1 milliard de courriers en moins chaque année : comment sauver les facteurs ?

En imaginant, il y a plus de soixante ans, un facteur à bicyclette zigzaguant entre des nids-de-poule avec un combiné de téléphone sur son guidon, Jacques Tati fut prophète en son pays. Perçue comme un gag à une époque où l’on n’imaginait même pas le mobile, cette scène de Jour de fête résume à elle seule le destin de La Poste, entreprise aux racines pluriséculaires, qui pédale le nez dans le guidon et dont la roue avant mord le progrès.

Une histoire pleine de tris et de facteurs, et aujourd’hui de geeks et d’ordinateurs, qui mérite d’être contée si l’on veut comprendre comment La Poste, que l’on disait hier dépassée, est en train de relever le plus grand défi de son histoire : draguer les meilleurs start-uppers afin de surfer avec eux sur la nouvelle vague du numérique.

Ce n’est pas sur des vieux biclous mais à cheval que les premiers facteurs portaient le courrier. Ces “chevaucheurs”, comme on les nommait alors, ont été lancés en 1477 par Louis XI sur les routes poudreuses de son royaume, dont la plupart débouchaient sur des champs de bataille. Ancêtres de nos bureaux de poste, ces “relais de poste assise” permettaient aux cavaliers chargés des plis destinés aux armées de se reposer et de trouver des montures fraîches.

Des millions d’agents sur tout le territoire

Selon Pascal Roman, l’incollable conseiller historique du musée de La Poste, l’initiative de ce roi – surnommé “l’aragne” (l’araignée) car il aimait constituer des réseaux – a donné “le premier exemple de l’incarnation d’un État, d’un service public”. Un siècle plus tard, ce système centralisé fut concurrencé par certaines institutions et corporations, comme les universités ou les bouchers, qui mirent en selle leurs propres “chevaucheurs” pour s’affranchir, si l’on ose dire, du privilège royal.

C’est Louvois, surintendant général des postes de Louis XIV, qui restaura le monopole de la Couronne, menacé de privatisation avant l’heure. En 1789, cette administration postale, devenue très populaire, employait des milliers d’agents sur tout le territoire. Les sans-culottes l’adoptèrent sans réticence, exigeant seulement que les directeurs des bureaux de poste soient… élus au suffrage universel !

Sous la Restauration intervint une nouvelle petite révolution : l’apparition des uniformes. Destinées à assurer “la reconnaissance des agents auprès du public”, ces blouses bleues ornées d’un col écarlate étaient à la charge des intéressés. Détail peu connu, les Bourbons, revenus au pouvoir, demandèrent aux facteurs de compléter par des hauts-de-forme ces tenues aux couleurs de la République. Une exigence “bourgeoise” que nos facteurs devenus frondeurs refusèrent de satisfaire.

Née royale, devenue républicaine, notre poste française devient peu à peu nationale. Au fil des progrès industriels des XIXe et XXe siècles – développement des transports routiers, ferroviaires, aéronautiques et maritimes –, elle se modernise. Adieu les malles-poste hippomobiles apparues sous Louis XVI, bienvenue aux toutes premières fourgonnettes automobiles, qui, on ne le sait pas toujours, furent électriques.

Retrouvez la suite de cet article dans We Demain n°12.

Jean-François Mongibeaux

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