Ces bars et restos qui partent en croisade anti-smartphone

« On tweete, on like, on commente, on répond… Et le plat est froid ». Alexandre Gauthier, chef étoilé, se désole de l’omniprésence du smartphone à la table de son restaurant La Grenouillère dans le Nord-Pas-de-Calais. À tel point qu’il a récemment apposé un logo d’appareil photo barré sur son menu pour inciter ses clients à s’occuper de leur assiette, plutôt que de leur page Facebook.
 
« Les photos ne sont pas interdites, mais je veux créer l’interrogation, précise le restaurateur. On n’arrive pas à déconnecter les gens. » Ils sont en effet de plus en plus nombreux à prendre compulsivement leur assiette en photo, souvent à grand renfort de filtres Instagram, pour briller sur les réseaux sociaux. Un hashtag spécial, #Foodporn, a même été créé pour rallier les adeptes. Sur Twitter, il ne se passe pas une minute sans que de nouvelles photos ne soient postées sur le fil. Sur FlickR, TumblR, on les compte par milliers.
 
Pas d’iPhone à la carte
 
Comme Alexandre Gauthier, beaucoup de restaurateurs sont agacés par le phénomène, rapporte l’AFP. Gilles Goujon, chef trois étoiles à L’Auberge du vieux puits, dans le Sud-Ouest, accuse les mobiles d’espionnage culinaire : « Si les gens le prennent en photo (le plat) et l’envoient sur les réseaux sociaux, ça gâche la surprise. On enlève aussi un peu ma propriété intellectuelle, on peut être copié ». Comme au musée, certains restos chics de New-York ont ainsi tout bonnement banni l’usage d’appareils photos pendant le repas.

Pour inciter ses clients à « déconnecter », le chef Mark Gold préfère lui la carotte au bâton. Dans son restaurant Eva, à Los Angeles, il offre une ristourne sur l’addition à tous ceux qui acceptent de laisser leur téléphone à l’entrée pour manger face à leur interlocuteur, comme au XXe siècle. « On veut que les gens interagissent de nouveau, sans se laisser distraire par leur téléphone », explique-t-il. Ce rabais (5%) a convaincu un peu moins de la moitié de ses clients de franchir le pas.
 
Guiness ou sms
 
Au Brésil, des bars sont à la pointe de cette croisade pro-convivialité. À Sao Paolo, le Salve Jorge prétend « sauver les gens du monde en ligne et les ramener à la table du bar ». Son arme ? Un verre de bière au fond spécial qui ne tient pas droit… a moins d’être posé sur un iPhone. Guiness ou Sms, il faut donc choisir. A Rio, au bar Venga, quiconque tente de se connecter au Wi-Fi reçoit un message incitant à « laisser tomber le téléphone un court instant ». Plus insolite, une marque de bière vénézuélienne a créé Anulador de celular , une glacière pour bière qui brouille les signaux téléphoniques pour un apéro 100% offline.

[Vidéo] Dans le spot publicitaire pour Anulador de celular, un homme se met à briser les téléphones de ses amis pour pouvoir les regarder dans les yeux

Même les produits publicitaires suivent le mouvement. Alors qu’il y a quelques années la tendance était aux décapsuleurs connectés, la marque hollandaise Amstel a senti le vent tourner. Elle a installé l’été dernier des casiers à smartphones à l’entrée de différents bars, restaurants et clubs. Quiconque acceptait d’y déposer son téléphone recevait un coupon pour une bière gratuite. L’acte de se débrancher ne serait-il pas devenu la nouvelle façon d’être… branché ?

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