Partager la publication "Bluesky : l’ascension fulgurante d’un réseau social qui se veut bienveillant"
Pour les expatriés de X (ex-Twitter), il faut tout recommencer sur Bluesky. Repartir de zéro avec aucun follower ni aucun compte suivi. Les premiers jours peuvent être difficiles. C’est sans doute pour cela que nombre de comptes créés il y a une petite année sont restés dormants jusqu’à il y a quelques semaines. Depuis, Bluesky est en plein effeverscence. Cela coïncide peu ou prou au moment où Elon Musk, devenu propriétaire de X pour 44 milliards de dollars, a pris position pour Donald Trump.
Le fait qu’il s’apprête à prendre les rênes du DOGE (Department of Government Efficiency, département des l’efficacité gouvernementale) a accéléré les choses. Nombre sont ceux qui tournent le dos à Twitter pour rejoindre Bluesky. Celui-ci est plus accessible qu’un autre rival, Mastodon, au fonctionnement un peu cryptique.
L’ambiance sur X est devenue de plus en plus tendue et nauséabonde. Homophobie, racisme, antisémitisme, sexisme, climatoscepticisme… Les messages haineux, la surreprésentation des messages d’extrême-droite, la modération inexistante… tout cela incite les utilisateurs à chercher si l’herbe est plus verte ailleurs. Ou, en l’occurrence, si le ciel est plus bleu.
Et en la matière, Bluesky émerge comme une alternative rafraîchissante, promettant une expérience plus ouverte et bienveillante. Une alternative au fonctionnement très similaire à X. C’est ainsi que Bluesky est devenu l’application gratuite la plus téléchargée sur l’App Store d’Apple et le Google Play Store.
Lancé discrètement en février 2023, Bluesky connaît aujourd’hui une croissance explosive. À l’origine, le réseau social était une… initiative de recherche dans le cadre de Twitter. L’aventure a commencé ainsi en 2019 pour Jay Graber, la fondatrice et CEO, avant qu’elle ne quitte X pour voler de ses propres ailes en 2021. L’entreprise compte aujourd’hui quelque 20 employés à temps plein et recrute. Il faut dire que, le 19 novembre 2024, Jay Graber, 33 ans, a annoncé que la plateforme venait de dépasser les 20 millions d’utilisateurs dans le monde, selon les données internes mises à disposition de toutes et tous. Pour comparaison, X compte environ 335 millions de membres, un chiffre qui s’érode depuis 2022. Mais le rythme actuel de progression de Bluesky est impressionnant : plus d’un million de nouveaux utilisateurs rejoignent la plateforme chaque jour.
Mais avant de connaître une croissance exponentielle, Bluesky a commencé en douceur, limitant les inscriptions avec des codes jusqu’en février 2024. Pourquoi ? Il fallait s’assurer que techniquement, tout tiendrait la route avant de passer à l’échelle supérieure. En effet, Bluesky se distingue par son écosystème ouvert et décentralisé. Un univers où le fil d’actualité n’est pas manipulé par un algorithme central et où la popularité de certains comptes est artificiellement boostée. Un univers sans publicité aussi, pour l’heure du moins. “J’ai commencé ma carrière en tant qu’activiste des droits numériques, œuvrant pour la protection de la neutralité du net et de la vie privée”, rappelle Jay Graber sur Bluesky.
Concrètement, le fonctionnement de Bluesky repose sur le protocole AT. Il permet aux utilisateurs de se connecter et de partager du contenu tout en gardant le contrôle sur leurs informations personnelles. Des développeurs indépendants peuvent même décider de créer leurs propres réseaux sociaux sur la base de Bluesky. Cette approche contraste fortement avec les “jardins clos” de X, Facebook, Instagram ou encore TikTok.
“L’état actuel de la plupart des plateformes sociales est que les utilisateurs sont enfermés et les développeurs sont exclus. Nous voulons construire quelque chose qui garantisse aux utilisateurs la liberté de se déplacer et aux développeurs la liberté de construire”, explique Jay Graber. Ce que confirme Rose Wang, directrice opérationnelle du réseau social dans une vidéo de 60 secondes (postée sur Bluesky et X) : “Vous n’êtes plus lié à un algorithme dominant qui promeut soit les publications les plus polarisantes, soit les plus grandes marques.” Et d’ajouter que Bluesky “est construit par les gens, pour les gens.” Cette approche vise à créer un environnement moins toxique et plus adapté aux préférences individuelles.
L’afflux massif de nouveaux utilisateurs a créé un problème de “septembre éternel”, faisant référence aux changements culturels brutaux que connaissent les réseaux sociaux en croissance rapide. Les premiers adoptants et les nouveaux venus s’affrontent parfois sur les normes sociales de la plateforme. Bluesky ne fait pas exception. Nombreux sont les utilisateurs de la première heure qui le rappellent régulièrement : “Bluesky ce n’est pas Twitter”.
“C’est amusant de voir que les gens qui s’attendent à une célébrité immédiate ne l’obtiennent pas. Nous ne sommes pas là pour former des fan clubs, nous sommes une communauté de vraies personnes avec de vraies vies. Soyez authentique et laissez-la grandir“, explique un autre membre. Même son de cloche avec cet utilisateur : “Bluesky n’est pas Twitter ou Threads. Si vous voulez reproduire ces lieux, vous êtes au mauvais endroit. Ce n’est pas un club de débat. Ce n’est pas un ‘marché d’idées’. Et ce n’est pas une zone de liberté d’expression sans limite. Si vous vous attendez à ce que ce soit le cas, vous êtes au mauvais endroit.”
La promesse de bienveillance de Bluesky suscite l’espoir d’un environnement en ligne plus sain. Pour l’heure, l’ambiance rappelle en effet celle des débuts de Twitter, où une communauté relativement restreinte échangeait de manière apaisée. Du fun, de la joie de vivre, des trends un peu bizarres… Bluesky apporte un vent frais sur les réseaux sociaux et davantage de légèreté dans un monde anxiogène.
Cependant, maintenir cette bienveillance à long terme reste un défi de taille. L’histoire de Twitter, devenu X, montre comment un réseau social initialement perçu comme positif peut évoluer vers un environnement plus toxique au fil du temps. Ce qui pourrait changer la donne avec Bluesky, c’est la modération et les outils mis à disposition des utilisateurs, permettant de bloquer de manière bien plus stricte que sur X.
Face à l’afflux massif de nouveaux utilisateurs, chacun apportant ses propres attentes et normes sociales, le défi est majeur. Bluesky saura-t-il gérer efficacement la modération de contenu et maintenir une culture positive tout en résistant aux pressions commerciales ? C’est cela qui déterminera si sa promesse de bienveillance peut être tenue à long terme dans un paysage numérique en constante évolution.
SOUTENEZ WE DEMAIN, SOUTENEZ UNE RÉDACTION INDÉPENDANTE
Inscrivez-vous à notre newsletter hebdomadaire
et abonnez-vous à notre magazine.
À la COP29 de Bakou, les pays en développement attendent des engagements financiers à la…
Pourquoi et comment un groupe français de services numériques décide de mettre la nature au…
Face aux pressions anthropiques croissantes, les écosystèmes côtiers subissent une contamination insidieuse par des éléments…
Alors que l’incertitude géopolitique mondiale s’intensifie et que Trump promet un virage radical sur les…
Pionnier dans la literie écoresponsable, Écomatelas affiche désormais un Éco-Score pour ses produits. Un engagement…
Lors du Refashion Day, Edem d'Almeida, fondateur d'un centre de tri multifilière au Togo, a…