À Grande-Synthe, j’ai filmé le courage et l’humanité d’une ville résiliente

Grande-Synthe, près de Dunkerque, vous connaissez ? Peut-être avez-vous vu passer quelques images de son camp de réfugiés à la télé… Peut-être en avez-vous entendu parler via le mouvement des villes en transition, dont elle est un emblème.

Quant à moi, Grande-Synthe habite mes pensées depuis que je m’y suis rendue, la première fois, en juin 2015. C’était pour la projection en avant-première de Libres !, de Jean-Paul Jaud.
 
Je me souviens tout d’abord du choc visuel en arrivant sur la digue du Braeck. Les hauts-fourneaux d’ArcelorMittal, les raffineries, les tours de la centrale nucléaire de Gravelines dessinent un univers dantesque – et cinématographiquement puissant.
 
Puis, j’ai vu la ville, ses cités HLM tristes construites en chemin de grues dans les années 60. C’était comme si la ville concentrait toutes les catastrophes auxquelles l’humanité sera demain confrontée. Comme si Grande-Synthe était la ville où tout se jouait.
 

“On peut ne pas être 100% positifs. Impossible ! Mais on doit être 100% réalistes, actifs, résistants. 100% solidaires aussi… 100% humains” 

L’enthousiasme des habitants

Lors de la projection du film, au cinéma Le Varlin, j’ai été impressionnée et touchée par le courage et l’enthousiasme des habitants. Ici, on ne se résigne pas, on ne se révolte pas : on se retrousse les manches pour inventer l’avenir et trouver des solutions.

Et des pépites de beau surgissent tous les jours. C’est ce qui m’a touché, ému. C’est ce qui m’a donné l’idée et l’envie de tourner ici.
 

“Inutile de se répéter 30 000 fois que le rapport de force est en faveur de la mondialisation. La question est de savoir : qu’est-ce qu’on peut faire maintenant ?”

À Grande-Synthe, pas question de donner dans l’angélisme. Le contexte est trop dur pour cela. En revanche, dès lors que l’on regarde les actions concrètes menées sur le terrain, les raisons d’espérer reviennent.
 
Écologie, alimentation, jardins partagés, énergie durable : Grande-Synthe, sous l’impulsion de son maire, Damien Carême, a réussi à mettre en place toute la palette des actions d’une ville en transition. Avec courage, enthousiasme et humanisme. C’est cette capacité de résilience qui m’a touchée et que j’ai voulu partager.
 

“Résilience, énergie, alimentation… : toute la palette des actions d’une ville en transition”

 
Je me suis rendue sur place durant plus d’un an, du printemps 2016 à l’été 2017. Quatre saisons, le temps d’apprivoiser les Grand-Synthois, de me rapprocher du tissu associatif… et de faire oublier la caméra. J’ai vraiment cherché à me fondre dans le paysage.
 
Dans le camp de la Linière, j’ai commencé par faire du bénévolat, en travaillant d’abord avec Utopia 56. Il n’était alors pas question de venir avec la caméra.
 
J’ai pu commencer à filmer après, en m’intégrant à l’équipe de bénévoles du REcho, qui sert des plats aux réfugiés. Je n’hésitais pas à lâcher le manche pour mettre la main à la pâte et faire la vaisselle. Pour moi, il faut d’abord donner pour avoir le droit de filmer.
 
Quatre saisons, cela a aussi été précieux pour entrer en complicité avec les personnages principaux du film… Je pense par exemple à Damien Carême, qui a peu à peu oublié son habit de maire charismatique, pour dévoiler une personnalité sensible, avec ses failles et ses moments de doute.

Comme une tragédie grecque

J’ai conçu le film comme une tragédie grecque. Entre deux séquences de reportages – dans le camp de La Linière, dans les cantines bio ou les jardins ouvriers, durant le carnaval ou la fête du travail, devant les usines -, j’ai introduit des scènes de fiction.
 
Pour cela, j’ai travaillé avec une troupe de comédiens amateurs de Grande-Synthe et avec Brigitte Mounier, de la Compagnie des Mers du Nord. Les jeunes comédiens interviennent pour commenter les séquences, se lamenter, faire des prédictions… Un peu comme le chœur d’une tragédie antique. 

Une ville laboratoire du futur

Mon but avec ce film ? Donner l’envie d’agir et de se mettre en mouvement, même si la situation est difficile, voire désespérante. Pour moi, Grande-Synthe est une ville laboratoire du futur, une ville inspirante où chacun peut puiser des idées pour agir, concrètement, sur son territoire. Finalement, mon propos est simple : toucher les gens et leur donner le courage d’agir.

Le film sortira en automne 2018. Si les images sont entièrement tournées, nous avons besoin de fonds pour financer la post-production, la promotion et la diffusion de Grande-Synthe.
 
25 % des dons seront reversés à cinq associations qui agissent à Grande-Synthe : Emmaüs, Gynécologie sans frontières, La Forêt qui se mange, Salam et le REcho.
 
Si affronter les crises migratoires, écologiques, économiques et sociales avec enthousiasme et humanisme vous paraît évident, vous apporterez une petite pierre à l’édifice en finançant le projet. Merci à vous ! 

Béatrice Jaud
Pour apporter votre soutien : rendez-vous sur la plateforme ZESTE

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