B.I.G., le commando d’« innovation disruptive » de Pernod-Ricard

Coincée entre deux terrasses de café, l’entrée de la Cour Damoye, à Paris, débouche sur l’une de ces petites rues pavées typique du vieux Paris. De vieilles façades d’ateliers rappellent qu’un jour, ébénistes, ferrailleurs et menuisiers ont fait de la Bastille un quartier industrieux. On n’entend plus un seul artisan dans la Cour Damoye. Mais on y travaille toujours, quoique différemment. C’est ici que le groupe Ricard a choisi de lancer en 2012 son Breakthrough Innovation Groupe (BIG). Une cellule spéciale d’ « innovation disruptive », installée loin des autres équipes du groupe, dans cette ruelle à l’abri des regards. Objectif pour le leader français des spiritueux : rompre avec les routines internes propres à une grande entreprise pour favoriser l’innovation.

« Retrouver l’esprit startup »

C’est sans manière que Daphnée Hor, « open innovation specialist », nous accueille dans le salon design du BIG, nous installe sur des canapés, et propose des bonbons. Plus loin dans la pièce, un bar américain et un écran géant complètent le décor. L’endroit évoque plus la coloc’, que le pôle d’innovation. Un choix revendiqué par Alain Dufossé, le maître des lieux : « Tout est fait pour que les créatifs se sentent totalement libres. L’idée est recréer l’émulation qui peut exister dans les petites équipes soudées des start-ups. »
 
Ancien directeur général de Pernod Ricard Allemagne et Autriche, l’homme est désormais « innovation leader », avec sous sa responsabilité une équipe de six créatifs. « Pour trouver de vraies innovations de rupture, il faut s’efforcer de penser de façon différente. C’est le but de ce lieu. » L’ordre de mission que lui a donné sa maison mère : « fais comme tu veux. »

Entre autre inspiration, les membres du BIG revendiquent la stratégie de l’« océan bleu  », développée par deux professeurs de l’INSEAD, W. Chan Kim et Renée Mauborgne, dans un livre sorti en 2005. L’idée ? Les entreprises qui gagnent sont celles qui réussissent à s’extirper de leur marché d’origine pour investir un environnement nouveau, à l’image d’Apple, ou de Nespresso, respectivement précurseurs en matière de Smartphones et de machines à café capsules. « Prenez les taxis, explique Alain Dufossé. Ils n’ont absolument pas vu venir la révolution du covoiturage. Pourquoi ? Parce qu’ils ont imaginé leur avenir avec les œillères de leur secteur. »
 

Bar connecté

C’est d’ailleurs de Nespresso que la première trouvaille du BIG – le « projet Gutenberg  » semble s’inspirer. Un bar à cocktail 2.0, composé d’une bibliothèque de « livres-contenant », renfermant chacun un alcool. Le tout est connecté à une plate forme de services : livraison à domicile déclenchée lorsque le contenu vient à manquer, tutoriels autour des recettes de cocktail. De quoi « imaginer un nombre infini d’expériences ludiques et sur mesure autour de la convivialité du futur », explique Alain Dufossé.

[Vidéo] Présentation du « projet Gutenberg »

Le projet Gutenberg a été présenté lors de l’Innovation Day 2014 organisé au sein de Pernod-Ricard. Durant cette journée se tenaient aussi un « hackathon » intitulé « briser les codes de la fête » et une conférence du sociologue Michel Maffesoli sur le futur de la convivialité. Encore à l’état de prototype, Gutenberg a déjà réussi à faire parler de lui sur tous les sites de tendances digitales. Il sera testé à partir de 2015.
 
Mais comment travaille exactement ce commando de l’innovation disruptive ? Mystère. À l’étage, le grand open space lumineux est quasiment vide le matin de notre visite. Le budget reste, lui aussi, secret. On apprend tout juste que Daphnée s’apprête à décoller pour l’Afrique. Les voies de l’innovation sont impénétrables…

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