Partager la publication "Aider les artisans migrants à exercer leur vrai métier : le défi de la Fabrique nomade"
Pour aider ces personnes à renouer avec elles-mêmes à travers le travail, et à retrouver l’estime de soi, elle a créé La Fabrique nomade. Lauréate de l’appel à projets Les Audacieuses Île-de-France, cette association loi 1901 a été sélectionnée, mi-juillet, par l’incubateur parisien La Social Factory.
Inès Mesmar raconte à We Demain la genèse de son projet :
“Ma mère cherchait des tissus dans une armoire, et c’est à ce moment-là que j’ai découvert avec stupeur ses broderies et son histoire : elle était brodeuse dans la médina de Tunis… et je l’ai ignoré pendant 35 ans.“
Bouleversée par cette découverte tardive, elle décide d’entrer en contact avec des centres parisiens d’accueil des réfugiés et des centres socio-culturels. Et de partir à la rencontre de personnes qui “avaient d’autres métiers, avant” et qui exercent “ici” des jobs pour lesquels ils sont sur-qualifiés.
Exercer le métier pour lequel ils ont été formés
Avec La Fabrique nomade,
Inès Mesmar a mis au point un programme d’accompagnement pour les migrants ou réfugiés possédant une expérience significative dans l’artisanat.“L’objectif est qu’au lieu de gagner mal leur vie avec n’importe quel emploi alimentaire, ils exercent le métier pour lequel ils ont été formés dans leur pays d’origine.”
Pour y parvenir, il faut obtenir une validation des acquis de l’expérience (VAE) prévue dans la loi française (article L.900-1, alinéa 5 de l’actuel Code du travail). Cette dernière permet à toute personne “engagée dans la vie active” d’obtenir tout ou partie d’un diplôme ou d’un titre à finalité professionnelle, ou d’un certificat de qualification. Et donc, à terme, d’exercer sa profession.
Une démarche de long terme
Yasir (dont le nom de famille ne sera pas révélé) est l’un des quatre premiers à bénéficier de cet accompagnement. Diplômé des Beaux-Arts de Khartoum (Soudan) et désormais réfugié en France, il peut renouer avec son métier de potier, qu’il a exercé pendant 25 ans tout en continuant, ponctuellement, à exercer un emploi alimentaire comme jardinier sur un chantier d’insertion dans les Hauts-de-Seine (92).
Transmettre son savoir-faire
“L’Île-de-France est aujourd’hui la première région d’accueil des migrants : ils y sont plus de deux millions ! Deux millions de personnes dont on ignore pour la très grande majorité les compétences et parcours professionnels, parmi eux des artisans, dont nous avons besoin ! D’autant que les métiers manuels connaissent un regain important et qu’il existe beaucoup d’espaces pour les pratiquer.”
Un regain qu’elle explique par “une déconnexion trop longue de la terre, due au progrès technologique, d’un système industriel fortement mondialisé, , qui montre aujourd’hui toute sa fragilité et sa limite sur l’économie et l’emploi en France.” En permettant aux artisans migrants de transmettre leur savoir-faire, de fabriquer à nouveau, et in fine de créer une collection, tout en leur proposant des cours de français, l’entrepreneuse pense autant aider une minorité de plus en plus importante au sein de la population, tout en enrichissant le marché français de l’artisanat… et la dynamique économique locale.
“Si on changeait notre regard sur les migrants, qu’on leur permettait de rentrer dans les “cases françaises”, on accélérerait bien des innovations économiques et sociales”, soutient-elle.
À la recherche d’un modèle économique stable (l’association vit aujourd’hui sur ses fonds propres), Inès Mesmar espère, d’ici 2019, mutualiser les efforts pour que La Fabrique Nomade devienne une coopérative d’artisans à temps plein.
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