande ambition régionale (PSGAR) rassemble 40 labos, 150 chercheurs. Objectif : faire émerger des solutions nouvelles. Consommateurs, chercheurs, industriels, agriculteurs, collectivités locales : le combat pour la sauvegarde de l’or bleu est une opportunité pour repenser notre relation aux territoires, et celui de notre avenir et de la planète. Une bataille décisive que la Nouvelle-Aquitaine est bien décidée à gagner.

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