Amis à louer : après le logement, Airbnb veut monétiser l’hospitalité

Faire la tournée des bars avec Carina, naviguer en kayak dans les Calanques avec Jérémie ou encore découvrir l’ambiance nocturne de Pigalle avec François… Autant d’activités que les touristes de passage à Paris et à Marseille peuvent dorénavant s’acheter en plus de leur location Airbnb. 
 
Présenté le 17 novembre dernier à Los Angeles, le nouvel onglet Expériences d’Airbnb – déjà existant à New York, Florence, Tokyo ou encore Nairobi – est depuis le mois de mars accessible aux utilisateurs parisiens et marseillais de la plateforme de location de logement. Un nouveau cap franchi dans “l’ubérisation” des services.

Louer de la compagnie

Lors d’un voyage, il n’est pas toujours évident de s’imprégner seul de la culture locale. Selon Airbnb, l’offre Expériences répond à cette aspiration en proposant sur son site de vivre “comme des locaux” et faciliter ainsi l’immersion.
 
Cette expérience sociale n’est pas gratuite : chaque jour, plusieurs formules sont proposées à un tarif (très variable) déterminé à l’avance par des amateurs.

D’une partie de pétanque à 17 euros, avec Marie et Socrate sur le Vieux-Port de Marseille, à un atelier de confection de boîtes artisanales à 98 euros avec Françoise, en passant par un cours de danse à 44 euros sur une péniche parisienne avec Tanya, le choix est vaste.

En plus du logement, vous louer ainsi de la compagnie. Certains y voient un excellent moyen d’approfondir les échanges culturels et d’éviter les attrapes-touristes. D’autres dénoncent la marchandisation de nos vies, le risque de voir disparaitre le hasard et la sincérité des rapports humains.
 
“On ne peut pas parler de relation humaine, tant ici les acteurs offrant leur savoir-faire sont désintéressés. L’autre est là uniquement pour l’argent, ce qui n’est pas sans rappeler l’escorting, et ce sans tomber dans l’excès”, observe le philosophe Gilles Vervish dans les colonnes des Inrocks. “C’est d’autant plus triste quand on pense aux principes de base de l’ubérisation, à savoir la déprofessionnalisation, la libération des rigidités du travail qui rendait le truc ‘plus copain'”

L’inquiétude des professionnels du tourisme

Outre cette potentielle “déshumanisation” des échanges sociaux, la nouvelle offre d’Airbnb inquiète les professionnels du tourisme, qui y voient une concurrence déloyale.

Armelle Villepet, présidente de la Fédération nationale des guides interprètes et conférenciers (FNGIC) confiait dans le Parisien sa crainte que l’on “réduise le métier de guide, formé et avec un service de qualité, à une activité d’appoint. Ce n’est pas une concurrence loyale, du point de vue du droit du travail, par rapport à des guides autoentrepreneurs qui ont des charges et des revenus déclarés”.
 
Le géant américain viendrait également faire de l’ombre aux greeters, ces bénévoles réunis en association qui organisent des balades gratuites dans une démarche de tourisme solidaire. Enfin, d’autres petites plateformes telles que Guide like youproposant déjà aux auto-entrepreneurs de s’improviser guides craignent d’être englouties par le géant américain. 

Airbnb, agence de voyage du futur ?

La start-up californienne, qui a déjà bouleversé le marché de l’hôtellerie, ne cache pas son ambition de devenir une “plateforme de voyage” et de s’approprier toutes les instants de la vie touristique.
 
“La vision d’Airbnb est de répondre à tous les aspects du voyage, le rendant à la fois facile et magique du début à la fin”, expliquait Bryan Chesky, PDG de la start-up, en ouverture de l’événement Airbnb Open en novembre dernier.
 
À terme, c’est toute l’industrie du tourisme qui pourrait déchanter : le leader mondial de l’hébergement – qui propose près de 3 millions de logements dans 65 000 villes à travers le monde – prévoit, rappelle le Monde, d‘offrir aux voyageurs la possibilité d’acheter un billet d’avion, louer une voiture et même de se faire livrer des courses directement via la plateforme.
 

Recent Posts

  • Déchiffrer

Christophe Cordonnier (Lagoped) : Coton, polyester… “Il faut accepter que les données scientifiques remettent en question nos certitudes”

Cofondateur de la marque de vêtements techniques Lagoped, Christophe Cordonnier défend l'adoption de l'Éco-Score dans…

5 heures ago
  • Ralentir

Et si on interdisait le Black Friday pour en faire un jour dédié à la réparation ?

Chaque année, comme un rituel bien huilé, le Black Friday déferle dans nos newsletters, les…

12 heures ago
  • Partager

Bluesky : l’ascension fulgurante d’un réseau social qui se veut bienveillant

Fondé par une femme, Jay Graber, le réseau social Bluesky compte plus de 20 millions…

1 jour ago
  • Déchiffrer

COP29 : l’Accord de Paris est en jeu

À la COP29 de Bakou, les pays en développement attendent des engagements financiers à la…

2 jours ago
  • Déchiffrer

Thomas Breuzard (Norsys) : “La nature devient notre actionnaire avec droit de vote au conseil d’administration”

Pourquoi et comment un groupe français de services numériques décide de mettre la nature au…

3 jours ago
  • Respirer

Les oursins violets, sentinelles de la pollution marine en Corse

Face aux pressions anthropiques croissantes, les écosystèmes côtiers subissent une contamination insidieuse par des éléments…

4 jours ago