À une heure de Paris, ils créent un hackerspace rural pour marier numérique et écologie

Dans la plaine alluviale de Vic-sur-Aine, le domaine de l’Hermitage est un vestige de l’histoire. D’exploitation agricole au début du XXe siècle, à maison médicale, il fût plus récemment le siège d’une ONG, le Centre international de développement et de recherche (CIDR).

À l’annonce de la vente de cet immense domaine de 30 hectares, dont 4 de terres cultivables, trois amis se sont manifestés pour redonner vie à cet espace unique : Jean Karinthi, un des initiateurs du projet SOS Méditerranée, Gaël Musquet, porte parole d’OpenStreetMap France et Blaise Gonda spécialisé dans le développement international et rural.

Leur idée ? Créer un lieu d’expérimentation, de partage et de formation autour de grands enjeux sociétaux pour produire, consommer, se loger et vivre ensemble de manière éco-responsable. Depuis septembre, ils préparent ensemble la mue de ce domaine en un “hackerspace rural” mis au service de l’intérêt général.

Un lieu de décloisonnement

Si les tiers lieux ne manquent pas à Paris et dans ses alentours, ils se concentrent d’ordinaire sur une problématique à la fois. À l’Hermitage, la transdisciplinarité est le maître mot. L’objectif est d’y réunir une grande diversité de profils pour créer une alchimie entre différents domaines : “L’idée est que des permaculteurs qui travaillent sur un modèle de serre connectée puissent échanger avec des hackers en train de pirater une voiture Tesla”, explique Blaise Gonda.

Du cadre en reconversion au geek bricoleur, en passant par le formateur en communication non violente, le profil des “Hermites”, qu’ils soient de passage ou permanents, a vocation a être hétérogène. Des personnes en quête de sens… et d’espace. Car l’un des avantages de l’Hermitage, c’est aussi de pouvoir y tester ses projets grandeur nature. Blaise Gonda évoque ainsi : “Il y a beaucoup de Fablabs à Paris, qui sont très denses en terme de moyens. Le problème c’est qu’il n’y a pas plus d’espace  disponible. »

Une ambition éco-citoyenne

Quatre hectares du domaine seront été alloués à l’agro-écologie, afin de permettre aux visiteurs de s’y former. Ces derniers pourront aussi s’initier à la transition numérique (drones, mapping, code informatique) ainsi qu’au développement personnel (communication non-violente, méditation), le tout dans un esprit de partage :
 

“Cela ne sert à rien d’expérimenter si on n’en profite pas pour mettre ses connaissances à la disposition de tous, souligne Blaise Gonda. Des formations telles que le hacking citoyen seront dispensées afin de devenir acteur de sa propre résilience”, avance Blaise Gonda.

 
Dans le même temps, le projet vise à proposer des solutions aux difficultés économiques du département de l’Oise, où l’agriculture intensive est très développée : “Les locaux ont été très réceptifs et enthousiastes vis-à-vis de ce nouvel espace collaboratif”, glisse Blaise Gonda.
 
Sur le long terme, l’Hermitage espère accueillir des professionnels souhaitant se reconvertir ou se mettre rapidement à niveau dans un domaine spécifique, par exemple celui de l’aquaponie (où l’on fertilise les cultures avec des déjections de poissons).

S’inscrire sur la durée

Mais pour accomplir tout cela, il faudra d’abord parvenir à récolter des fonds. À force de bouche-à-oreille, le collectif de l’Hermitage compte aujourd’hui une cinquantaine de personnes déterminées à investir dans le projet et à y participer. Lancé le 13 mai denier, le projet a déjà récolté 80 000 euros sur Ulule sur les 90 000 espérés. De quoi qui faire vivre l’Hermitage pendant au moins un an.

Cet argent vise aussi à transformer le lieu en un “démonstrateur zéro carbone”, ce qui passera par la rénovation écologique des bâtiments : “Les équipements remontent aux années 1970, l’ère du tout pétrole”, explique Blaise Gonda.

Afin que l’Hermitage s’intègre au mieux à son territoire et ne se limite pas à une simple escale pour Parisiens en manque de vert, l’équipe du projet souhaite faire fonctionner à plein temps ses infrastructures d’accueil : un réfectoire, des cuisines, des ateliers de réparation mécanique, une maison de convivialité disposant d’une salle de conférence et de projection. Le tout avec une capacité d’hébergement de 70 personnes. 
 
Le 13 mai, une première journée portes ouvertes a réuni 650 personnes venues de toute la France métropolitaine, mais aussi de Guadeloupe et de Barcelone : “On ne veut pas que les visiteurs de la journée portes ouvertes arrivent, trouvent ça cool et repartent. On veut tisser des liens”, rapportait alors Jean Karinthi dans Libération.
 

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