Partager la publication "Cette association propose des colocs entre jeunes actifs et anciens SDF"
“J’ai 50 balais et je suis DJette !” Freddy, boubou coloré et lunettes qui glissent sur le bout du nez, a appris à jouer de la musique grâce à un de ses colocs. Bienvenue dans l’un de ces lieux de cohabitation entre générations… mais d’un genre un peu particulier.
Créée en 2011, l’association Lazare propose des colocs solidaires entre des jeunes travailleurs et des personnes ayant connu la rue. Freddy fait partie de ceux-là. Grâce à ce système, voilà quatre ans qu’elle a retrouvé un toit à Nantes. Lazare, organisation d’inspiration chrétienne, compte sept autres maisons dans toute la France (Lille, Angers, Toulouse, Marseille, Lyon, Valence et Vaumoise, dans l’Oise), ainsi que deux colocations à Bruxelles, deux autres à Madrid, et peut-être bientôt à Genève et à Mexico.
À Nantes, l’asso compte trois colocations – une de huit femmes, une de six hommes et une autre de neuf hommes – ainsi que plusieurs “studios d’envol”, c’est-à-dire des appartements individuels qui permettent de faire le pont entre une colocation de l’association et un appartement dans le monde extérieur. Au total, une cinquantaine de personnes cohabitent dans cette ancienne école réaménagée.
Cet article a initialement été publié dans WE DEMAIN n° 29, paru en février 2020. Un numéro toujours disponible sur notre boutique en ligne.
Si elle revendique son sale caractère, Freddy est souriante et se livre volontiers. “Si vous voulez être au courant des potins, c’est à elle qu’il faut demander. Elle sait tout ici”, s’amuse Aliénor, 28 ans, salariée de l’association depuis septembre 2019 et habitante du même appartement. Mais le quotidien de Freddy n’a pas toujours été si simple. “Je travaillais, j’ai des enfants. Puis j’ai suivi quelqu’un… même à 47 ans ça arrive. Je me suis retrouvée dans la rue. J’y ai passé trois mois. C’est court et long à la fois. Si j’y avais passé un mois de plus, je pense que je me serais jetée dans la Loire.” Freddy n’a ni honte ni gène à revenir sur cette époque : “La rue n’est faite pour personne, mais tout le monde peut y aller.”
Au départ, quand on lui propose cette solution de logement, elle est contre. “Une colocation à huit filles, je me suis dit que ce n’était pas pour moi.” Elle changera d’avis “pour avoir un toit”. Son ami Michou était lui aussi réticent. Avant Lazare, il a connu la grande solitude. Invalide, il ne peut pas travailler. Et lorsque l’appartement qu’il loue est vendu, il se retrouve à la rue pendant deux mois. “Au début, je ne pensais pas que j’allais tenir. Je suis arrivé il y a un an et demi, j’avais 54 ans, on était neuf, le plus jeune avait 23 ans, le plus âgé 77.”
“On cumule l’intergénérationnel, l’interculturel, l’intertout. Ce n’est pas tout rose tout le temps”, reconnaît Domitille. Elle vit avec son mari et leurs cinq enfants dans la maison. Ils sont la “famille responsable”, ceux qui veillent au bon fonctionnement de cette demeure atypique.
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Notamment au respect des règles strictes qui s’appliquent à tous : l’alcool est interdit, les portes doivent rester ouvertes si un coloc reçoit quelqu’un dans sa chambre, le loyer est le même pour tous (370 euros, charges et courses comprises), pas de télé dans les appartements… Et si certains écarts peuvent être pardonnés, “la violence est intolérable”. “C’est arrivé deux ou trois fois que l’on demande à quelqu’un de quitter la maison”, raconte Domitille. Ces cas restent une exception.
“40 % des colocs retrouvent un boulot et 85 % un logement stable”, explique Aliénor. À l’image de Charlotte, 39 ans, qui, après une lourde dépression et plusieurs tentatives de suicide, a dû arrêter de travailler et s’est retrouvée sans logement : “Je n’ai pas connu la rue, mais Lazare m’a quand même ouvert ses portes. Ça a été dur, au départ je ne voulais pas du tout entrer ici. En tout cas, pas en tant qu’accueillie. J’avais honte et peur de l’image que je pouvais renvoyer.”
“Mais j’ai accepté et à partir de là, ça a été de la magie”, poursuit Charlotte. “Ça a été une famille, un lieu où l’on peut raconter son histoire, où l’on est cru et pas jugé, où les gens veillent les uns sur les autres. Le fait de me sentir en sécurité, écoutée et aimée, m’a permis d’aller mieux. Pendant plus de quinze ans, j’étais sous traitement, et là ça fait plus d’un mois que je ne prends plus rien. Ça faisait plus de cinq ans que je ne pouvais plus travailler et maintenant j’ai un 15 heures par semaine. C’est un début, mais c’est déjà une victoire.”
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Charlotte, Michou, Freddy… tous parlent de Lazare comme d’une famille. “Michou m’a dit une phrase très touchante un jour : ‘Maintenant, je sais que je ne serai plus jamais seul comme j’ai pu l’être'”, se souvient Aliénor. Seul, il ne le sera pas de sitôt. Ce dernier s’apprête à partir pendant trois mois faire le tour des maisons Lazare avec son amie Freddy, pour rencontrer les 200 autres colocs de l’association.
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