Partager la publication "Ce que les premières nations du Pacifique ont à nous apprendre sur la transition sociétale"
Les “sociétés premières” se trouvent être des acteurs centraux de la lutte contre les changements climatiques ; et notre tour des innovations pour la transition des sociétés l’a prouvé. Car bien qu’absents du processus de réchauffement global, ils sont souvent les plus menacés par ses conséquences ; et ce, de façon encore plus marquée dans la région du Pacifique, où certains atolls ont déjà disparu sous la montée des eaux.
Or, leurs savoirs et savoir-faire, leurs coutumes et connaissances sont précieux et peuvent nous éclairer sur les transitions sociétales à de nombreux égards. Nous préférons les termes de “premières nations”, “premiers peuples” ou “sociétés premières” aux autres notions ternies de “peuples indigènes” pour deux raisons : l’idée de primauté conférée par le terme “premier” et l’idée de nation comme société organisée, complexe et se reconnaissant comme telle ; contre l’idée de “primitivité” accolée au concept colonial “d’indigène”.
Aetas philippins et communauté maorie de Whaingaroa
Peuples polynésiens du Pacifique
Beaucoup de traits communs, outre les similitudes linguistiques, sont en effet identifiables d’un bout à l’autre du Pacifique, telle que la culture du tatouage en tant que marqueur social, présente chez les Butbut au Nord des Philippines comme chez les Maoris en Nouvelle-Zélande, à 8 000 km d’écart.
Responsabilité naturelle de l’homme
Le concept māori de “Kaitiakitanga” est à cet égard symbolique : il définit une responsabilité naturelle de l’homme envers son environnement, mais une responsabilité à double sens. L’homme doit prendre soin de son environnement car celui-ci prend également soin de lui. Lorsqu’un ou une māori.e se présente, on parle de “mihi” : il ou elle ne donne ni son nom, ni son âge, sa profession ou ce qu’il possède. Il se présente avant tout en présentant sa montagne, sa rivière, sa forêt.
Ce qui définit l’individu est son appartenance à un environnement donné, qu’il doit protéger. Ces sociétés dites “primitives” ont donc conçu ce vers quoi l’Occident revient peu à peu : l’économie circulaire notamment, ou encore le nouveau concept d’économie bleu de Gunter Pauli, défini comme un développement holistique basé sur une exploitation raisonnée des ressources naturelles disponibles !
Résilience
Pour cela, la reforestation est un outil commun à ces deux cultures. Les arbres permettent en effet de limiter l’érosion des sols, de solidifier le substrat grâce aux racines, tout en facilitant la régénération des nappes phréatiques et de la qualité de l’eau ; sans compter le retour de la biodiversité qu’ils induisent. Les graines sont donc un bien plus précieux que l’argent, comme le souligne Erese, chef de la communauté Aeta de Yangil (Zambales, Philippines) :
“Vous pouvez me donner de l’argent, mais je ne saurai pas quoi en faire. Donnez-moi des graines, et je saurai non seulement quoi en faire, mais je sais aussi qu’elles bénéficieront à l’entière communauté.”
Dans son ouvrage Créateurs de Mondes, Andreu Solé postule que tout société est façonnée et modelée sur des “possibles” et des “impossibles”. Pour les Indiens Yogi de Colombie, il est par exemple”impossible” de creuser un trou dans la terre – nos métros souterrains sont pour eux une aberration – ce serait détruire la Mère Nature. Pour les Aetas et les Maoris de Whaingaroa, il est impossible de ne pas prendre soin de son environnement, car les modes de vie en dépendent, mais il est possible de réparer les erreurs humaines en le reconstruisant.
Que sont, alors, nos possibles et nos impossibles modernes ? S’il paraît impossible de relever un défi global tel que le réchauffement climatique, comment faire pour transformer nos impossibles en possibles ?
Anne-Sophie Roux.
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