Partager la publication "Au nord du Canada, Peel Sound et Coningham Bay, terrains de jeux des bélugas"
À 6 heures 30, annonce du commandant Marchesseau : troupeau de bélugas en vue ! Au départ, on ne perçoit que des melons blancs à travers les jumelles. Puis on en distingue des foncés. “Ce sont des jeunes de cette année, ils n’ont que 3 mois”, précise Jean Pierre Sylvestre, le spécialiste des mammifères marins. “Ils vont être entre 100 et 150, répartis en plusieurs groupes. Il y a beaucoup de petits.”
Le commandant rapproche le navire le plus près possible. Ce n’est que plus tard que nous apprendrons qu’il ne restait à la fin plus que 2 mètres de tirant d’eau sous la quille. Nous restons 1 heure 30 fascinés par les aller et retour des cétacés qui se frottent la peau sur les galets dans 30 centimètres d’eau.
“Ce sont les seuls à pouvoir évoluer avec autant d’aise, malgré leur taille dans si peu d’eau, grâce à de larges ailerons avec lesquels ils pratiquent une sorte d’hydroglisse”. Pourtant, un très gros béluga adulte, tout blanc, bousculé par les autres, s’échoue. Il se cabre, bat en l’air sa queue ourlée de gris. Rien n’y fait, d’autant plus que le flot des autres le repousse sans cesse. Il s’agite de plus en plus violemment et arrive à tourner de 180° et à se faufiler dans le pack.
Odorat hyper-performant
“Un ours au fond !”. Une petite tache blanche qui descend de la colline, contourne. A-t-il été attiré par son odorat hyper-performant ? On le voit s’arrêter souvent et humer l’air. Le temps qu’il atteigne la plage, les bélugas ont disparu. L’ont-ils vus avec leurs yeux que l’on voyait clairement sortis régulièrement de l’eau ? L’ours se met à l’eau, mouline avec ses pattes avant sur quelques mètres et retourne sur la plage. A-t-il compris que c’était raté ?
“Un second ours !” De la direction opposée, un autre ours descend, faisant les mêmes pauses pour balayer l’air avec sa truffe. Mais il descend beaucoup plus rapidement, se jette à l’eau, nage vers le navire, qu’il approche à quelques mètres, en fait le tour ! Un ours curieux, comme les avait décrits France Pinczon. Puis il change brusquement de direction vers une tête de phoque qui a émergé.
Le canari des mers
De temps en temps, un seul individu en tête se détache et fait tout à coup volte face. “Ils sont en train de rabattre, grâce à leur sonar, les poissons, le plus souvent des morues polaires, vers les autres et chacun, à tour de rôle de place en avant en sens inverse pour en aspirer”.
Nous sommes si près que nous entendons les souffles, les remous des bulles, des sortes de ahannements et même de temps en temps des sons aigus ressemblant à des crissements de portes qui font partie de leurs chants. Le béluga est le plus vocal de tous les mammifères marins, au point qu’on l’a surnommé “le canari des mers”.
L’île du roi Guillaume
Le commandant décide de le faire hisser à bord pour le ramener au petit poste inuit près duquel nous passons bientôt. Mais avant, arrêt sur l’île du roi Guillaume à Coningham Bay, une baie accessible pour les belugas à marée haute, mais dont ils ne peuvent pas sortir à marée haute. Les ours le savent et ont souvent été aperçus là en grand nombre, ainsi que de nombreux ossements de belugas. Dès que le navire jette l’ancre, on voit nager une mère avec son petit collé à elle, quasiment comme si elle le portait sur son dos.
Et en entrant en zodiac dans la baie, nous découvrons une autre mère, le museau rouge de sang plongé dans une carcasse de béluga, son petit à côté d’elle.
Un tourisme respectueux
Si l’Afrique attire pour ses “Big Five” : l’éléphant, le lion, le léopard, le rhinocéros et le buffle (une expression apportée par Ernest Hemingway dans Les neiges du Kilimandjaro), l’Arctique pourrait attirer tout autant pour ses Big Five : l’ours polaire, le narval, le béluga, le morse et le bœuf musqué.
Le développement d’un tourisme respectueux serait la meilleure alternative au développement irrationnel dans le contexte du réchauffement climatique et très risqué sur le plan écologique des forages pétroliers dans la région.
Jean-Paul Curtay.
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