Ce petit village irlandais devenu le garant de nos vies privées sur Internet

Les millions d’utilisateurs de Facebook en Europe l’ignorent, mais l’avenir de la confidentialité de leurs données se joue dans un petit bureau au-dessus d’une supérette, dans le bourg irlandais de Portarlington, à 90 kilomètres à l’ouest de Dublin.

C’est là qu’est basée la Commission de protection des données (DPC) irlandaise, chargée d’étudier les paramètres de confidentialité de dizaines de grandes multinationales de l’informatique et de l’Internet ayant leur siège européen en Irlande. Parmi elles figurent tous les grands noms du secteur, les Américains Facebook, Google, Twitter, LinkedIn, Apple ou Microsoft, attirés notamment par la fiscalité avantageuse de l’île verte.

“Obligation d’enquêter”

Le rôle de la DPC est plus que jamais crucial à la suite d’un récent jugement de la Cour de justice de l’Union européenne. Ce dernier invalidait le cadre juridique qui couvrait depuis quinze ans les transferts de données personnelles à des fins commerciales de l’Europe vers les États-Unis. La Haute Cour de justice d’Irlande a ordonné mardi 20 octobre à la DPC de se pencher sur l’épineux dossier, estimant qu’elle avait désormais “l’obligation d’enquêter” sur le sujet.

Lors de la création de la DPC en 1998, il était difficile de prévoir que l’Irlande allait devenir une plateforme technologique et le rôle qu’allait avoir Internet dans la vie de millions d’Européens. Avec 50 employés, à comparer aux quelque 300 millions d’utilisateurs de Facebook en Europe, elle semble aujourd’hui dépassée par l’ampleur de la tâche.

Pénurie de ressources

Aujourd’hui, certains remettent en cause la responsabilité de gendarme de l’Internet européen tenu par l’Irlande : “Il ne fait aucun doute que la DPC a souffert d’une pénurie de ressources, que ce soit pour des raisons financières ou autres”, estime Simon McGarr, un avocat travaillant avec Digital Rights Ireland, une association qui défend le droit à la vie privée numérique.

La DPC est en outre soupçonnée de se montrer trop bienveillante avec des multinationales dont l’apport à la fragile économie irlandaise est vital. “C’est une autorité de protection des entreprises, pas des données”, s’insurge Max Schrems, l’étudiant en droit autrichien qui a lancé la machine juridique européenne contre l’accord de transfert entre Bruxelles et Washington.

Face aux accusations d’amateurisme, voire de laxisme, l’Irlande a pris une série de mesures pour défendre la crédibilité de son gendarme du numérique, qui a ouvert une nouvelle antenne à Dublin, dans le quartier où nombre d’entreprises informatiques ont leurs bureaux.

Un budget de 4,7 millions d’euros

Un nouveau crédit de 1,1 million d’euros supplémentaires lui a été alloué la semaine dernière et son budget atteindra ainsi 4,7 millions l’an prochain, contre 1,8 million il y a deux ans. Le gouvernement du Premier ministre Enda Kenny compte désormais un portefeuille dédié à la question. Et Dara Murphy, le secrétaire d’État chargé de la protection des données, dément toute forme de complaisance : “Dire que l’on aurait un cadre réglementaire allégé est faux et infondé. Notre Commission est indépendante et toutes les décisions sont soumises aux lois irlandaises et européennes”, affirme-t-il à l’AFP.

L’Irlande reconnaît toutefois volontiers que son approche est plus fondée sur la discussion que sur la confrontation avec les géants de l’Internet. “Nous collaborons avec ces entreprises de façon à déterminer la manière dont elles travaillent avec les données, plutôt qu’attendre qu’elle fassent un faux-pas”, indique un porte-parole de la DPC.

Lara Charmeil (avec AFP)
@LaraCharmeil

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